La situation actuelle en Belgique

AutorClaude Wilwerth
CargoProfessor a l'École des Hautes Études d'Administration (Institut Cooremans-Ville de Bruxelles)
Páginas89-111

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Propos liminaire

Les critères d'évaluation linguistique dans le processus de sélection des fonctionnaires dans les différents Etats plurilingues constituent le thème du Symposium organisé par l'Ecole d'Administration Publique de Catalogne.

Il s'agit donc d'aspects relativement particuliers et techniques d'une législation abondante et complexe, qui concernent bien des secteurs de l'administration et de la fonction publique.

Il s'agit évidemment de mon propre pays, la Belgique, qui possède en fait une législation en matière d'emploi des langues dans quatre domaines: l'enseignement, l'armée, la justice et surtout l'administration publique. Je parlerai principalement de l'administration, en fonction de l'objet de ce symposium.

Ayant l'honneur de m'adresser à des auditeurs non-belges je crois opportun, avant d'entrer dans le vif du sujet, de donner quelques indications concernant les cadres géographique, historique et institutionnel de la Belgique.

Première partie: Le decor geographique, historique et institutionnel

La Belgique est un pays de faible dimension: sa superficie est de 30.520 km2. J'ai le sentiment qu'il ne doit pas y avoir de bien grande différence avec celle de la Catalogne.

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La population totale compte 9.900.000 habitants. La Flandre compte 5.700.000 habitants, la Wallonie, 3.200.000, Bruxelles, un peu moins d'un million, et la région de langue allemande, 70.000.

Il y a donc trois cinquièmes d'habitants de langue néerlandaise pour deux cinquièmes parlant le français, car la capitale du pays comprend 75 à 80 % d'habitants de langue française.

J'ai pleinement conscience que refaire, ne fûtce qu'à larges traits, l'histoire de la Belgique, constitue une gageure. Néanmoins, pour mes auditeurs, je me dois de rappeler au moins les principaux jalons du cheminement historique de mon pays.

57 av.J.C. marque le début de la conquête romaine. Le territoire actuel était à cette époque occupé par quelques tribus gauloises appartenant au monde celtique. La période gallo-romaine dure plus de quatre cents ans.

Au début du cinquième siècle, les Francs s'installent définitivement. Deux dynasties se succèdent: les Mérovingiens, puis les Carolingiens, dont la figure centrale est évidemment Charlemagne. La traité de Verdun de 843 marque le début du démembrement de son empire. Pour l'Europe occidentale, c'est le commencement de la féodalité, mais pour les territoires qui deviendront la Belgique, c'est aussi la formation des grandes provinces historiques (Comté de Flandre, Comté de Hainaut, Duché de Brabant, Comté de Namur, Duché de Luxembourg, Principauté de Liège, etc.) qui évoluent avec des fortunes diverses et disparaîtront avec la conquête française, à la fin du dix-huitième siècle. Signalons au passage que la plupart de ces grandes entités territoriales ne furent jamais complètement homogènes au point de vue linguistique.

La période qui s'étend approximativement du XIIème siècle à la période bourguignonne, c'est-à-dire à la fin du XIvème siècle représente en quelque sorte l'âge d'or des cités médiévales avec Gand, Bruges, Ypres, Bruxelles, Liège, Namur, etc. C'est probablement en ces temps-là que les Belges ont pris le goût de la gestion des intérêts locaux. C'est probablement depuis cette période aussi qu'ils se sont surtout qualifiés comme administrateurs locaux; ils furent probablement moins habiles sur le plan de la gestion des intérêts nationaux, surtout ces dernières décennies.

Le temps des ducs de Bourgogne, qui va de la fin du xivème jusqu'au milieu du XVIème siècle, sécrète une politique intense et constante d'unification et d'expansion de l'ancienne Lotharingie. On assiste à la création et au développement d'institutions politiques et administratives de plus en plus élaborées, tant sur le plan du gouvernement central que sur le plan local. Il est intéressant de noter que certains organes de ces institutions sont souvent bilingues dans nos régions, et qu'il existe aussi des embryons de législation sur l'emploi des langues. Le bilinguisme de certains fonctionnaires est parfois exigé.

Mes auditeurs se souviendront probablement que Marie de Bourgogne,Page 91fille du dernier Bourguignon Charles le Téméraire, et épouse de Maximîlien d'Autriche, est la mère de Philippe le Beau, qui épousa Jeanne de Castille. Philippe et Jeanne eurent six enfants, dont l'aîné des deux garçons, Charles, est mieux connu pour les Belges mais aussi pour les Espagnols sous le nom de Charles-Quint.

Ici commencent deux longues périodes, certes fertiles en événements dont je vous ferai grâce: celle des Habsbourg d'Espagne, de 1531 à 1702, celle des Habsbourg d'Austriche, de 1715 à 1792.

Les territoires qui devinrent la Belgique, à l'exception de la Principauté de Liège, furent soumis, avec des fortunes diverses, à un régime d'occupation de type colonial ou plutôt de style «protectorat». Les institutions établies sous les Bourguignons évoluèrent certes, mais finalement sans modifications vraiment profondes. Les administrations bilingues subsistèrent.

1792 marque l'entrée des troupes révolutionnaires françaises et l'instauration, sous le Consulat et l'Empire, d'un régime hyper-centralisé depuis Paris. Le territoire de la Belgique fut administrativement divisé en neuf départements, nos neuf futures provinces, dont les limites ont subsisté jusqu'à aujourd'hui, hormis quelques modifications d'ordre linguistique. Le français est évidemment la seule langue usitée par les pouvoirs publics. Après la défaite française de Waterloo en 1815, nous sommes rattachés à la Hollande. Si étrange que cela puisse paraître, la période de domination hollandaise ne devait pas profondément modifier l'état des choses au point de vue de l'organisation politique et administrative. Malgré quelques mesures pour imposer la langue néerlandaise, le français reste prépondérant.

