La traite des êtres humains en andalousie (espagne), au maroc et au costa rica. Une approche comparative

AutorPilar Cruz Zúñiga
Páginas51-69
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LA TRAITE DES PERSONNES EN ANDALOUSIE (ESPAGNE), AU MAROC ET
AU COSTA RICA. UNE APPROCHE COMPARATIVE
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Pilar Cruz Zúñiga
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1. INTRODUCTION
Ce texte fournit des éléments d'analyse et d'action pour permettre une approche complète
de la traite des personnes ou traite des êtres humains (ci-après dénommé « TEH ») à
partir d'une proposition préliminaire et comparative, mettant l'accent sur les droits de
l’homme. La proposition découle principalement des travaux menés au cours des deux
dernières années dans le cadre du projet « Trata de personas, género y migraciones en
Costa Rica, Marruecos y Andalucía: por una defensa multi-garantista y multi-espacial de
derechos humanos » [Traite des personnes, genre et migrations au Costa Rica, au Maroc
et en Andalousie] (ci-après dénommé « Projet Traite des Personnes »), ainsi que des
enseignements tirés de ma participation à trois autres projets de l'Université Pablo de
Olavide (ci-après dénommé « UPO ») entre 2014-2017.
La traite des êtres humains est actuellement l'une des activités illégales les plus lucratives
au monde, avec le trafic de drogue et la vente d'armes, dans un contexte mondial
caractérisé par des mouvements migratoires actifs de population et favorisé par les
dynamiques issues du néolibéralisme et la domination patriarcale. Selon les rapports
semestriels de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC en
anglais) - entité défenseur du Protocole contre la traite, adopté à Palerme en 2000 et
ratifié par la plupart des pays - ; le nombre de cas signalés par les victimes dans leur
propre pays et par des étrangers a augmenté entre 2003 et 2016. En 2010, l'UNODC
estimait qu'il y avait plus de 2,4 millions de victimes de traite dans le monde,
principalement dans l'exploitation sexuelle et le travail forcé. Ces deux modalités sont
celles qui présentent le plus grand nombre de cas bien qu'il y ait aussi des victimes de
traite pour mendicité, mariages forcés et pornographie. En 2016, par exemple, sur toutes
les victimes de traite, 49% étaient des femmes, 23% des filles, 21% des hommes et 7%
des garçons (UNODC, 2018 :10).
Face à une telle situation, au XXIe siècle et à niveau mondial, il y a eu également une
augmentation des normes, des actions et des mesures de la part des États, des
organisations nationales et internationales et de la société civile elle-même ; tant pour
poursuivre les auteurs de ce crime que pour prendre soin des victimes. Cependant,
d'importantes limitations persistent lorsqu’il y a encore des situations d'exploitation et
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Version adaptée de Cruz Zúñiga (2019).
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Chercheur engagé dans le projet « Trata d e personas, género y migraciones en Costa Rica, Marruecos y
Andalucía: por una defensa multi-garantista y multi-espacial de derechos humanos » [Traite des personnes,
genre et migrations au Costa Rica, au Maroc et en Andalousie] (Code : 2016SEC012). E-mail :
pgcruzun@upo.es
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d'utilisation de personnes à des fins lucratives.Car des personnes sont encore exploitées et
utilisées comme une affaire (Cordero et al., 2012 ; Cruz Zúñiga, 2014). Cet égard, le
dernier rapport de l'UNODC reconnaît l'accroissement des efforts déployés par les
différents pays pour limiter l'impunité et condamner les trafiquants, améliorer la prise en
charge des victimes et systématiser les registres statistiques. En 2009 il n’y avait que 26
pays avec une institution chargée de recueillir et diffuser systématiquement des données
sur les cas de traite, mais en 2018 ce nombre est arrivé à 65. Cependant, au niveau
mondial, il existe toujours un lien très étroit entre la traite, les migrations et les conflits
armés, en particulier dans les zones de conflit (UNODC, 2018 : 7-8 et 10-11).
Bien qu'il y ait eu aussi une multiplication d'études et de enquêtes pour une meilleure
connaissance du sujet, de ses chiffres sur le plan mondial et de la situation dans la plupart
des pays, il reste encore des zones d’ombre pour explorer ce phénomène complexe et,
surtout, pour développer des propositions permettant d'élargir et de garantir les droits de
l’homme. C'est notamment à ce point où je cherche à contribuer à cette analyse avec
quelques propositions.
Afin d'élaborer ces propositions, je commencerai par exposer certaines des considérations
méthodologiques de la recherche menée dans le cadre du projet sur la traite des êtres
humains de l'UPO. J'aborderai ensuite la pertinence des axes de recherche-intervention
sociale dans une perspective large des droits de l'homme et de nature pré-violation.
Ensuite, je propose quelques contributions comparatives basées sur l'étude de trois zones
(le Costa Rica, le Maroc et l’Andalousie), qui seront complétées par une bibliographie
pour donner un aperçu de la traite, des dynamiques communes et du type d'interventions
faites par les entités publiques et privées pour combattre cette problématique. Finalement,
je lance quelques réflexions en guise de conclusion. Il faut également noterque la
présente étude ne constitue qu’une partie d’un projet plus vaste.
2. CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE
EFFECTUEE
Dans cette section, je présente quelques caractéristiques de base sur la méthodologie
suivie dans le projet sur la traite des personnes, élaboré par l'UPO entre mars 2017 et
septembre 2019. Il a été développé grâce au financement de l'Agence andalouse de
coopération internationale pour le développement (AACID) lors de son appel en 2016 ;
dans trois domaines où la traite a une incidence particulière : l’Andalousie (Espagne), le
Costa Rica et le Maroc.
L'objectif général du projet est de renforcer la défense des droits de l'homme des groupes
vulnérables à la traite des êtres humains dans ces trois territoires et d’implémenter, avec
des actions spécifiques, « des progrès significatives dans l'étude de la traite, avec des
contributions en termes d'équité entre les sexes (...) ainsi que des différences fondées sur
l'appartenance ethnique, l'âge, le sexe, l'origine, la situation économique, le statut social
etc. » (Cruz Zúñiga et Cordero, 2016 : 4).

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