Moralité et laïcisme dans la pensée politique de Rousseau

AutorRoberto R. Aramayo
Cargo del AutorDoctor en Filosofía, Instituto de Filosofía, CSIC, Madrid
Páginas83-95

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[...] et nous ne commençons proprement à devenir hommes qu’ après avoir été Citoyens

(ROUSSEAU, Manuscrit de Genève. OC III, 287)

LE rôle joué par la pensée de Rousseau dans la tradition culturelle européenne présente un double empreint : «Dans sa doctrine se trouve le point de départ de deux courants intellectuels entièrement différents; l’un, par delà le Sturm und Drang, par delà Hamann et Herder, conduit en Allemagne au Werther de Goethe et au romantisme; l’autre aboutit aux doctrines politiques de la Révolution française ainsi qu’à la morale et à la philosophie de l’histoire de Kant».

Ici on n’examinera pas son côté romantique, mais celui qui Cassirer a appelle «l’acte proprement révolutionnaire de Rousseau». Cet acte vraiment révolutionnaire aurait été celui d’attribuer une mission morale à la politique. [L’unité dans l’oeuvre de J-J Rousseau, p. 52]. À vrai dire, transformer l’ordre social existant est, dans la pensée politique de Rousseau, un e condition sine qua non pour avoir une liberté morale. La principale fonction de l’État n’est pas produire le bonheur, défendre le pouvoir ou garantir la sécurité, mais créer un cadre juridique où il règne la justice. Et dans ce contexte les croyances religieuses doivent se plier aux principes du droit. Quiconque peu avoir n’importe quelle religion si elle est compatible avec les devoirs du citoyen.

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On va voir d’abord cette moralité politique préconisée par Rousseau et après on dira deux mots sur son laïcisme.

1. La politique comme condition de la moralité

DES diverses ouvrages que j’avais sur le chantier celui que je méditais depuis plus longtemps, dont je m’occupais avec le plus de goût, auquel je voulais travailler toute ma vie, et qui devait selon moi mettre le sceau à ma réputation était mes Institutions politiques. Il y avait treize à quatorze ans que j’en avais conçu la premier idée, lorsque étant à Venise j’avais eu quelque occasion de remarques les défauts de ce Gouvernement si vanté. Depuis lors, mes vues s’étaient beaucoup étendues par l’étude historique de la morale. J’avais vu que tout tenait radicalement de la politique, et que, de quelque façon qu’on y prit, aucun peuple ne serait jamais que ce que la nature de son Gouvernement le ferait être

(OC I 404; RRA).

Cet texte des Confessions nous dit que, depuis si tôt que 1743, Rousseau avait planifiée une grande ouvrage sur philosophie politique, dont la première idée est après modifiée par son rapprochement historique à la moral. Il ne voulait pas parler sur cet projet à personne, même pas à Diderot, parce qu’il craignait qu’il pourrait paraître trop hardi pour le siècle et le pays où j’écrivais. Les problèmes qu’il voulait résoudre dans cet ouvrage pouvaient se résumer dans cette question: «Quelle est la nature du Gouvernement propre à former un Peuple le plus vertueux, le plus éclairé, le plus sage, c’est-à-dire quel est le Gouvernement qui par sa nature se tient toujours plus près de la loi? Dé là, qu’es-ce que la loi?» (OC I 404-405). Il avait prévu s’occuper aussi du droit internationale (cf. OC III 470), mais le projet demandait encore plusieurs années de travail et il a renoncé à cet ouvrage. Il a résolu d’en tirer ce qui pouvait se détacher, puis de brûler tout le reste, et poussant ce travail avec zèle, sans interrompre de l’Emile, il a mis en moins de deux ans la dernière main au ContratPage 87 sociale» (OC I 516), titre que son auteur hésita en changer par celui du De la Société civile, de la même façon que pour le sous-titre hésita entre les options de Essai sur 1) la constitution de l’État, 2) la formation du corps politique, 3) la formation de l’État et 4) la forme de la République, avant de choisir Principes du droit politique.

Les premières lignes du Contrat sociale nous disent que Rousseau voulait «chercher si dans l’ordre civil il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sûre, en prenant les hommes tels qu’ils sont, et les lois telles qu’elles peuvent être» (OC III 351; RRA). Son but était analyser celui qu’il avait pour changer les règles du jeu politique. Dans les Lettres écrites de la montagne souligne qu’il n’a jamais voulu dessiner un monde utopique. S’il aurait fait ça, «on se fut contenté de reléguer le Contrat sociale avec l’Utopie et les Sévarambes dans le pays des chimères. Mais je peignais un objet existant, et l’on voulait que cet objet change de face. Voilà ce qu’on ne m’a pas pardonné» (OC III 810).

Au lieu de se contenter en reléguant son livre dans le pays des chimères, l’oeuvre fut brûlé et l’auteur fut expatrié pendant plusieurs années. Pourtant, s’il vrai que le Gouvernement de Genève l’a servi comme un modèle, à cause de sa taille par exemple, elle était plutôt une république idéale et imaginaire qu’il utilisait pour transférer à son présent les vertus du antique monde gréco-romaine, mythifiées à cause de ses lectures de Plutarque, Diogène Laerce, Xénophon et Tite-Live: l’austère Sparte de Lycurgue et la Rome républicaine de...

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