En octobre 1830, les Belges se séparent brutalement de la Hollande et proclament leur indépendance. La constitution belge, promulguée le 7 février 1831, fut longtemps considérée comme un modèle du genre. Un seul article concernait l'emploi des langues: «L'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif; il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires». La liberté d'employer l'une ou l'autre langue est donc consacrée d'une manière formelle, ce qui est bien dans l'optique des principes édictés par les constituants de 1831, aristocrates et grands bourgeois censitaires influencés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et par le parlementarisme britannique. Les deux exceptions au principe de la liberté d'emploi des langues sont donc l'administration publique et les affaires judiciaires. Au fil du temps, le législateur réglera à plusieurs reprises l'emploi des langues en matière judiciaire et surtout en matière administrative. Mais, en application du principe de la liberté linguistique, les fonctionnaires francophones de Flandres et de la "Wallonie exerceront facilement leurs activités dans le nord du pays et ce, pendant près d'un siècle.

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Il convient de noter que, dès cette époque, les Flamands étaient déjà les plus nombreux et n'ont cessé de l'être jusqu'à nos jours. II est donc exclu de parler, pour cette époque, d'une minorité, tout au moins sur le plan démographique.

La question flamande, dont les principaux éléments se trouvaient réunis depuis longtemps, devait nécessairement, sous la pression de faits nouveaux et notamment d'un début d'émancipation des masses flamandes, donner naissance à un mouvement flamand, lequel, avec des hauts et des bas, s'est poursuivi jusqu'à nos jours. Il serait inopportun d'en faire ici l'historique mais il faut néanmoins signaler que les porte-parole de ce ou de ces mouvements flamands ont très rapidement demandé, pour la langue flamande, la place qui semblait lui revenir logiquement, principalement en matière judiciaire, d'enseignement et d'administration.

Sous l'impulsion de ce mouvement, un premier train de lois linguistiques, s'étendant sur les dernières décennies du XIXème siècle, voit le jour. Ce sont les lois de: 1) 1873 qui règle l'emploi du flamand en matière répressive dans la partie flamande du pays; 2) 1878 qui formule le principe de l'emploi du flamand en matière administrative; 3) 1883 qui impose l'emploi du flamand comme langue véhiculaire dans les établissements d'enseignement secondaire de la partie flamande du pays.

Les réalisations qui caractérisent les premières lois linguistiques ne pouvaient satisfaire complètement les revendications du mouvement flamand, de plus en plus exigeant. La période de l'entre-deux-guerres voit la promulgation de nouvelles lois linguistiques, très importantes, qui ne devaient d'ailleurs pas être les dernières. En 1928, c'est la loi relative à l'emploi des langues à l'armée, remplacée par une autre en 1936. En 1932, ce sont les lois relatives à l'administration (en remplacement d'une loi de 1921} et à l'enseignement primaire et moyen. En 1935, c'est la loi relative à la justice.

Les buts de la loi du 28 juin 1932 furent principalement;. 1) le renforcement de l'unilinguisme dans chacune des régions de langue néerlandaise et.de langue française: 2) la suppression du bilinguisme dans le statut des fonctionnaires de l'administration centrale; 3) la division des administrations centrales en services flamands et en services français (remplacement du bilinguisme des personnes par celui des services). Cette loi est véritablement l'un des plus importants jalons de l'histoire du mouvement flamand et de son principal corollaire: l'émancipation de la langue flamande en Belgique. Par ailleurs cette loi a modifié considérablement l'organisation de l'administration publique. Pendant près de trente-cinq ans, elle a servi de base à l'organisation linguistique du pays. Elle était évidemment la résultante de compromis, mais présentait néanmoins de grandes qualités, dont la principale était la souplesse d'application. Les fonctionnaires francophones l'ont considérée comme suffisante et surtout comme étant le maximum des revendications flamandes. Mais les Fla-Page 93mands considérérent très rapidement cette législation comme un premier pas et estimèrent qu'ils étaient en droit, sinon d'obtenir plus, du moins d'enlever à la loi sa souplesse d'application, afin de mieux protéger la. communauté flamande.

Après la seconde guerre mondiale, la renaissance du mouvement flamand se situe au début des années cinquante.

De nouvelles et très importantes lois linguistiques sont adoptées et entrent en vigueur dans les années soixante:

— la loi du 8 novembre 1962 fixant la frontière linguistique;

— la loi du 30 juillet 1963 fixant le régime linguistique dans l'enseignement:

— la loi du 2 août 1963 concernant l'emploi des langues en matière administrative;

— la loi du 9 août 1963 relative à l'emploi des langues en matière judiciaire.

La loi précitée de 1962 est d'une importance capitale, car elle fixait pour la première fois d'une manière précise et quasi irrémédiable la frontière entre les trois régions linguistiques. Auparavant, c'étaient les recensements décennaux de la population qui établissaient cette limite linguistique (qui n'était donc pas immuable).

La clé de voûte de toute la législation linguistique belge actuelle est incontestablement la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative, dont l'influence depuis vingt-cinq ans est considérable sur l'organisation administrative du pays.

On peut affirmer qu'elle a profondément modifié la physionomie de nombreux secteurs de l'administration publique.

L'économie générale de cette loi est basée sur les deux principes suivants:

1 ) le territoire est divisé en régions linguistiques (voir infra) ;

2 ) les services publics sont subdivisés suivant leur compétence territoriale.

Trois organes sont prévus afin de surveiller et de contrôler l'application de la législation linguistique:

  1. la Commission permanente de contrôle linguistique chargée de la surveillance générale de l'application des lois linguistiques (cf. la remarquable étude qui lui a été consacrée dans la revue de l'Ecole d'Administration Publique de Catalogne «Revista de Llengua i Dret», 5, juny de 1985, vol. 3, pp. 163-192, par le politologue belge, Monsieur M. P. Herremans, grand spécialiste des problèmes: communautaires et linguistiques);

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  2. le Vice-Gouverneur du Brabant: haut fonctionnaire, adjoint au Gouverneur de la Province du Brabant, qui est spécialement chargé de la tutelle administrative sur les communes de l'agglomération bruxelloise et les communes périphériques, en ce qui concerne l'emploi des langues en matières administrative et scolaire;

  3. le Secrétariat permanent de recrutement du personnel de l'Etat chargé, outre ses attributions traditionnelles en matière de recrutement, de faire subir les divers examens sur les connaissances linguistiques et de délivrer les certificats ad hoc.

