Droit scolaire et territorialité des langues: bilan critique de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral

AutorAlexandre Papaux
CargoJuge au Tribunal cantonal, Fribourg (Suisse)
Páginas149-182

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Dans l’arrêt Amrein* rendu le 2 novembre 2001,1 le Tribunal fédéral a estimé que des parents de langue maternelle allemande, résidant depuis dix ans environ dans la commune francophone de Granges-Paccot (canton de Fribourg, district de la Sarine), pouvaient refuser de scolariser leur fils dans le cercle scolaire francophone de leur commune de domicile, et lui faire suivre une classe enfantine dans l’une des écoles publiques de langue allemande de la ville de Fribourg, à la double condition qu’ils soient «disposés à assumer tous les frais de scolarisation et qu’il n’en résulte aucun frais supplémentaire pour la collectivité publique». Cette décision suscite quelques inquiétudes quant au respect par les autorités fédérales de la souveraineté des cantons en matière de droit des langues. Elle appelle également quelques remarques critiques sur l’évolution de la jurisprudence du Tribunal fédéral, en particulier quant à la portée du principe de la territorialité des langues.

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I Une atteinte à l’autonomie cantonale en matière de droit des langues

Contre l’avis de l’inspecteur scolaire, de la Direction de l’Instruction publique et du Tribunal administratif du canton de Fribourg, le Tribunal fédéral a fait primer la liberté de la langue sur le principe de la territorialité inscrit pourtant expressément dans la Constitution fribourgeoise.

Ce revirement ne manque pas de surprendre lorsque l’on sait que les cantons disposent de la compétence de déterminer leur(s) langue(s) officielle(s)2 et l’usage de celle(s)-ci sur leur territoire dans les rapports que les particuliers entretiennent avec leurs autorités administratives, judiciaires et scolaires.3 Ils jouissent également d’une large autonomie dans les domaines de la culture et de l’instruction publique4 qui touchent plus particulièrement notre étude. De ce point de vue, les cantons suisses ont une marge de manœuvre nettement plus importante que, par exemple, les communautés autonomes en Espagne5 ou les provinces canadiennes.6

Comme le relève avec pertinence Rossinelli la complexité des questions linguistiques, leur caractère éminemment politique et la nécessité de trouver des solutions nuancées justifient parfaitement la compétence can-Page 151tonale.7 Il n’est au demeurant pas sans intérêt de rappeler que jusqu’en 1965 tant la doctrine que la jurisprudence ont unanimement considéré que les dispositions linguistiques de l’ancien article 116 de la Constitution fédérale8 ne valaient que pour la Confédération.9 A ces considérations s’ajoute le fait que les questions linguistiques relèvent largement de la culture et de la formation, deux domaines qui sont essentiellement du ressort des cantons.10

Le droit fédéral impose cependant certaines limites à l’exercice de cette souveraineté11 dans le choix des langues officielles et la politique linguistique cantonale à suivre.

Ainsi, seule une des langues nationales de la Confédération, à l’exclusion des langues liées à l’immigration, peut être reconnue comme langue officielle cantonale.12

En outre, les cantons ne peuvent pas adopter une politique linguistique qui favoriserait le déplacement des frontières linguistiques historiques de leur territoire.13 Cette obligation, qui est expressément formulée à l’article 70 alinéa 2 de la Constitution fédérale, découle du principe de la territorialité des langues consacré par la jurisprudence en 196514 en même temps que la liberté de la langue qu’il restreint. En vertu de ce principe les can-Page 152tons doivent veiller à «maintenir les limites traditionnelles des régions linguistiques et leur homogénéité, même si la liberté du particulier d’utiliser sa langue s’en trouve restreinte».15

Enfin, les cantons ne peuvent imposer à leurs minorités linguistiques historiques, pour autant qu’elles soient significatives, une seule langue officielle cantonale.16

Introduit le 23 septembre 1990, l’article 21 de la Constitution cantonale fribourgeoise s’inscrit parfaitement dans le mandat constitutionnel. Sa teneur est la suivante:

1. Le français et l’allemand sont les langues officielles. Leur utilisation est réglée dans le respect du principe de la territorialité.

2. L’Etat favorise la compréhension entre les deux communautés linguistiques.

Comme l’a souligné le Tribunal fédéral lui-même en 1995: «La Constitution cantonale dans cette disposition, ne dit rien de la liberté de la langue, garantie par le droit constitutionnel non écrit, mais cite expressément le principe de la territorialité et par là confère à celui-ci un poids supplémentaire».17 Cette constatation a été reprise par les juges fédéraux en 1997 dans un arrêt non publié qui parle du «poids particulier» donné au principe de la territorialité en droit constitutionnel fribourgeois.18

La volonté du constituant de 1990 de mettre l’accent dans sa politique linguistique sur le maintien des frontières linguistiques traditionnelles et l’homogénéité des territoires de diffusion des deux langues officielles ne s’oppose pas à sa volonté également exprimée de favoriser la compréhen-Page 153sion entre les deux communautés19 par notamment le développement de l’apprentissage précoce de l’autre langue dans les écoles. Au contraire, c’est en ignorant les implications de l’alinéa 1er de l’article 21 de la Constitution cantonale qu’il y a risque de compromettre la paix linguistique, fondement de la compréhension entre les deux communautés.

L’arrêt rendu par le Tribunal administratif du canton de Fribourg le 15 mars 2001,20 qui a été cassé par le Tribunal fédéral le 2 novembre 2001, respecte scrupuleusement la politique linguistique que le canton s’est définie. A ce propos les juges cantonaux se sont exprimés comme suit:

La combinaison du principe de la territorialité avec ce mandat visant à maintenir l’harmonie linguistique dans le canton est un élément spécifique au droit cantonal qui donne aux garanties de l’art. 21 Cst. ct. une portée propre, dont il faut tenir compte dans chaque cas particulier. La solution retenue par le constituant fribourgeois se distingue clairement des systèmes adoptés par certains autres cantons: à titre d’exemple, la Constitution du canton de Berne garantit expressément la liberté de la langue, en son art. 15, lui accordant ainsi une importance particulière par rapport au principe de la territorialité, qui ne ressort que de manière implicite de son art. 6 (atf 122 i 236 consid. 3a).

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La politique linguistique du canton de Fribourg, contrairement à celle de Berne qui a influencé les premiers travaux très contestés de l’actuelle Constituante,22 conférant une importance particulière au principe territorial, les autorités cantonales sont notamment en droit d’exiger que les nouveaux arrivants ou les résidants allophones s’intègrent à leur nouveau mi-Page 154lieu linguistique qu’ils sont libres de choisir en vertu de la liberté d’établissement garantie par l’article 24 de la Constitution fédérale. Dans le cadre de sa souveraineté, le canton peut choisir de privilégier le principe de la territorialité des langues et le faire primer en toute matière sur le principe individualiste du choix personnel, pour des raisons historiques, sociolinguistiques23 voire d’ordre public, la conservation de la culture et de la langue d’une région en faisant partie.24 Dans cette optique, l’intégration est la conséquence essentielle de la territorialité des langues25 et la politique linguistique à suivre est de favoriser l’intégration des individus dans la communauté linguistique territoriale d’accueil.26

A ce titre, l’école joue un rôle essentiel.27 Cet avis est notamment partagé par l’expert Voyame, mandaté par le Conseil d’Etat fribourgeois pour analyser les conséquences de l’adoption de l’article 21 de la Constitution cantonale, qui s’exprime comme suit dans son rapport du 30 septembre 1991: «L’école constitue en effet —on l’a vu— le moyen d’assimilation le plus efficace et par conséquent le meilleur soutien du principe de la territorialité. On peut même dire que, sans le support de l’école, il serait pratiquement impossible de conserver l’étendue et l’homogénéité de nos zones linguistiques. Il faut en conclure que, dans un canton qui, comme le cantonPage 155de Fribourg, met l’accent sur le principe de la territorialité, celui-ci doit être appliqué dans le domaine scolaire de façon conséquente, sinon rigou- reuse.»28

Ignorant superbement la volonté clairement exprimée du peuple fri- bourgeois, le Tribunal fédéral a gravement porté atteinte à la souveraineté cantonale en droit des langues. Il s’est non seulement départi de la réserve qu’il s’était jusqu’alors imposée en la matière mais encore s’était inspiré d’une législation cantonale ayant opté pour une politique linguistique différente et s’est fondé, comme nous allons le voir, sur un état de fait erroné.

Par ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que la politique linguistique en matière scolaire adoptée par le canton de Fribourg est conforme à la Convention européenne des droits de l’Homme. Dans l’Affaire linguistique belge,29 la Cour européenne des droits de l’Homme a en effet admis —ce que la doctrine récente sur laquelle le Tribunal fédéral se fonde semble ignorer— la législation linguistique belge qui privilégie précisément le principe de la territorialité. Ainsi, sauf dans la région officiellement bilingue de Bruxelles-Capitale et dans certaines communes situées le long de la frontière linguistique, la seule langue utilisée dans l’enseignement public et dans l’enseignement subventionné est la langue officielle de la région dans laquelle l’école est située: le néerlandais dans la partie néerlandophone et le français dans la partie francophone de la Belgique. Les citoyens belges qui déménagent d’une région linguistique à l’autre doivent donc accepter que le régime scolaire de leurs enfants change en conséquence ou alors se résoudre à leur faire fréquenter une école privée non subventionnée.30

II Un état de fait erroné

De jurisprudence fédérale et cantonale constante et non contestée le district fribourgeois de la Sarine a toujours été considéré comme franco-Page 156phone.31 Ce statut linguistique a également été reconnu implicitement par le gouvernement cantonal.32 Selon le recensement fédéral de la population de 1990,33 sur une population résidante dans le district de la Sarine de 78’221 personnes, 54’864 sont de langue française (70.14 %), 13’138 (16.80 %) sont de langue allemande et 10’219 (13.06 %) n’ont pas comme langue principale une des deux langues officielles du canton.34

Dans son arrêt du 2 novembre 2001, le Tribunal fédéral, sans force d’arguments, affirme cependant que: «La commune de Granges-Paccot est sise dans le district de la Sarine, district bilingue avec forte minorité alémanique». Certes, les juges fédéraux reconnaissent que la langue officielle de cette commune est le français et qu’elle appartient à un cercle scolaire dis-Page 157pensant un enseignement en français; on ne peut cependant s’empêcher de penser que leur conception erronée du statut linguistique du district de la Sarine a influencé leur analyse.

L’affaire fribourgeoise dont était saisi le Tribunal fédéral illustre, s’il le faut encore, les conséquences préjudiciables d’une méconnaissance de la réalité concrète et subtile des rapports entre les communautés linguistiques locales. On ne peut que regretter que les juges fédéraux se soient départis de la retenue qu’ils se sont imposée durant des décennies lorsqu’ils traitaient d’une question de droit cantonal des langues.

III Une violation de la loi scolaire du 23 mai 1985

L’enseignement (public) est donné en français dans les cercles où la langue officielle est le français, et en allemand dans les cercles scolaires où la langue officielle est l’allemand

selon l’article 7 alinéa 1er de la loi scolaire du 23 mai 1985 sur l’école enfantine, l’école primaire et l’école du cycle d’orientation (ci-après: lsco)35 qui est une application de l’article 21 de la Constitution cantonale adopté par le peuple en 1990.

Cependant, l’article 9 alinéa 1er lsco prévoit que:

L’inspecteur scolaire peut, pour des raisons de langue, autoriser un élève à fréquenter l’école d’un cercle scolaire autre que le sien.

L’article 14 du Règlement du 16 décembre 1986 d’exécution de la loi scolaire36 indique que:

1. L’inspecteur scolaire compé- tent pour autoriser un élève à fréquenter l’école d’un cercle scolaire autre que le sien est l’inspecteur scolaire du domicile ou de la résidence habituelle de cet élève.

2. Avant de décider d’un changement de cercle, l’inspecteur prend l’avis des autorités scolaires des cercles concernés. Lorsque ce changement impliquerait un changement d’arrondissement d’inspecteur, il prend l’avis de l’autre inspecteur scolaire concerné.»

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Lorsque l’autorisation est accordée par l’inspecteur scolaire, l’article 11 lsco précise ce qui suit:

Lorsque la fréquentation de l’école d’un autre cercle scolaire est autorisée pour des raisons de langue, les communes du cercle scolaire du domicile de la résidence habituelle de l’élève décident de la gratuité.

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Ainsi, selon la loi scolaire fribourgeoise, seul l’inspecteur scolaire est habilité à permettre à un élève de changer de cercle scolaire. Sa décision doit être fondée sur des motifs pédagogiques sérieux, après consultation des autorités scolaires concernées. L’arrêt du Tribunal fédéral revient à substituer aux critères pédagogiques des considérations purement économiques et à privilégier les intérêts privés des parents à ceux de la collectivité de faciliter l’intégration des enfants à la communauté linguistique d’accueil, intégration d’autant plus facile lorsque, comme en l’espèce, l’enfant est au début de son parcours scolaire. Les juges fédéraux considèrent ce- pendant ce qui suit:

Une scolarisation initiale dans la langue maternelle ne doit certes pas être accordée automatiquement lorsque les parents le demandent mais, dans la mesure où ces derniers sont disposés à assumer tous les frais de scolarisation et qu’il n’en résulte aucun frais supplémentaire pour la collectivité publique concernée...

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Cette conception est choquante à plus d’un titre: elle fonde l’exercice d’une liberté sur les possibilités financières de celui qui s’en prévaut, crée des inégalités entre enfants fréquentant les écoles publiques et fait fi de la législation scolaire et des compétences de l’inspecteur scolaire en la matière alors que, faut-il le rappeler, les cantons sont souverains dans le domaine scolaire primaire.

On relèvera que les juges fédéraux ne prennent nullement en considé- ration la situation linguistique personnelle des parents, soit notamment la langue de leur propre cursus scolaire et leurs connaissances linguistiques ainsi que la durée (en l’espèce 10 ans) de leur établissement dans leur commune de domicile au moment de leur requête et les conséquences de leur décision sur le cursus scolaire des autres enfants de la famille. Ils n’examinent pas non plus si la requête est isolée ou si d’autres parents sollicitent la même dérogation. On peut rappeler à ce sujet la solution canadienne de l’article 23 de la Charte canadienne des libertés qui permet d’accorder le droit à l’instruction dans la langue de la minorité —pour autant que le «nombre des enfants» le justifie— à tous citoyens canadiens dont la «première langue apprise et encore comprise» est l’anglais ou le français, selon le cas.39 Cette clause est complétée par la clause appelée clause Canada qui consiste à reconnaître le droit à l’éducation dans la langue minoritaire aux enfants dont l’un des deux parents a reçu son éducation primaire dans cette langue au Canada.40 Enfin, l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit que les citoyens canadiens dont un enfant «a reçu ou reçoit» son instruction primaire ou secondaire en français ou en anglais au Canada, ont le droit de faire instruire dans cette langue tous leurs autres enfants.41

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IV Une évolution inquiétante de la jurisprudence

Par son arrêt du 2 novembre 2001, le Tribunal fédéral sape les bases mêmes du droit des langues du canton de Fribourg et est en contradiction avec sa propre jurisprudence en matière de langue scolaire, qu’il n’est pas inutile de rappeler.