    Cette loi du 2 août 1963 a été modifiée à plusieurs reprises et il existe de très nombreux arrêtés d'application. Par ailleurs, c'est un arrêté royal, en date du 18 juillet 1966, qui porte coordination des lois sur l'emploi des langues en matière administrative (llc). Ce texte coordonné a également été modifié à plusieurs reprises.

    Les aspects les plus intéressants de cette législation sont examinés dans la deuxième partie de cette communication, en fonction de thème du Symposium.

    Parallèlement aux revendications purement linguistiques, se développèrent, à partir du début des années soixante, des revendications tendant à réformer les institutions politiques par une redistribution des pouvoirs. Le mouvement flamand voulait, en plus d'une législation complète en matière d'emploi des langues, la reconnaissance politique de l'unité linguistique et culturelle de la Flandre. En Wallonie, est apparue plus récemment une volonté de détenir et de maîtriser des moyens propres pour faire face au déclin économique qui s'accélérait, pour créer les conditions d'un redressement, pour gérer et valoriser les ressources et le potentiel existant.

    Suite à trois importantes révisions de la Constitution, celles de 1970 et 1988, des compétences ont été retirées à l'Etat proprement dit, et attribuées à des institutions nouvelles. Cette redistribution des pouvoirs s'est faite vers les Communautés et les Régions, pour deux groupes de compétences.

    Il existe trois Communautés:

    — la Communauté française qui regroupe toute la population qui parle le français, c'est-à-dire les habitants de la région linguistique française (la Wallonie) et les francophones habitant Bruxelles-Capitale;

    — la Communauté flamande qui regroupe toute la population qui parle le néerlandais, c'est-à-dire les habitants de la région linguis-Page 95tique néerlandaise (la Flandre) et les néerlandophones habitant Bruxelles-Capitale;

    — la Communauté germanophone qui regroupe toute la population qui parle l'allemand (région linguistique allemande).

    Il existe trois Régions qui ne coïncident pas totalement avec les Communautés précitées:

    — la Région wallonne qui couvre l'ensemble de la Wallonie ainsi que la région de langue allemande;

    — la Région flamande qui couvre l'ensemble de la Flandre;

    — la Région bruxelloise qui couvre actuellement les 19 communes de Bruxelles-Capitale. Cette agglomération, habitée par des francophones et des néerlandophones, constitue une région bilingue.

    Les compétences des Communautés sont les affaires culturelles, l'enseignement, l'emploi des langues (sauf en ce qui concerne les communes à facilités linguistiques, les institutions bicommunautaires et la communauté germanophone), certaines matières sociales, que la Constitution qualifie de «personnalisables» (politique de santé, aide aux personnes), la coopération entre les Communautés et la coopération culturelle internationale).

    Les compétences des Régions sont nombreuses et complexes. Elles peuvent être regroupées comme suit: la politique de l'environnement, la politique du logement, la politique de l'eau, certains aspects de la politique économique, la politique de l'énergie, la politique de l'emploi, la tutelle administrative sur les provinces et les communes.

    Il est peut-être intéressant de signaler ici que de nombreuses matières dévolues aux Communautés et aux Régions belges sont presque identiques à celles reprises à l'article 148 de la Constitution espagnole de 1978, qui concerne les compétences que peuvent assumer les Communautés autonomes espagnoles.

    Régions et Communautés sont pourvues d'une assemblée délibérante —le conseil— et d'un organe exécutif —l'exécutif. A l'heure actuelle, le système est asymétrique en ce sens que les institutions ne sont pas les mêmes du côté néerlandophone que du côté francophone, car la Communauté flamande exerce aussi les attributions de la Région flamande.

    Dans les limites de leurs compétences territoriales et matérielles, les assemblées communautaires et régionales sont habilitées à adopter des actes de nature législative, appelés «décrets», qui dans la hiérarchie des. normes ont la même valeur que les lois nationales. La Cour d'arbitrage connaît les conflits entre lois et décrets.

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    Les exécutifs communautaires et régionaux prennent, sous forme d'arrêtés, des décisions à caractère individuel et réglementaire.

    Territorialement, les compétences et les limites de chaque Communauté et de chaque Région sont déterminées par référence aux «régions linguistiques» qui sont au nombre de quatre: la région de langue française, la région de langue néerlandaise, la région de langue allemande et la région bilingue de Bruxelles-Capitale.

    C'est donc dans le cadre de l'Etat central, des Communautés, des Régions, des provinces et des communes que va s'appliquer la législation sur l'emploi des langues en matière administrative et plus particulièrement les dispositions qui concernent le personnel de l'administration publique.

Deuxième partie: Analyse des dispositions principales du statut linguistique de la fonction publique belge

Il est indéniable que l'existence dans les pays bilingues ou plurilin-gues d'une législation, d'une réglementation, ou même de coutumes relatives à l'emploi des langues dans l'administration modifie considérablement l'organisation de la fonction publique. Pensons à la Belgique, au Canada, à la Finlande, à la République Sud-Africaine, à la Suisse, à la Tchécoslovaquie, à la Yougoslavie, etc., pays qui accordent un statut officiel à deux ou plusieurs langues nationales sur une base voisine de l'égalité.

En Belgique, la législation linguistique en matière d'administration publique est abondante et variée. Il n'en est heureusement pas de même en ce qui concerne les autres législations linguistiques belges: celles qui s'appliquent à l'enseignement, à la justice et à l'armée. En ce qui concerne l'emploi de langues en matière administrative, la loi fondamentale est celle du 2 août 1963. Celle-ci et d'autres lois linguistiques concernant l'administration et son personnel ont été coordonnées par l'arrêté royal du 18 juillet 1966. Par ailleurs, il existe de nombreuses mesures d'application sous forme d'arrêtés royaux, d'arrêtés ministériels et de circulaires.

Une grande partie des agents de la fonction publique voit cette législation linguistique s'ingérer dans de nombreux aspects de leur carrière administrative: recrutement, classement dans un rôle linguistique et dans un cadre linguistique, affectation, promotion, mutation, etc. Le fonctionnaire voit aussi son environnement professionel considérablement modifié lorsque son travail doit être effectué partiellement ou même complètement dans l'autre langue.

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J'aborderai successivement le régime linguistique du personnel des administrations nationales et celui du personnel des services locaux et régionaux.