En 1965, le Tribunal fédéral a estimé que les enfants de la population francophone de Zurich devaient s’assimiler en fréquentant les écoles publiques de langue allemande et qu’il était justifié de leur interdire de suivre, dans une école privée, leur scolarité en français.42

En 1974, les juges fédéraux ont considéré qu’une commune germano- phone des Grisons de 60 habitants n’était pas tenue de fournir aux enfants de la minorité romanche (20 %) un enseignement dans cette langue. Ils ont en outre estimé que les parents ne pouvaient pas se fonder sur la liberté de la langue pour obtenir le remboursement par leur commune de domicile des frais de transport pour permettre à leurs enfants de suivre, dans une commune voisine romanche, un enseignement dans cette langue.43

En 1980, dans un arrêt concernant la langue de la procédure en matière civile dans le district fribourgeois de la Sarine, le Tribunal fédéral a jugé que la minorité germanophone qui représente moins de 30 % de la population du district44 ne pouvait pas invoquer la liberté de la langue pour obtenir une procédure dans sa langue. Il a toutefois laissé entendre, dans un obiter dictum, que ce pourcentage de 30 % pouvait être inférieur s’il s’agissait du droit à l’enseignement dans les écoles publiques.45

Dans un arrêt ultérieur de 1995 concernant également une affaire fribourgeoise, le Tribunal fédéral a souligné le fait que ses considérations en matière de droit des langues ne pouvaient pas être transposées sans autre d’un domaine d’application tel que la langue judiciaire en matière pénale à d’autres domaines mêmes proches comme ceux de la procédure civile ouPage 161administrative, ou différents tels que l’enseignement, les inscriptions dans les registres publics ou les explications de vote.46

Cependant, dans un arrêt non publié de 1997 concernant la langue de la procédure administrative dans un litige touchant la commune fribourgeoise de Cressier qui appartient au district bilingue du Lac, les juges constitutionnels ont estimé que le seuil déterminant de 35 % fixé par le Tribunal administratif fribourgeois pour reconnaître comme officielle la langue d’une minorité d’une commune de moins de 1’000 habitants n’était pas arbitraire.47

En 1996, dans une affaire bernoise, le Tribunal fédéral a considéré ce qui suit: «Ni la Constitution fédérale ni la Constitution du canton de Berne n’obligent le canton ou la commune (germanophone) de Möringen à offrir un enseignement en français. La commune (bilingue) de Bienne n’est pas plus tenue d’accueillir la recourante dans une école de langue française. Toutefois, tant que cette commune-ci y est disposée sur une base volontaire et que les parents assument les conséquences financières, le refus de laisser la recourante fréquenter l’école française de Bienne est une atteinte disproportionnée à la liberté de la langue».48 Il admet cependant que «vu l’importance culturelle et sociale pour une commune d’avoir sa propre école, le fait que la loi veille à ce que les enfants habitant une commune y fréquentent l’école répond à un intérêt public soutenable». Il estime aussi que «même en tant qu’on n’attache pas une importance majeure au maintien de (l’)homogénéité (linguistique), il apparaît en tout cas souhaitable que, pour contribuer à la compréhension linguistique, les familles d’immigrants intérieurs développent une identité bilingue. Cette compréhension s’en trouverait renforcée là où les enfants d’immigrants utilisant en famille la langue maternelle apprennent à l’école de leur domicile la langue du lieu».49 Il considère cependant que dans les aires traditionnellement bilingues ou plurilingues «le droit à un enseignement dans une des langues traditionnelles peut, le cas échéant, être déduit de la liberté de la langue s’il n’en résulte pas, pour la collectivité, des charges disproportionnées».50

L’arrêt Amrein de 2001 reprend cette conception. Il estime que l’intérêt public lié à la sauvegarde de l’homogénéité linguistique d’une commu-Page 162ne sise à la frontière des langues ne saurait, à lui seul, faire obstacle à la garantie constitutionnelle de la liberté de la langue. Il nie qu’il y ait un intérêt public suffisant à refuser un déplacement scolaire pour des raisons de planification de l’effectif des classes d’une commune et de frais liés à un éventuel changement de cercle scolaire. Il soutient, qu’excepté éventuellement ce dernier motif, l’intérêt public à voir un enfant, même au début de sa scolarité, fréquenter le cercle scolaire de sa commune de domicile est «relativement ténu». Examinant la question sous l’angle de la proportionnalité, il relève qu’en l’espèce l’enfant n’est qu’au début de son parcours scolaire et que son jeune âge favoriserait l’apprentissage d’une seconde langue. Il balaie cependant cet argument, en se demandant «si le développement d’une identité bilingue doit être imposé par la contrainte et si son succès ne dé- pend plutôt de l’adhésion et du concours des parents» et privilégie le droit des parents à assurer le suivi durant tout le cursus scolaire de l’enfant pour autant qu’ils en assument seuls les frais.

Il n’est pas contesté que le droit constitutionnel fédéral n’impose pas aux collectivités publiques l’obligation d’offrir aux particuliers venant s’établir sur leur territoire un enseignement dans une autre langue que celle qui est officiellement parlée dans la région concernée.51 C’est uniquement lorsqu’une entité comprend une minorité linguistique historiquement bien implantée et importante numériquement que l’enseignement doit aussi être assuré dans la langue minoritaire. En effet, dans ce cas, l’homogénéité linguistique n’existe plus et doit céder le pas aux droits linguistiques de la minorité.52 En outre, la collectivité publique n’est pas tenue de garantir la fréquentation gratuite d’une école dans un lieu différent du lieu de domicile ou de résidence.53

Le problème soulevé avec acuité par la cause Amrein est celui du droit à suivre un enseignement public dans une langue officielle minoritaire au niveau cantonal mais majoritaire au niveau fédéral lorsque celle-ci ne peut être enseignée au lieu de domicile de l’enfant en raison du principe de la territorialité.

A notre sens, si comme le fait le Tribunal fédéral,54 le cas de la famillePage 163qui s’établit à proximité d’une frontière linguistique dans une commune où la langue officielle n’est pas sa langue maternelle et le cas de celle qui prend domicile au cœur d’une région monolingue doivent être appréciés différemment par l’inspecteur scolaire dans le cadre d’un éventuel changement de cercle scolaire en cours de scolarité,55 il ne faut pas perdre de vue que la Constitution fédérale en protégeant la répartition traditionnelle des langues en Suisse incite les cantons à préserver l’homogénéité des régions traditionnellement unilingues, en particulier s’il s’agit de langues minoritaires à l’échelle nationale.56

De ce point de vue nous partageons l’avis57 selon lequel le principe de la territorialité devrait s’effacer devant la liberté de la langue des minorités linguistiques cantonales, lorsque celles-ci sont en même temps des minorités nationales et que l’aire linguistique majoritaire ne s’en trouverait pas menacée. Ainsi en est-il des Romands ou des Tessinois installés en Suisse alémanique qui devraient pouvoir scolariser leurs enfants dans leur langue, à la rigueur à leurs frais dans des écoles privées. En outre, la liberté de la langue d’une minorité cantonale, mais qui se trouve être majoritaire au plan national, doit s’effacer devant le principe de la territorialité qui protège l’aire linguistique d’une minorité nationale. Comme l’affirmait en 1988 de manière prémonitoire Rossinelli,58 tant que ces critères différenciés n’auront pas été reconnus, les minorités linguistiques helvétiques n’auront rien à espérer du Tribunal fédéral et ce d’autant moins que le principe de la territorialité n’est pas considéré comme un droit constitutionnel.59

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Le fait que la Constitution fédérale, comme d’ailleurs d’autres constitutions d’Etats plurilingues,60 proscrive à son article 18 la discrimination pour des raisons de langue ne signifie cependant pas que toute distinction fondée sur ce motif est interdite. L’égalité suppose un même traitement pour ce qui est semblable et un traitement différent pour ce qui est dissemblable de sorte que le principe d’égalité n’exige pas nécessairement un traitement uniforme et admet des traitements différenciés.61 En particulier en matière linguistique, l’absence de distinctions et l’application d’une norme unique pour tous est précisément l’instrument privilégié des politiques de domination linguistique.62 A notre sens, une inégalité de traitement pour des raisons de langue est parfaitement justifiée si elle repose sur des motifs objectifs et raisonnables, autrement dit si elle maintient une proportionnalité entre les moyens employés et la finalité poursuivie. Or, de ce point de vue, le droit de suivre un enseignement en français dans un canton où la langue majoritaire est également majoritaire au plan fédéral63 s’analyse différemment du cas d’un élève alémanique dans un canton fran- cophone ou italophone, ce que le Tribunal fédéral a omis de faire dans l’arrêt Amrein.