1. Le personnel des administrations nationales

Au sens de la législation linguistique, les administrations nationales sont constituées par les services dont l'activité s'étend à tout le pays et qui comprennent des services centraux et des services d'exécution. Le personnel de ces administrations nationales comprend donc le personnel des Ministères nationaux et celui des services publics décentralisés fonctionnellement et dont l'activité s'étend évidemment à tout le pays. On doit également considérer que pour les services publics décentralisés fonctionnellement, il existe aussi une administration centrale et des services extérieurs ou d'exécution au sens des lois linguistiques.

Il y a lieu d'examiner à présent les aspects principaux de la législation linguistique se rapportant aux administrations centrales, mais qui servent également de base aux dispositions en vigueur dans les administrations régionales et locales.

Ces aspects principaux sont:

  1. Le principe de l'unilinguisme des services;

  2. le rôle linguistique;

  3. le cadre linguistique;

  4. l'adjoint linguistique;

  5. le personnel des services d'exécution.

1.1. Le principe de l'unilinguisme des services

Pour les administrations centrales, l'unilinguisme des services a été érigé en un véritable principe. On peut considérer qu'il s'agit là de la clé de voûte de l'organisation linguistique des services centraux.

La base légale est le par. 1er. de l'article 43 des lois linguistiques coordonnées: «Chaque fois que la nature des affaires et le nombre des agents le justifient, les administrations des services centraux sont groupés en directions et divisions, bureaux et sections français et néerlandais.»

Il y a lieu de noter que ce principe de l'unilinguisme des services avait déjà été établi par l'arrêté royal du 6 janvier 1933, en application de la loi linguistique de 1932. Cependant, durant la période 1933-1963, le groupement des administrations centrales en services et bureaux néerlandais a été quasi inexistant. Sauf, dans un cas, au Ministère de l'Education Nationale et de la Culture, où à partir de 1969, on a assisté à la créa-Page 98tion de deux départements ministériels distincts; le Secrétaire général est toutefois resté commun.

Certaines passerelles, appelées services communs, notamment pour les affaires internationales et pour certaines affaires nationales, comme la Bibliothèque Royale Albertine, subsistaient.

Il existe à présent des ministères communautaires et régionaux eu égard à la création des nouvelles institutions politiques communautaires et régionales.

Ces nouveaux ministères sont au nombre de quatre: celui de la Communauté flamande (les nouvelles institutions sont fusionnées dans le nord du pays, ce qui n'est pas le cas dans le sud), celui de la Communauté française, celui de la Région wallonne, celui de la Région bruxelloise. A part ce dernier, les trois autres ministères sont homogènes linguistiquement.

1.2. Le rôle linguistique

Le rôle est l'affectation linguistique de l'agent public. La législation précise que: «Tous les fonctionnaires et agents sont inscrits sur un rôle linguistique: le rôle français ou le rôle néerlandais.»

Il n'y a pas de rôle linguistique allemand.

L'inscription sur un rôle linguistique est primordiale car elle conditionne en fait toute la carrière administrative du fonctionnaire. Minutieusement organisée, elle ne laisse aucune latitude. On peut évidemment regretter ce manque de souplesse et cette absence de libre choix du rôle linguistique. Ce caractère draconien de la législation a souvent été souligné. II n'est pas cependant totalement à rejeter, car il a au moins permis d'éviter une anarchie dans la gestion du personnel des administrations publiques.

Le critère actuel de détermination du rôle linguistique trouve sa base dans le par. 4 de l'article 43 des lois coordonnées. Cette disposition établit les trois principes fondamentaux suivants:

  1. La détermination du rôle linguistique en fonction de la langue du diplôme;

  2. L'interdiction du passage d'un rôle à l'autre;

  3. La présentation des examens de promotion dans la langue du rôle.

Reprenons ces trois points plus en détail car ils sont importants.

1.2.1. La détermination du critère sur le rôle linguistique

Ce critère est la langue des études. Celle-ci est prouvée par le diplôme exigé, le certificat d'études requis ou la déclaration du directeur d'école.

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Il est toutefois intéressant de souligner que les candidats à la fonction publique peuvent prouver par un examen préalable «qu'ils connaissent l'autre langue aussi bien que la langue véhiculaire de leurs études et présenter l'examen d'admission dans cette langue». Ces personnes sont relativement rares, étant donné qu'elles doivent être parfaitement bilingues.

Il convient de remarquer que les bilingues parfaits sont de plus en plus rares, aussi bien chez les francophones que chez les néerlandophones. En effet, depuis un certain nombre d'années, ce nombre a considérablement diminué chez les néerlandophones.

Remarquons enfin qu'il existe des règles particulières pour les candidats à la fonction publique ayant fait leurs études à l'étranger et pour ceux qui ont fait leurs études dans la région de langue allemande.

1.2.2. Le principe de l'interdiction de passer d'un rôle à l'autre

Le passage d'un rôle à l'autre est interdit sauf en cas d'erreur manifeste.

Ce principe est clair et son application devrait être relativement simple.

L'interdiction de changer de rôle est évidemment discutable, mais son instauration dans la loi était pratiquement inévitable. C'était une revendication essentiellement flamande afin de protéger «l'homogénéité linguistique de la région flamande». Mais il faut reconnaître que, de leur côté, les francophones auraient difficilement accepté l'intrusion de Flamands dans le cadre français des services centraux.

En ce qui me concerne, je ne suis pas certain que ce principe rigoureux soit une solution idéale.

La seule exception au principe, qui soit admise, est le cas d'erreur manifeste lors de l'affectation. La jurisprudence de la Commission permanente de contrôle linguistique a admis plusieurs de ces cas d'erreur manifeste.

1.2.3. Promotion dans le même rôle linguistique

Les examens de promotion ont lieu dans la langue du rôle auquel les récipendiaires sont affectés

précise l'article 43 de lois linguistiques coordonnées.

Il s'aigt en quelque sorte du corollaire logique du principe de l'interdiction de changer de rôle linguistique.

Le législateur aurait peutêtre pu imaginer la possibilité de changer de rôle à l'occasion d'une promotion octroyée à la suite d'un examen, mais ce système aurait également porté atteinte au principe d'homogénéité.