V Conclusion

Traiter dans tous les cas de la même manière les quatre communautés linguistiques de la Suisse et privilégier la liberté individuelle de la langue au détriment de la langue du territoire d’accueil, même lorsqu’un canton a basé sa politique linguistique sur le principe de la territorialité, constitue une grave menace à la paix des langues alors que le fossé entre les communautés linguistiques nationales est de plus en plus marqué.64

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Cette évolution de la jurisprudence est d’autant plus surprenante si l’on sait que la consécration de la liberté de la langue comme droit constitutionnel a été critiquée par une partie de la doctrine65 et que ce droit n’est garanti ni par la Convention européenne des droits de l’Homme ni par les autres conventions internationales. Tout au plus ces textes tendent à protéger certains droits des minorités nationales et non les minorités locales qui sont majoritaires au niveau national.

Il n’en demeure pas moins que cette liberté figure dans la Constitution fédérale depuis le 1er janvier 2000 et qu’elle doit être intégrée dans notre ordre juridique en ne perdant pas de vue sa nature particulière à la frontière entre les droits individuels et les droits collectifs. Elle fonctionne en effet comme un droit individuel dans la sphère privée et comme un droit collectif dans la sphère publique.66 En particulier, la liberté de la langue ne peut, à notre sens, avoir des effets dans la sphère publique, telle que l’école, que lorsque l’individu appartient à une communauté linguistique suffisamment importante pour que la langue de celle-ci ait un statut d’officialité, statut qui peut être plus facilement atteint dans les zones linguistiques limitrophes selon les critères classiques tels que l’importance numérique de cette communauté, l’histoire linguistique du territoire concerné, la stabilité de la population linguistique aspirant à l’officialité de sa langue, la contiguïté avec d’autres territoires linguistiques de même idiome et enfin l’existence d’un consensus social explicite ou tacite sur la reconnaissance d’une langue déterminée comme langue officielle.67

Prétendre qu’un membre d’une communauté linguistique minoritaire en un lieu donné, ne remplissant pas les critères d’une reconnaissance officielle de sa langue, peut avoir le droit de changer de cercle scolaire sans au-Page 166torisation de l’inspecteur scolaire s’il assume seul les frais de son déplacement revient à vider de sa substance toute la politique linguistique du canton de Fribourg en la matière et porte atteinte non seulement à l’égalité de traitement entre les enfants mais encore à la gratuité de l’instruction primaire dans les écoles publiques garantie par l’article 62 alinéa 2 in fine de la Constitution fédérale.68 De ce point de vue, le critère selon lequel la langue majoritaire au niveau local ne serait pas menacée est sans pertinence dès lors qu’il ne s’agit pas de protéger une langue menacée mais de maintenir l’équilibre des langues dans notre pays et d’assurer un enseignement public primaire gratuit sans considération de fortune ou de revenus.

On ne peut dès lors que partager les considérations du Tribunal administratif fribourgeois dans son rapport d’activité pour l’année 2001 remis au Grand-Conseil (Parlement de canton) le 1er mars 200269 selon lesquelles: «Les questions de changement de cercle scolaire pour raison de langue ont démontré la difficulté de concilier le principe de territorialité des langues avec celui de leur liberté. Sous cet angle, l’arrêt du Tribunal fédéral du 2 novembre 2001 [...] ne constitue probablement pas la réponse définitive au problème dès lors que, se fondant sur des circonstances particulières du cas, il se limite à une approche essentiellement financière, insatisfaisante, de la question. Une marge de manœuvre existe certainement encore pour développer une politique cantonale respectueuse des deux principes». Pour atteindre ce but, encore faut-il que le Tribunal fédéral n’intervienne pas dans la sphère d’autonomie des cantons.

Fribourg, le 10 juin 2003

VI Annexe
1. IreCour administrative du Tribunal administratif: Arrêt du 15 mars 2001
Ecole et formation

Art. 21 al. 1 Cst. FR; art. 9 LS – Refus de changement de cercle scolaire pour raisons de langue. Dans le cas d’espèce, le principe de la territorialité des langues prévaut sur Page 167 la liberté de la langue; aucun motif particulier ne justifie d’autoriser l’élève domicilié dans une commune francophone à fréquenter l’école alémanique d’un autre cercle scolaire.

Schule und Ausbildung

Art. 21 Abs. 1 KV; Art. 9 SchG – Verweigerung der Bewilligung für den Schulbe- such in einem anderen Schulkreis aus sprachlichen Gründen. Im vorliegenden Fall ist das Territorialitätsprinzip höher zu werten als die Sprachenfreiheit; es liegt kein spezieller Grund vor, einem in einer französischen Gemeinde wohnhaften Schüler zu erlauben, eine deutsche Schule in einem anderen Schulkreis zu besuchen.

Résumé des faits
  1. Le 23 février 2000, A. et B., domiciliés à Granges-Paccot, ont demandé à l’inspectrice scolaire des classes enfantines (ci-après: l’inspectrice scolaire) que leur fils X., né le 22 décembre 1994, soit scolarisé au sein de la classe enfantine de langue allemande de l’école du Jura, à Fribourg.

  2. Par décision du 14 avril 2000, l’inspectrice scolaire a rejeté la demande, motif pris qu’il n’existe pas, dans le cas particulier, de motifs suffisants pour justifier un changement de cercle scolaire pour des raisons de langue; les parents qui s’installent dans une commune francophone doivent s’attendre à ce que leurs enfants soient scolarisés dans la langue de la commune.

  3. Le 19 avril 2000, A. et B. ont contesté la décision de l’inspectrice scolaire devant la Direction de l’instruction publique et des affaires culturelles (ci-après: la Direction). A l’appui de leur recours, ils ont fait valoir que X. et sa soeur parlent allemand et vivent dans un contexte familial et culturel germanophone, qu’il n’y a pas d’autres enfants de leur âge dans leur quartier et qu’une scolarisation en allemand ne les empêchera pas d’apprendre le français comme deuxième langue. Ils soulignent également que la possibilité de changer de cercle scolaire pour des raisons de langues est expressément prévue par l’art. 9 de la loi sur l’école enfantine, l’école primaire et l’école du cycle d’orientation (ci-après: la loi scolaire; ls; rsf 411.0.1) et qu’un tel changement se justifie en l’occurrence du fait qu’ils ne se sentent capables d’assurer un suivi scolaire de leurs enfants qu’en langue allemande. Du reste, B. a eu la possibilité de suivre les classes allemandes de l’école du Jura, à Fribourg, alors qu’il a vécu à Granges-Paccot depuis sa naissance.

  4. Invitée à se déterminer sur le recours, l’inspectrice scolaire a maintenu sa position dans un courrier du 1er mai 2000, en soulignant notamment qu’un jeune enfant apprend facilement une deuxième langue et qu’il est important pour sa vie sociale qu’il soit scolarisé dans la commune de son domicile. L’apprentissage du français permettra en outre à l’enfant de devenir bilingue, atout supplémentaire pour son avenir scolaire et professionnel; dans ses rela-Page 168tions familiales, celui-ci gardera sa propre langue maternelle et il pourra, au cycle d’orientation, opter pour une ou deux années de scolarité en langue allemande, pour en approfondir l’écrit.

  5. Dans leur détermination non requise du 11 mai 2000, A. et B. ont invoqué que la Commune de Granges- Paccot, située directement à la frontière des langues, devrait encourager le bilinguisme en ne défavorisant pas ses citoyens germanophones. Ils font également valoir qu’ils craignent qu’en cas de scolarisation en français, leur enfant perde tout lien avec la langue et la culture allemandes. Enfin, B. souligne que son expérience et celle de ses frères et soeurs démontrent qu’il est possible d’habiter à Granges-Paccot et de suivre l’école en langue allemande à Fribourg sans subir de désavantage social.

  6. Par décision du 14 juillet 2000, la Direction a rejeté le recours de A et B., en se fondant essentiellement sur le principe constitutionnel de la territorialité des langues, consacré dans le domaine scolaire à l’art. 7 al. 1 ls. Selon elle, il ne peut être dérogé à ce principe que pour des motifs impérieux ou prépondérants, par exemple un déménagement survenu en cours de scolarité, alors que l’élève a déjà accompli plusieurs années de scolarité dans sa langue maternelle. En tous les cas, le fait d’être de langue maternelle allemande ne garantit pas un droit à obtenir un changement de cercle scolaire pour permettre une scolarisation en allemand; une telle solution aurait pour conséquence de donner la priorité au principe de la liberté de la langue par rapport au principe de la territorialité des langues. Dans le cas d’espèce, la Direction constate que les éléments invoqués par les recourants ne priment pas sur les besoins de l’enfant d’être intégré dans la vie scolaire et sociale de son lieu de domicile.

  7. Par écrit du 11 septembre 2000, X. et ses parents ont recouru devant le Tribunal administratif contre cette décision, en concluant à son annulation et à ce que l’enfant soit autorisé à fréquenter, durant l’année scolaire 2000/2001, une école enfantine en allemand, en ville de Fribourg. Des conclusions similaires ont été prises à titre de mesures provisionnelles.

    A l’appui de leur recours, ils font valoir en substance que la décision attaquée donne une trop grande importance au principe de la territorialité, contrairement à la volonté du législateur de mettre ce principe au second plan par rapport à celui de la liberté de la langue; ce faisant, la Direction aurait violé le droit prioritaire de la liberté de la langue. Les recourants soutiennent également que la décision attaquée viole l’art. 9 ls en exigeant, en plus des rai- sons de langue, d’autres motifs impérieux ou prépondérants pour autoriser un changement de cercle scolaire. Selon eux, cette décision n’est pas conforme au principe de la proportionnalité; en particulier, ils contestent que l’intérêt de leur enfant préconise qu’il suive une scolarité en langue française.

  8. Par décision du 28 septembre 2000, la Ire Cour du Tribunal administratif a rejeté la demande de mesures provisionnelles du 11 septembre 2000.

    Page 169

Extrait des considérants
  1. a) L’art. 18 de la Constitution fédérale (Cst.; RS 101) garantit la liberté de la langue. Ce droit fondamental confère d’une part à chacun le droit de s’exprimer dans la langue de son choix, mais surtout dans sa langue maternelle, et permet d’autre part l’usage de leur langue aux minorités linguistiques (A. Auer / G. Malinverni / M. Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2000, p. 451 et 463; atf 122 i 236 consid. 2b; 121 i 196 consid. 2a). En outre, en tant que la langue mater- nelle est en même temps une langue nationale, son emploi est protégé par l’art. 4 Cst. qui reconnaît quatre langues nationales. Cette disposition interdit en particulier aux cantons d’opprimer des groupes qui parlent une langue nationale mais forment une minorité dans le canton ou de mettre en danger leur maintien (cf. atf 122 i 236 consid. 2b; 121 i 196 consid. 2a).

    Cependant, comme toute liberté constitutionnelle, la liberté de la langue n’est pas absolue. Elle peut être limitée par d’autres règles constitutionnelles et elle est sujette à des restrictions, qui doivent cependant être fondées sur une base légale, aménagées dans l’intérêt public et conformes au principe de la proportionnalité (J. Voyame, Avis de droit au sujet du nouvel article constitutionnel sur les langues officielles et au sujet de son application dans la législation et la pratique, in bgc 1992, p. 2819).

    b) La principale restriction à la liberté de la langue est également issue de l’art. 4 Cst. La reconnaissance constitutionnelle des quatre langues nationales garantit en effet implicitement la répartition territoriale traditionnelle des langues en Suisse (J. Voyame, p. 2820 s.). Cette garantie, connue sous le nom de principe de la territorialité des langues, est désormais concrétisée par le texte de l’art. 70 al. 2 Cst. qui prévoit le devoir pour les cantons de veiller à la répartition territoriale traditionnelle des langues et de prendre en considération les minorités linguistiques autochtones afin de pré- server l’harmonie entre les communautés linguistiques.

    Selon la jurisprudence, le principe de la territorialité se définit comme un principe de droit constitutionnel en vertu duquel certaines restrictions peu- vent être apportées à la liberté de chacun d’utiliser la langue de son choix, dans le but de stabiliser les frontières linguistiques et de tendre, là où elle existe encore, vers une homogénéité aussi grande que possible dans la composition linguistique de la population (atf 106 Ia 299 / JdT 1982 i 230; cf. aussi Tribunal fédéral, arrêt non publié du 4 mars 1993 dans la cause C.R.J. contre Commune de Marly et les références citées et ata fr du 8 juillet 1993 en la cause J.G).

    Le principe de la territorialité se trouve ainsi en opposition à la liberté de la langue dont il réduit la portée en permettant notamment aux cantons de prendre des mesures pour maintenir les limites traditionnelles des régions linguistiques et leur homogénéité, afin de préserver l’harmonie entre les communautés linguistiques, même si la liberté pour l’individu d’user de sa langue maternelle s’en trouve restreinte (atf 122 i 236 consid. 2c et les références citées;Page 170Auer / Malinverni / Hottelier, p. 467).

  2. a) Il ressort de ce qui précède que les attributions de la Confédération en matière linguistique ne sont pas très étendues. En plus du mandat qui leur est expressément attribué par l’art. 70 al. 2 Cst. concernant l’application du principe de la territorialité des langues, les cantons sont compétents, en application de l’art. 3 Cst., pour légiférer et prendre d’autres mesures dans le domaine des langues en général. Cette compétence primaire, confirmée par la jurisprudence constante et la doctrine (not. atf 122 i 236 consid. 2h et les références citées), est justifiée par le fait que la question des langues relève largement de la culture et de la formation, deux domaines qui sont en principe du ressort des cantons.

    En outre, en particulier dans les zones bilingues ou mêmes trilingues, l’application simultanée de la liberté de la langue et du principe de la territorialité ne peut être schématique; elle exige des pesées d’intérêts subtiles, dont les résultats peuvent différer selon les lieux et selon les domaines considérés, et demande une connaissance précise des situations locales et de leurs composantes historiques et sociologiques. De ce fait, les cantons sont mieux placés pour prendre des mesures qui touchent si directement à l’esprit des populations et aux conditions locales. Toutefois, les cantons restent évidemment liés par le droit constitutionnel fédéral et sont tenus en particulier de respecter le droit à la liberté de la langue, même s’ils peu- vent largement y déroger en faveur de celui de la territorialité (Voyame, p. 2824).

    b) L’art. 21 al. 1 de la Constitution du canton de Fribourg (Cst. cant.; rsf 10.1) prévoit que le français et l’allemand sont les langues officielles et précise expressément que leur utilisation est réglée dans le respect du principe de la territorialité. En passant sous silence le droit à la liberté de la langue et en citant en toutes lettres le principe de la territorialité des langues, cette disposition constitutionnelle confère un poids supplémentaire à ce dernier (atf 121 i 196 consid. 2c; Voyame, p. 2832 s.). Certes, cette importance est d’une certaine manière relativisée par l’art. 21 al. 2 Cst. cant., selon lequel l’Etat favorise la compréhension entre les deux communautés linguistiques. Il n’en reste pas moins que la combinaison du principe de la territorialité des langues avec ce mandat visant à maintenir l’harmonie linguistique dans le canton est un élément spécifique au droit cantonal qui donne aux garanties de l’art. 21 Cst. cant. une portée propre, dont il faut tenir compte dans chaque cas particulier (cf. atf 121 i 196 consid. 2c). La solution retenue par le constituant fribourgeois se distingue clairement des systèmes adoptés par certains autres cantons; à titre d’exemple, la Constitution du canton de Berne (Cst. BE; RSB 101.1) garantit expressément la liberté de la langue, en son art. 15, en lui accordant ainsi une importance particulière par rapport au principe de la territorialité, qui ne ressort que de manière implicite de son art. 6 (cf. atf 122 i 236 consid. 3a).

    c) La référence au principe de la territorialité des langues par la constitution cantonale a pour conséquence la reconnaissance de l’existence de différentes zones linguistiques dont il convient de préserver l’étendue et l’ho-Page 171mogénéité. La doctrine et la jurisprudence ont ainsi eu l’occasion de préciser que le canton de Fribourg compte trois zones linguistiques, à savoir une zone française, une zone allemande et une zone bilingue (Voyame, p. 2841 et les références citées). Or, l’étendue et l’homogénéité de celles-ci pourraient être menacées notamment par des mouvements de population provenant d’autres régions linguistiques. C’est dans ce contexte que l’art. 21 Cst. cant. confère une importance particulière au principe de la territorialité des langues, en conformité duquel les autorités cantonales doivent exiger des nouveaux arrivants qu’ils s’assimilent au moins dans une certaine mesure à leur nouveau mi- lieu linguistique (Voyame, p. 2827 s.).