La situation des agents entrés avant la mise en vigueur de la loi linguistique du 2 août 1963 a créé de nombreuses difficultés. En effet, les prescriptions de la loi de 1932 étaient beaucoup plus laxistes au sujet desPage 100connaissances linguistiques et des critères d'inscription sur les rôles linguistiques.

1.3. Le cadre linguistique

Alors que le rôle est l'affectation linguistique de l'agent, le cadre est l'affectation de l'emploi ou du grade.

Traditionnellement, le cadre est un tableau numérique, qui, dans une administration donnée, indique les grades existants et les emplois prévus pour chacun d'eux. Depuis la mise en vigueur de la loi linguistique de 1963, s'ajoute une indication linguistique: la distribution de ces emplois entre les deux langues.

La base légale du cadre linguistique se trouve dans l'article 43, par. 2 des lois linguistiques coordonnées qui dispose que: «Les fonctionnaires d'un gracie égal ou supérieur à celui de directeur sont répartis entre trois cadres: un cadre français, un cadre néerlandais et un cadre bilingue. Les autres agents sont répartis entre deux cadres: un cadre français et un cadre néerlandais».

L'économie générale du système des cadres linguistiques peut se résumer de la manière suivante:

  1. Pour les emplois inférieurs à ceux de directeur et pour lesquels il existe deux cadres, le cadre français et le cadre néerlandais, «le Roi détermine pour chaque service central le nombre d'emplois à attribuer au cadre français et au cadre néerlandais, en tenant compte, à tous les degrés de la hiérarchie, de l'importance que représentent respectivement pour chaque service la région de langue française et la région de langue néerlandaise.

  2. A partir du grade de directeur et audessus: les emplois sont répartis en nombre égal entre les deux cadres et ce, à tous les degrés de la hiérarchie. Il s'agit de la règle générale, mais pour laquelle il faut tenir compte des deux aspects suivants:

  1. la possibilité de déroger au principe de la répartition en nombre égal «(...) en faveur des services centraux dont les attributions ou les activités intéressent de façon inégale la région de langue française et la région de langue néerlandaise»;

  2. l'existence «du cadre bilingue qui comporte 20 % de l'effectif global des fonctions égales et supérieures à celle de directeur, ces fonctions sont réservées, à tous les degrés de la hiérarchie, en nombre égal aux fonctionnaires de deux rôles linguistiques».

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En fonction des principes' généraux- énoncés ciavant, il y a lieu d'examiner successivement le problème des degrés de la hiérarchie, celui de la répartition générale des emplois, celui de la répartition des emplois de direction et celui du cadre bilingue.

1.3.1. Les degrés de la hiérarchie

Il me semble d'abord opportun d'indiquer qu'au point de vue hiérarchique, la fonction publique est divisée en quatre niveaux. Ceux-ci, en ce qui concerne la formation requise pour accéder à chacun d'eux, correspondent aux quatre niveaux d'enseignement du pays:

niveau 1: enseignement supérieur;

niveau 2: enseignement secondaire supérieur;

niveau 3: enseignement secondaire inférieur;

niveau 4: enseignement primaire.

Chaque niveau est divisé en un certain nombre de rangs et chaque' rang comprend un certain nombre de grades. Le rang est la valeur relative du grade au sein du niveau. Il peut donc y avoir plusieurs grades ayant le même rang au sein de chacun des niveaux (exemple: le grade de directeur d'administration et celui d'inspecteur général qui appartiennent tous les deux au rang 15).

Les 2.500 grades des administrations de l'État ont été regroupés ainsi en 1964 en 25 rangs: le niveau 4 comprend 5 rangs, le niveau 3 comprend 6 rangs, le niveau 2 comprend 6 rangs et le niveau 1 comprend 8 rangs.

C'est l'arrêté royal n.° I du 30 novembre 1966 qui détermine les grades des agents de l'Etat qui constituent un même degré de la hiérarchie. Cet arrêté fixe douze degrés de la hiérarchie. Chacun de ceux-ci comprend les grades répartis dans un ou plusieurs rangs (voir tableau)., Il s'agit d'une réglementation importante qui permet au Roi de fixer les-cadres linguistiques proprement dits. Elle servira d'exemple, de prototype en quelque sorte, pour les autres services publics centraux, notamment ceux dont les agents ne sont pas soumis directement au statut des agents de l'Etat.

1.3.2. La répartition générale des emplois

Nous avons vu précédemment que c'est le Roi «(...) qui détermine: pour chaque service central, le nombre des emplois à. attribuer au cadre français et au cadre néerlandais, en tenant compte à tous les degrés de la hiérarchie, de l'importance que représentent respectivement pour chaque service la région de langue française et la région de langue néerlandaise.

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Toutefois à partir du grade de directeur et audessus, les emplois sont répartis en nombre égal entre les deux cadres, à tous les degrés de la hiérarchie».

Lors de la procédure d'élaboration des cadres linguistiques, un des grands problèmes fut la détermination de l'importance de chaque région linguistique. Quels critères objectifs fallait-il adopter? Mais la pierre d'achoppement fut véritablement le problème de savoir si, pour la détermination de l'importance de la région française et de la région néerlandaise, ¦ il fallait tenir compte de l'agglomération de Bruxelles'.

La Jurisprudence de la Commission permanente de contrôle linguistique, comme celle du Conseil d'Etat, évoquent à plusieurs reprises cet aspect important de l'application de la législation linguistique.

1.3.3. La répartition des emplois de direction

Le principe général de la répartition des emplois de direction est le suivant: les emplois sont répartis en nombre égal entre les deux cadres, à tous les degrés de la hiérarchie.

Rappelons que le directeur, dans la hiérarchie des grades de la Fonction publique belge, du moins dans celle des agents et fonctionnaires de l'Etat, se trouve au rang 13 et qu'au-dessus se trouvent les emplois classés aux rangs 14, 15, 16 et 17:

- 1er. degré de la hiérarchie

Rang 17: le Secrétaire général;

Rang 16: le Directeur général et l'Administrateur général;

Rang 15: le Directeur d'Administration et l'Inspecteur général;

- 2me. degré

Rang 14: le Premier Conseiller:

Rang 13: le Directeur, le Conseiller et le Conseiller-Chef de service.

Le Roi peut cependant, par arrêté motivé et délibéré en Conseil des Ministres, déroger à la règle de l'égalité numérique des emplois de direction, en faveur des services centraux dont les attributions ou les activités intéressent de façon inégale la région de langue française et la région de langue néerlandaise. Citons à cet égard deux exemples caractéristiques: l'Administration des Eaux et Forêts qui concerne la Wallonie, et le Laboratoire de recherches hydrauliques de l'Etat qui concerne la Flandre, Un autre exemple typique qui a malheureusement donné lieu à de nombreuses polémiques est celui des emplois de direction de l'Administration Générale de la Coopération au Développement, du fait que la coopération est beaucoup plus importante avec les pays francophones du tiers, monde dont le Zaïre, le pays du Maghreb et de l'Afrique noire exfrançaise.

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1.3.4. Le cadre bilingue

Pour les emplois supérieurs ou égaux à directeur, il existe à côté des cadres français et néerlandais, un cadre bilingue, système imaginé par le législateur de 1963 mais qui a donné lieu à de nombreux problèmes, car ce système possède de chauds partisans et d'irréductibles adversaires.

L'article 43 de la législation linguistique coordonnée déclare que: «Le cadre bilingue comporte 20 % de l'effectif global de fonctions égales et supérieures à celle de directeur. Ces fonctions sont réservées en nombre égal, aux fonctionnaires des deux rôles linguistiques.»

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Pour être admis au cadre bilingue, les fonctionnaires doivent fournir devant un jury constitué par le Secrétaire permanent au recrutement, la preuve qu'ils connaissent suffisamment la seconde langue.

L'acquisition de la seconde langue par les agents et fonctionnaires des services publics est un des grands problèmes actuels de l'administration belge. Les bilingues parfaits étaient beaucoup plus répandus chez les Flamands, pour plusieurs raisons: universalité et notoriété de la langue française face à la langue néerlandaise, manque de dispositions des francophones pour l'apprentissage des langues, mauvaises méthodes d'enseignement. Depuis une vingtaine d'années, les néerlandophones bilingues deviennentPage 105de moins en moins nombreux et de moins en moins parfaits. Mais néanmoins, les postes du cadre bilingue revenant aux agents du rôle français ne sont pas toujours occupés, faute de candidats en règle.

En matière de cadres linguistiques, les problèmes furent et restent nombreux. Il s'agit de ceux relatifs aux nominations et aux promotions en l'absence de cadres linguistiques, ceux relatifs aux effets rétroactifs des cadres linguistiques lorsque ceux-ci entrent effectivement en vigueur, enfin ceux relatifs aux droits acquis par les fonctionnaires et agents des services publics entrés en fonction avant la législation de 1963.

Les procédures d'élaboration des cadres linguistiques sont longues et fastidieuses. Les rapports annuels de la Commission permanente de contrôle linguistique le prouvent amplement!

1.4. L'adjoint bilingue

Le système de l'adjoint bilingue est très intéressant et je le tiens comme un aspect des plus positifs de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative.

Bien que l'adjoint bilingue était déjà prévu par la loi linguistique de 1932, il trouve actuellement sa base légale dans l'article 43, par. 5 des lois linguistiques coordonnées: «Quand le chef d'une administration est unilingue, il est placé à ses côtés, en vue du maintien de l'unité de jurisprudence, un adjoint bilingue. L'adjoint ne peut appartenir au même rôle que le chef. II est revêtu au préalable du même grade ou du grade immédiatement inférieur.»

Les attributions principales de l'adjoint bilingue sont:

  1. exercer toutes ses activités au sein de la même administration;

  2. assister le chef d'administration (un Directeur général par exemple) dans les affaires traitées dans la langue non connue de ce dernier;

  3. prendre connaissance de toutes autres affaires où l'unité de jurisprudence est susceptible d'être mise en cause;

  4. l'adjoint bilingue ne peut être astreint en aucun cas à un travail matériel de traduction littérale et écrite des pièces du dossier;

  5. les relations entre le chef d'administration et les fonctionnaires et agents dont il ne connaît pas la langue ont lieu par l'intermédiaire de l'adjoint.

L'adjoint bilingue sera donc toujours un fonctionnaire faisant partie du cadre bilingue ou susceptible d'y être nommé ou promu.

De nombreux problèmes se sont posés lors de l'application effective du système de l'adjoint bilingue dans les administrations centrales notamment en ce qui concerne la définition parfois difficile de chef d'administration, le cas de la hiérarchie administrative incomplète et la détermination des missions réelles de l'adjoint bilingue.

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1.5. Le personnel des services d'exécution

Rappelons que les services d'exécution sont des services nationaux, c'est-à-dire dont l'activité s'étend à tout le pays, mais que contrairement aux services nationaux centraux, ils n'exercent pas de direction administrative et ils n'assurent pas le respect de la jurisprudence administrative.

Il y a trois espèces de services d'exécution:

  1. les services d'exécution dont le siège est établi à Bruxelles;

  2. les services dont" le siège est établi en dehors de Bruxelles-Capitale et dont l'activité s'étend à tout le pays;

  3. les services établis à l'étranger.

En ce qui concerne le statut du personnel, au point de vue linguistique, il y a de très grandes analogies avec la réglementation en vigueur pour les services centraux, matière qui a fait l'objet des développements précédents.

L'article 45 des lois coordonnées dispose que «les services sont organisés de manière telle que le public puisse se servir; sans la moindre difficulté, du français et du néerlandais».

Les services établis à l'étranger sont principalement les services extérieurs du Ministère des Affaires étrangères: ambassades, légations, représentations auprès des organisations internationales, consulats et vice-consulats. Il y a également les représentations d'autres services publics: le Commissariat au Tourisme, la Sabena, la SNCB, la Régie des Transports Maritimes.

Le par. 5 de l'article 47 de la législation linguistique dispose: «Les emplois affectés à l'ensemble des services établis à l'étranger sont répartis en nombre égal et à tous les degrés de la hiérarchie, entre les rôles linguistiques français et néerlandais. Les titulaires de ces emplois doivent fournir, devant un jury composé par le Secrétaire permanent au recrutement, la preuve qu'ils possèdent de la seconde langue —le français ou le néerlandais— une connaissance appropriée à leurs fonctions».