  3. a) Si la réglementation de l’usage de la langue en général est de la compétence primaire des cantons, il appartient également au législateur cantonal d’édicter les règles relatives à la langue de l’enseignement scolaire, dans le respect de règles constitutionnelles.

    b) L’art. 7 ls dispose que l’enseignement est donné en français dans les cercles scolaires où la langue officielle est le français, et en allemand dans les cercles scolaires où la langue officielle est l’allemand, étant précisé que lorsqu’un cercle scolaire comprend une commune de langue officielle française et une commune de langue officielle allemande, ou une commune bilingue, les communes du cercle scolaire assurent la fréquentation gratuite de l’école publique dans les deux langues. Cette disposition, mise en relation avec l’art. 8 ls qui prévoit que les élèves fréquentent l’école du cercle scolaire de leur domicile ou de leur résidence habituelle reconnue par le Département de l’instruction publique, concrétise le principe de la territorialité des langues dans le cadre de l’enseignement scolaire fri- bourgeois.

    Ce principe peut toutefois connaître certaines exceptions, en application de l’art. 9 al. 1 ls, qui donne à l’inspecteur scolaire la compétence d’autoriser un élève à fréquenter l’école d’un cercle scolaire autre que le sien pour des rai- sons de langues. L’art. 14 al. 2 du règlement d’exécution de la loi scolaire (rls; rsf 411.0.11) prévoit en outre qu’avant de décider d’un changement de cercle, l’inspecteur scolaire prend l’avis des autorités scolaires des cercles concernés.

    c) Il ressort des dispositions précitées que, concrétisant les principes de la Constitution fribourgeoise, la loi scolaire privilégie le principe de la territorialité des langues, dans les limites du droit à la liberté de la langue: elle pose clairement le principe selon lequel les enfants suivent l’enseignement dans la langue de leur cercle scolaire de domicile et ne reconnaît pas le libre choix de changer de cercle scolaire pour des rai- sons de langue.

    Le changement de cercle scolaire est soumis à autorisation. Pour décider d’un changement de cercle scolaire, l’inspecteur scolaire doit prendre en compte l’ensemble des circonstances particulières du cas et procéder à une pesée des intérêts publics et privés en jeu. En effet, le refus d’autorisation de changement de cercle scolaire pour raison de langue constitue une restriction au droit à la liberté de la langue, reconnu par la Constitution fédérale. Pour être admissible, une telle restriction doit se justifier du point de vue de l’intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (atf 122 i 236 Page 172consid. 2c; 121 i 196 consid. 2a et les références citées).

  4. a) En l’espèce, la Commune de Granges-Paccot est située dans la zone francophone du canton de Fribourg et forme un cercle scolaire dont la langue officielle est le français. L’enseignement y est donné uniquement en français, tant au niveau de l’école enfantine qu’à celui de l’école primaire, conformément à l’art. 7 ls. Les recourants connaissaient le caractère unilingue de la commune où ils ont décidé de s’ins- taller, et devaient savoir, vu le texte clair de la loi scolaire, que leurs enfants seraient appelés, en principe, à suivre un enseignement en français à l’école de Granges-Paccot, à moins qu’un changement de cercle ne soit autorisé par l’inspecteur scolaire. Ils ne pouvaient en tout cas pas prétendre à un droit automatique à un tel changement, au motif que le père de X. avait —il y a plusieurs années et sur la base d’une loi abrogée par la loi scolaire— bénéficié d’une telle possibilité. Ils ne pouvaient pas davantage considérer que le fait d’acheter un terrain à bâtir pour s’ins- taller à demeure dans cette commune francophone leur donnait ce droit.

    b) Il importe également de rappeler, à titre liminaire, que le litige porte sur la langue de l’enseignement à l’école enfantine publique. Or, la fréquentation de l’école enfantine est facultative (art. 13 al. 1 ls), de sorte que les parents peuvent librement renoncer à y inscrire leur enfant, notamment pour des rai- sons liées au fonctionnement général de l’école enfantine, au lieu de fréquentation ou à la langue de l’enseignement. Ainsi, le fait qu’un élève ne soit pas autorisé à changer de cercle scolaire pour suivre l’école enfantine dans sa langue maternelle ne constitue pas, en soi, une atteinte incisive à la liberté de la langue, dans la mesure précisément où l’enfant n’est pas tenu de fréquenter l’école enfantine.

    Par ailleurs, X. étant âgé de six ans révolus, il pourra entrer à l’école primaire à l’automne 2001. On peut dans ces conditions se poser la question de l’existence d’un intérêt encore actuel à un changement de cercle scolaire, dès lors qu’il paraît douteux qu’il puisse, s’il était autorisé, se concrétiser au deuxième et dernier semestre de l’année scolaire enfantine, sans engendrer des perturbations importantes pour l’enfant. Cette question peut demeurer indécise dans le cas d’espèce, dans la mesure où la décision négative de l’inspectrice scolaire présente une portée générale qui justifie le contrôle juridictionnel.

    c) Ces réserves étant émises, il convient d’examiner si la restriction au droit à la liberté de la langue qu’entraîne le refus de changement de cercle scolaire prononcé par l’inspectrice scolaire se justifie au regard d’une balance des intérêts publics et privés en présence.

  5. a) Commune francophone limitée à l’ouest par la commune bilingue de Fribourg et au nord par le district alémanique de la Singine, Granges-Paccot est situé à «la frontière des langues». De par sa situation géographique, elle est légitimée, eu égard au principe de la territorialité, à mettre tout en oeuvre pour préserver son caractère francophone.

    A ce propos, la doctrine a confirmé que le principe de la territorialité des langues —qui a pour fonction de main- tenir les langues menacées ainsi que dePage 173préserver la paix des langues et, par là, la cohésion sociale— répond à l’intérêt général de la collectivité publique et de ses membres. En principe, ce but est atteint en incitant les personnes qui viennent s’établir dans une région étrangère à reprendre la langue qui y est parlée, assurant ainsi l’homogénéité linguistique de ce territoire. Or, l’école est certainement l’agent le plus efficace pour permettre une telle adaptation, au moins au niveau de la deuxième génération. Il apparaît donc essentiel, si l’on veut sauvegarder l’homogénéité linguistique d’une région et même, le cas échéant, son étendue, que les enfants fréquentent une école privilégiant la langue du lieu (cf. Voyame, p. 2828).

    En formulant un avis négatif au changement de cercle scolaire pour des raisons de langue, la commune a fait valoir l’intérêt général de sa communauté, manifeste en l’espèce, au maintien de l’homogénéité linguistique de son territoire. Cet objectif d’intérêt public devait être pris en considération par l’autorité de décision.

    b) Par ailleurs, quand bien même en l’espèce un changement de cercle scolaire n’aurait pas d’incidence financière directe pour les communes concernées —celui-ci étant subordonné à la prise en charge par les parents des frais d’écolage— il induit, par principe, des difficultés d’organisation et de planification de l’effectif des classes, et peut même entraîner, à court ou moyen terme, la suppression de classes à l’intérieur d’une commune. Ce risque est d’autant plus grand pour les communes, comme Granges-Paccot, qui sont situées aux frontières des langues et qui, de ce fait, sont plus régulièrement saisies de demandes de changement de cercle scolaire pour des raisons de langue. L’autorité cantonale se doit, dans le cadre de l’examen de chaque demande d’autorisation de fréquenter l’école d’un autre cercle scolaire, de prendre en considération les incidences inévitables que l’acceptation de la requête entraîne sur l’organisation et le fonctionnement des classes de la commune. Or, dans le cas particulier, il ne faut pas perdre de vue que X. est le fils aîné du couple recourant, de sorte qu’une autorisation de changer de cercle scolaire en sa faveur conduirait presque inévitablement à reconnaître ce même droit à sa sœur cadette, voire aux autres enfants de la famille, si celleci devait s’agrandir.