Etant donné la nature particulière du personnel de la carrière diplomatique et son importance qualitative, l'application de la législation linguistique a posé d'innombrables problèmes et donné lieu à de nombreuses polémiques, qui ne sont d'ailleurs pas terminées aujourd-hui.

2. Le personnel des services locaux et regionaux

Au sens des lois linguistiques coordonnées, les services locaux sont ceux dont l'activité ne s'étend pas à plus d'une commune. Les services régionaux sont ceux dont l'activité s'étend à plus d'une commune, à l'exclusion de ceux dont l'activité s'étend à tout le pays (les services nationaux).

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2.1. Le personnel des services locaux des régions de langue française, de langue néerlandaise et de langue allemande

La région de langue française comprend une partie complètement homogène, des communes avec régime de facilités pour les minorités de langue néerlandaise (les communes dites «de la frontière linguistique») et les communes à minorités protégées de langue allemande qui sont les «communes malmédiennes».

La région de langue néerlandaise comprend une partie complètement homogène et des communes avec régime de facilités pour les minorités de langue française. Ces dernières comprennent en fait deux groupes: le premier composé des communes de la frontière linguistique en ce compris «les Fourons», et le second des communes à facilités de la périphérie bruxelloise. . ' . .

La région de langue allemande qui, sur la totalité de son territoire, organise un régime administratif de facilités pour les minorités de langue française.

Le principe général est que nul ne peut être nommé ou promu à une fonction ou à un emploi s'il ne connaît la langue de la région.

En ce qui concerne les communes de la frontière linguistique, les titulaires des grades dits légaux (secrétaire communal, receveur communal, commissaire de police, secrétaire et receveur des Centres publics d'aide sociale) doivent avoir fourni la preuve par un examen, qu'ils ont une connaissance suffisante de l'autre langue. Il en est de même pour les agents en contact avec le public. Pour les services locaux de la région de langue allemande et des communes malmédiennes, la législation s'est montrée très souple: «(...) les services sont organisés de façon telle que le public puisse faire usage du français et de l'allemand, sans la moindre difficulté».

2.2. Le personnel des services locaux de la région bilingue de Bruxelles

C'est certainement dans les services locaux (administrations communales, administrations des Centres publics d'aide sociale, etc.) que les règles relatives à l'emploi des langues sont les plus complexes. Il en résulte un important impact psychologique. Cette matière trouve sa base exclusivement dans le très long article 21 des lois linguistiques coordonnées qui traite principalement des éléments repris ciaprès.

2.2.1. La langue de l'examen d'admission ou langue principale

Le principe de la langue d'admission est le suivant: «Tout candidat qui sollicite une fonction ou un emploi dans les services locaux établisPage 108dans Bruxelles-Capitale subit, s'il est imposé, l'examen d'admission en français ou en néerlandais, suivant que d'après le diplôme exigé, le certificat d'études requis ou la déclaration du directeur d'école, il a fait ses études dans l'une ou l'autre de ces langues.

»S'il n'est pas imposé d'examen d'admission, la langue principale du candidat est déterminée par le régime linguistique des études faites, tel qu'il résulte des documents susmentionnés.»

Durant toute sa carrière, le fonctionnaire ou l'agent subit les examens de promotion dans sa langue principale. Il est inscrit dans un groupe linguistique: soit le groupe linguistique français, soit le groupe linguistique néerlandais.

2. 2,2 La connaissance de la seconde langue nationale

L'agent ou le fonctionnaire d'un service local de la région bilingue de Bruxelles doit prouver, pas un examen devant le Secrétariat permanent de recrutement du personnel de l'Etat, qu'il a une connaissance de la seconde langue.

Tel est donc le principe: les agents des services locaux de l'agglomération bruxelloise doivent être bilingues, ou du moins avoir une certaine connaissance de l'autre langue. Cela est très important, car tous les services locaux bruxellois ont été organisés en fonction de cet impératif qu'est le bilinguisme obligatoire des agents.

Il y a trois formes de connaissance de la seconde langue:

  1. la connaissance élémentaire écrite;

  2. la connaisance suffisante écrite;

  3. la connaissance orale.

    En ce qui concerne la connaissance élémentaire écrite, le degré de difficulté de l'épreuve (dissertation, lettre bu narration) varie suivant le niveau hiérarchique de l'agent.

    Une connaissance suffisante écrite est requise dès fonctionnaires dirigeants des services locaux bruxellois: «Est subordonnée à la réussite d'un examen écrit portant sur la connaissance suffisante de la seconde langue toute nomination ou promotion à une fonction qui rend son titulaire responsable, vis-à-vis de l'autorité dont il relève, du maintien de l'unité de jurisprudence ou de gestion dans le service dont la haute direction lui est confiée.»

    Cet examen écrit sur la connaissance suffisante comporte:

  4. une traduction libre d'un texte administratif dans la première (version); b) la rédaction d'un rapport dans la seconde langue.

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    Pour satisfaire, le candidat doit obtenir les 5/10 pour chacune des épreuves et les 6/10 pour l'ensemble de l'examen.

    Outre l'épreuve sur la connaissance écrite de la deuxième langue, le candidat à une fonction dans un service local de la région bilingue de Bruxelles devra généralement subir une épreuve orale sur la seconde langue. Celle-ci comporte la lecture d'un texte, l'explication de ce texte et une conversation.

    Une connaissance suffisante orale est requise pour des fonctions ou emplois rangés dans le niveau 1; il est requis une connaissance élémentaire orale pour les emplois rangés dans les niveaux 2, 3 ou 4. Pour satisfaire, le candidat doit obtenir les 6/10 des points.

    Les fonctionnaires dirigeants qui occupent des emplois ou fonctions les mettant en contact avec le public doivent également justifier qu'ils possèdent de la seconde langue une connaissance orale suffisante appropriée à la nature des fonctions.

2.2.3. Le recrutement du personnel et la parité linguistique des fonctionnaires dirigeants

Lors du recrutement de leur personnel, les administrations des communes et celles des personnes publiques subordonnées aux communes doivent répartir à parité entre les deux groupes linguistiques, 50 % au moins des emplois à conférer. Ce principe implique qu'il doit toujours y avoir, lors d'un recrutement, au moins 25 % des agents du groupe francophone et 25 % du groupe néerlandophone.

Les francophones furent en général satisfaits de cette disposition. Leur raisonnement était le suivant: l'agglomération bruxelloise comprend environ 20 à 25 % de néerlandophones et il en est à peu près de même en ce qui concerne le volume des affaires traitées, donc il semblait normal et logique de n'être tenu de recruter au minimum 25 % de néerlandophones.

Les Flamands n'ont pas émis d'objections majeures contre cette disposition sans doute parce que le principe de la parité pour les fonctionnaires dirigeants apportait une atténuation considérable.

En effet, la loi linguistique du 2 août 1963 disposant que: «(...) au plus tard dans les dix ans, à partir du 1er septembre 1963, les emplois égaux ou supérieurs à celui de chef de division doivent être occupés, en nombre égal, par des fonctionnaires appartenant à l'un ou l'autre groupe linguistique».

Il s'agit là de l'unes des dispositions les plus controversées par les francophones et de l'une des dispositions linguistiques les plus difficiles à appliquer. Pour les Flamands, la capitale du royaume doit être accueillante aux deux communautés et à leurs yeux cette parité des fonctions supérieures est un des éléments fondamentaux pour garantir cet accueil. Il faut aussiPage 110ajouter que la parité pour les fonctions supérieures des services locaux bruxellois représente une sorte de contrepartie à la parité des fonctionnaires dirigeants dans les administrations nationales (cf. première partie).

Après de multiples péripéties, on peut considérer que la parité linguistique des fonctionnaires dirigeants est aujourd'hui réalisée dans les administrations des communes et des personnes publiques subordonnées de l'agglomération bruxelloise.

2.3. Le personnel des services régionaux

Il y a actuellement deux espèces de services régionaux. Cette affirmation peut sembler curieuse de prime abord, mais elle répond à une évidence, du fait de l'existence des nouvelles institutions politiques de la Belgique.

Il y a d'abord les services régionaux au sens strict des lois linguistiques, c'est-à-dire ceux dont l'activité s'étend à plus d'une commune à l'exclusion de ceux dont l'activité s'étend à tout le pays (l'administration provinciale est certainement l'archétype de cette espèce de services régionaux). Le régime linguistique du personnel de ces services s'inspire fortement des règles qui ont été examinées ci-avant et qui concernent les services locaux.

Par ailleurs, existent à présent les administrations dépendant des Exécutifs communautaires et régionaux: 1.º le Ministère de la Communauté flamande; 2° le Ministère de la Communauté française; 3.° le Ministère de la Région wallonne; 4.° le Ministère de la Région bruxelloise.

Les fonctionnaires du Ministère de la Communauté flamande appartiennent au rôle linguistique néerlandais. Ceux du Ministère de la Communauté française et ceux du Ministère de la Région wallone appartiennent au rôle linguistique français.

En ce qui concerne le Ministère de la Région bruxelloise, les agents sont répartis à raison de 2/3 de francophones et de 1/3 de néerlandophones pour tous les degrés de la hiérarchie jusqu'au grade de directeur. A partir de celui-ci, la parité est appliquée conformément à la législation linguistique. Cette répartition de parité et de 2/3-1/3 est également applicable à toutes les institutions régionales dépendant de l'Exécutif bruxellois.

Conclusion

L'objectif principal de cette communication était de montrer le puissant impact du bilinguisme sur l'organisation de la Fonction publique belge.

Le fait linguistique est véritablement partie intégrante de secteurs importants de l'administration de la Belgique. Dissocier les deux éléments, administration et phénomène linguistique, serait un leurre. Pourtant, bien des études et recherches dans le domaine de la science administrative, etPage 111qui concernent la Belgique, sont encore trop souvent entreprises dans l'optique de structures et d'organisations unilingues ou tout au moins comme si le phénomène linguistique était d'importance mineure. Il peut certes y avoir, dans ces démarches, des désirs conscients ou inconscients, souvent honorables d'ailleurs, mais puérils, de ne pas attiser des passions toujours latentes et vives.

Il ne s'agissait évidemment pas de ma part, de tomber dans un autre travers fréquent, que l'on pourrait qualifier de phobie ou d'obsession linguistique. Ce ne fut certainement pas mon intention.

D'aucuns se sont demandé si une administration totalement unilingue serait plus efficiente. On est certes tenté de répondre d'emblée par l'affirmative. Le bilinguisme ne crée pas nécessairement l'émulation dans le travail administratif. Mais peut-on poser pareille question? Ce serait se demander si l'administration unilingue française de la Ville de Liège ou celle unilingue flamande de la Ville de Gand, est plus efficiente que l'administration bilingue de la Ville de Bruxelles, si les ministères hollandais sont plus efficaces que leurs homologues belges.

Il ne s'agit pas strictement d'un problème d'efficacité, mais plutôt de ressources humaines et de moyens financiers de l'administration.

Ce que coûte le phénomène linguistique? Il imprègne si intensément la vie administrative du pays qu'il est pratiquement impossible, sinon vain, de tenter de le chiffrer. Par ailleurs, la nature particulière des personnels soumis, peu ou prou, au bilinguisme, est cause d'inflation d'agents publics et de dépenses d'énergies qui seraient évidemment mieux utilisées dans des systèmes administratifs unilingues, systèmes qui sont souvent impossibles sauf dans les régions complètement homogènes linguistiquement et dans les institutions totalement unilingues. Ces administrations de régimes linguistiques différents ne peuvent et ne pourront de toute façon vivre en vase clos; elle devront fatalement avoir des rapports entre elles. C'est le cas des Communautés et des Régions en Belgique.

La législation linguistique belge est compliquée et peu souple. Les causes de cette situation sont multiples et les travaux du législateur démontrent que celui-ci voulait tout prévoir en ce qui concerne l'emploi des langues dans l'administration. Cette volonté de ne rien laisser au hasard ou à l'improvisation et le souci de protéger la communauté flamande furent évidemment des aiguillons puissants. Mentionnons aussi le besoin des assemblées parlementaires d'élaborer des textes légaux s'appliquant au plus grand nombre possible de situations. Ce manque de souplesse est source de grandes difficultés pour l'administrateur devant appliquer la législation en matière linguistique, mais peut aussi représenter une espèce de protection pour le citoyen contre l'arbitraire de l'administration.

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