  6. a) Aux intérêts publics à ce que l’élève fréquente l’école enfantine de son cercle scolaire de domicile, les recourants opposent essentiellement le contexte familial et culturel allemand dans lequel ils vivent, leur incapacité à assurer un suivi scolaire de leur enfant, notamment en ce qui concerne les devoirs, et leurs craintes que leur enfant perde tout lien avec la culture germano- phone en cas de scolarisation en fran- çais.

    b) Les difficultés, invoquées par les recourants, qu’ils auraient pour assurer le suivi scolaire de leur enfant correspondent à celles que rencontrent la plupart des familles ne parlant pas la langue de leur commune de domicile. Cela étant, elles ne paraissent pas insurmontables dans le cas d’espèce. Il convient en effet de souligner que la famille habite depuis une dizaine d’années dans cette commune francophone, le père y vivant depuis sa naissance. Il est des plus probables, dans ces conditions, que les époux recourants maîtri-Page 174sent la langue française de manière suffisante pour assurer, dans cette langue, le suivi scolaire de leurs enfants; au demeurant, outre le fait que la question des devoirs ne se pose pas à l’école enfantine, on est en droit d’attendre des parents qu’ils fournissent un effort en vue de s’adapter à la langue de la commune de leur domicile, en particulier lorsqu’ils ont clairement manifesté leur intention de s’y installer à demeure.

    c) Par ailleurs, les craintes des parents que leur enfant perde tout lien avec la culture germanophone ne sont pas fondées, dès lors que la langue maternelle allemande demeurera celle parlée à la maison et en famille. A ce propos, il n’y a aucune raison de se distancier des avis émis par l’inspectrice scolaire et la Direction, selon lesquels la scolarisation de l’élève dans sa commune de domicile lui permet d’apprendre facilement une deuxième langue et favorise son développement global et harmonieux et son insertion dans le mi- lieu dans lequel il est appelé à vivre toute l’année, en évitant la création de deux mondes, l’un scolaire et l’autre social (quartier, domicile). Ces objectifs d’ordre pédagogiques, concrétisent la volonté du législateur exprimés aux art. 2 al. 3 et 12 ls, et servent l’intérêt bien compris de l’élève.

    Au demeurant, la volonté affichée des parents que leur enfant parle sa langue maternelle aussi bien à l’école qu’en famille, et ne développe ainsi pas une identité bilingue, apparaît peu conforme à l’intérêt de celui-ci (cf. atf 122 i 236 consid. 4d cc). En outre, l’expérience a clairement démontré qu’il est faux de prétendre, comme les recourants, que le bilinguisme d’un élève l’empêcherait de maîtriser parfaitement les langues parlées. Il est au contraire apte à favoriser sa socialisation dans sa commune de domicile et, à moyen terme, son épanouissement personnel et professionnel dans un canton bilingue, tout en conservant sa culture et sa sensibilité germanophone, en parlant l’allemand dans le cadre familial.

    d) Pour le reste, les recourants n’ont pas démontré qu’un intérêt prépondérant de l’élève préconiserait un changement de cercle scolaire pour des raisons de langue. En particulier, ils ne peuvent pas faire valoir qu’une scolarisation en français serait perturbante pour leur fils, notamment parce qu’elle interviendrait en cours de scolarité, ou parce qu’elle ne serait que provisoire, en raison d’un déménagement programmé de la famille dans une région germanophone, ou encore en raison de la scolarisation en langue allemande d’autres frères et soeurs.

  7. a) Au vu de ces éléments mis en balance, l’autorité de céans constate qu’en refusant d’autoriser le changement de cercle scolaire d’école enfantine de X., la Direction n’a pas violé la loi, ni commis un excès ou un abus de son pouvoir d’appréciation. Sa décision se justifie pour des motifs d’intérêts publics et ne porte pas d’atteinte incisive aux intérêts privés de l’élève, en particulier à son droit à la liberté de la langue. Au demeurant, un refus de changement de cercle scolaire n’a pas pour effet d’imposer aux enfants une scolarisation dans une autre langue que leur langue maternelle, puisque les parents restent libres d’inscrire leurs enfants dans une école privée ou de leur dispenser eux-mêmes un enseignement à domicile (art. 4 ls; atf 122 i 236 consid. 4e dd) et même, s’agissant dePage 175l’école enfantine, de renoncer purement et simplement à l’y inscrire (art. 13 ls). De surcroît, si l’Etat doit autant que possible laisser aux parents leur liberté dans l’éducation et l’instruction de leurs enfants, ce principe ne permet pas à ces derniers de prescrire aux autorités en tous points la façon dont elles doivent réaliser l’éducation de l’instruction des enfants dans les écoles publiques; cela n’exclut notamment pas qu’elles aillent à l’encontre de la volonté des parents, lorsqu’il s’agit de l’intérêt de l’enfant (atf 117 Ia 27 consid. 7b).

    Dans notre canton, le législateur fri- bourgeois a soumis le changement de cercle scolaire à autorisation de l’inspecteur scolaire, qui est le mieux à même de déterminer l’intérêt spécifique d’un élève et de le mettre en balance avec les intérêts publics en jeu. Les recourants n’ont invoqué aucun élément pertinent qui n’aurait pas été pris en compte par les instances inférieures et qui justifierait que l’autorité de recours se distancie de leurs conclusions circonstanciées. Conforme aux principes de la proportionnalité et de l’égalité de traitement, la décision atta quée doit être confirmée et le recours rejeté.

    Pour ces motifs, le recours a été rejeté.

2. IIeCour de droit public du Tribunal fédéral: Arrêt du 2 novembre 2001
Ecole et formation

Art. 18 Cst. féd.; art. 21 Cst. cant.; art. 9 LS - Changement de cercle scolaire pour raison de langue. Relation entre la liberté de la langue et le principe de la territorialité.

(Admission du recours de droit public interjeté contre l’arrêt du Tribunal administratif du 15 mars 2001, rfj 2001 p. 132 ss.)

Schule und Ausbildung

Art. 18 BV; Art. 21 KV; Art. 9 SchG - Wechsel des Schulkreises aus sprachlichen Gründen. Verhältnis zwischen der Sprachenfreiheit und dem Territorialitätsprinzip.

(Gutheissung der staatsrechtlichen Beschwerde gegen das Urteil des Verwaltungsgerichts vom 15. März 2001, fzr 2001 S. 132 ff.)

Résumé des faits

A.- B. et C., de langue maternelle allemande, résident dans la commune de Granges-Paccot depuis environ dix ans. Ils y ont acquis un terrain sur lequel ils ont construit une villa familiale qu’ils occupent avec leur fils A. et leur fille cadette. La commune de Granges- Paccot est sise dans le district de la Sarine, district bilingue avec forte minorité alémanique. La langue officielle dePage 176Granges-Paccot est le français et la commune appartient à un cercle scolaire dispensant un enseignement scolaire en langue française.

Le 23 février 2000, B. et C. ont requis de l’inspectrice scolaire des classes enfantines l’autorisation de scolariser leur fils A dans la classe enfantine de langue allemande de l’école du Jura, à Fribourg, dont il avait déjà fréquenté le jardin d’enfants. L’inspectrice scolaire a rejeté leur demande le 14 avril 2000; elle a considéré qu’un changement de cercle scolaire pour raisons de langue ne pouvait être admis qu’à titre exceptionnel et que les motifs avancés n’étaient pas suffisants pour accorder une dérogation.

  1. et C. ont contesté cette décision devant la Direction de l’instruction publique et des affaires culturelles. A l’appui de leur recours, ils ont notamment fait valoir que leurs enfants étaient élevés dans un milieu culturel allemand, qu’ils avaient eux-mêmes accompli leur parcours scolaire en langue allemande, alors que C. avait vécu à Granges-Paccot pratiquement depuis sa naissance, et qu’ils ne pouvaient assurer le suivi scolaire de leur fils A. qu’en langue allemande.

Par décision du 14 juillet 2000, la Direction de l’instruction publique et des affaires culturelles a rejeté le recours. Invoquant la prééminence du principe constitutionnel de la territorialité des langues sur celui de la liberté de la langue, elle a estimé que le fait d’être de langue maternelle allemande n’entraînait pas un droit à un changement de cercle scolaire, sous réserve de motifs impérieux ou prépondérants non réalisés dans le cas particulier.

B.- Le 11 septembre 2000, B. et C. ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif qui, par arrêt du 15 mars 2001, a rejeté le recours. Se fondant également sur le principe de la territorialité des langues, consacré par la constitution cantonale, il a confirmé que la loi scolaire privilégiait l’homogénéité linguistique et qu’elle ne reconnaissait pas le libre choix du cercle scolaire pour des rai- sons de langue. Une telle restriction du droit à la liberté de la langue, garantie par la Constitution fédérale, devait être justifiée par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité, cette double condition étant réalisée dans le cas d’espèce.

C.- C. et B., ainsi que leur fils A., forment un recours de droit public auprès du Tribunal fédéral et concluent, avec suite de frais et dépens, à l’annulation de l’arrêt du Tribunal administratif du 15 mars 2001. Ils se plaignent d’une violation de la liberté de la langue, d’une interprétation arbitraire de la loi scolaire et d’une violation du principe de la protection de la bonne foi.

Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Quant à la Direction de l’instruction publique et des affaires culturelles, elle conclut au rejet du recours, avec suite de frais.

Extrait des considérants
  1. -a) Selon l’art. 37 al. 3 oj, l’arrêt du Tribunal fédéral est rédigé dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Si lesPage 177parties parlent une autre langue officielle, l’expédition peut être rédigée dans cette langue. En l’espèce, les recourants sont de langue maternelle allemande et leur recours auprès du Tribunal fédéral est rédigé en allemand. Devant le Tribunal administratif, ils ont toutefois procédé en français, par l’intermédiaire du même mandataire. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de la règle générale; le présent arrêt sera ainsi rédigé dans la langue de la décision entreprise, soit en langue française.

    b) Le Tribunal fédéral examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (atf 127 III 41 consid. 1a p. 42; 126 i 81 consid. 1 p. 83 et les arrêts cités).

    c) Selon l’art. 88 oj, le recours de droit public est ouvert uniquement à celui qui est atteint par l’acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés. En tant qu’elle concerne l’année scolaire 2000-2001, la décision attaquée ne présente plus d’intérêt actuel, dès lors que A. a achevé son école enfantine. Toutefois, le Tribunal fédéral renonce exceptionnellement à l’exigence d’un intérêt pratique et actuel lorsque le recourant soulève une question de principe susceptible de se reproduire dans les mêmes termes, sans que le Tribunal fédéral ne soit jamais en mesure de statuer en temps utile (atf 127 III 429 consid. 1b p. 432; 125 i 394 consid. 4b p. 397; 124 i 231 consid. 1b; 123 II 285 consid. 4c p. 287). Cette condition est remplie en l’espèce, dans la mesure où les recourants ont présenté une nouvelle demande de changement de cercle scolaire pour l’école primaire qui a été écartée pour les mêmes motifs que ceux développés dans la décision attaquée.

    Formé en temps utile contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale, le recours répond en outre aux autres conditions de recevabilité des art. 84 ss oj, de sorte qu’il y a lieu d’entrer en matière sur le fond.

  2. La liberté de la langue, autrefois confinée au rang de droit constitutionnel non écrit d’origine jurisprudentielle (atf 91 i 480), est désormais expressément garantie par l’art. 18 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999. Cette garantie comprend notamment l’usage de la langue maternelle. Lorsque cette langue est également l’une des quatre langues nationales, son emploi est protégé par l’art. 4 Cst. L’art. 8 al. 2 Cst. prohibe en outre toute discrimination du fait de la langue.

    Dans les rapports du citoyen avec l’autorité, la portée du principe de la liberté de la langue concerne plus particulièrement les domaines de la langue de l’enseignement et celui de la langue officielle des cantons, notamment de la langue judiciaire.

    Selon l’art. 70 al. 2 Cst., «les cantons déterminent leurs langues officielles. Afin de préserver l’harmonie entre les communautés linguistiques, ils veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques autoch- tones». Cette disposition consacre le principe de la territorialité des langues, qui ne constitue pas un droit constitutionnel individuel, mais représente une restriction à la liberté de la langue dans la mesure où il permet aux cantons de prendre des mesures pour maintenir l’homogénéité et les limites traditionnelles des régions linguistiques (atf 122 i 236 consid. 2c p. 238/239; 121 i 196 consid. 2a p. 198 et les références ci-Page 178tées). La portée du principe de la territorialité des langues est sujette à contro- verses. C’est en raison de ces contro- verses que le Conseil fédéral a proposé, dans le cadre de la révision totale de la Constitution, de ne pas mentionner expressément, à côté de la garantie de la liberté de la langue, le correctif du principe de la territorialité (Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale; ff 1997 i p. 164/165). Au sens strict, ce principe implique qu’à chaque territoire corresponde une langue, afin d’assurer l’homogénéité linguistique de ce territoire; ainsi, chaque canton, district ou commune devrait pouvoir conserver sa langue traditionnelle, malgré l’immigration de personnes d’expression étrangère (Michel Rossinelli, «La question linguistique en Suisse: Bilan critique et nouvelles perspectives juridiques», in: rds 1989, vol. 1 p. 161 ss, spéc. p. 166; Giorgio Malinverni, Commentaire de la Constitution fédérale, 1987, n. 23 ss ad art. 116 aCst.). Dans un sens plus large, il doit favoriser, en harmonie avec le principe de la liberté de la langue, la coexistence pacifique des langues nationales et la protection des langues minoritaires (atf 122 i 236 consid. 2e p. 240; 121 i 196 consid. 2b p. 198/199 et les références citées). Les principes de la liberté de la langue et de la territorialité peuvent toutefois entrer en conflit: en effet, le premier protège le droit du citoyen de s’exprimer et de recevoir un enseignement dans sa langue, alors que le second tend à la stabilisation et l’homogénéité des régimes linguistiques.

    La jurisprudence admet que le critère de la territorialité s’applique, en principe, à la langue de l’enseignement.

    Dans l’école publique, l’enseignement est généralement dispensé dans la langue officielle du lieu concerné et la liberté de la langue ne confère pas aux minorités linguistiques le droit inconditionnel à un enseignement dans leur langue maternelle. Cette jurisprudence a été critiquée par la doctrine se réclamant d’une prééminence du principe de la liberté de la langue sur celui de la territorialité (atf 122 i 236 consid. 2d p. 239/240). La doctrine récente partage ces critiques: Barbara Wilson (La liberté de la langue des minorités dans l’enseignement, Bâle 1999) préconise une reconnaissance accrue du droit constitutionnel de la liberté de la langue (op. cit. p. 295 ss). Marco Borghi («La liberté de la langue et ses limites» in: Droit constitutionnel suisse édité par Daniel Thürer, Jean-François Aubert et Jörg Paul Müller, Zurich 2001, p. 607 ss, spéc. p. 616/617) propose un renforcement du droit d’obtenir un enseignement dans la langue d’origine de l’élève sur la base des art. 18 et 8 Cst. Andreas Auer / Giorgio Malinverni / Michel Hottelier (Droit constitutionnel suisse, volume II, Berne 2000) soutiennent pour leur part que la liberté de la langue bénéficie désormais d’un ancrage constitutionnel plus solide que le principe de la territorialité (p. 455) et que sa portée autonome devrait être plus souvent décisive dans la jurisprudence du Tribunal fédéral (p. 463). Enfin, Julian T. Hattinger, («La diversité culturelle», in La nouvelle Constitution suisse, Publication de l’Institut du Fédéralisme, Fribourg Suisse 2000, vol. 26 p. 50 à 52), estime que le principe de la liberté des langues constitue une ouverture qui ne devrait être limitée qu’avec nuances enPage 179faveur de la langue majoritaire, lorsque certains intérêts collectifs sont en jeu. Il y a lieu toutefois de s’en tenir au principe général selon lequel le droit constitutionnel fédéral n’impose pas aux collectivités publiques l’obligation d’offrir aux particuliers venant s’établir sur leur territoire un enseignement dans une autre langue que celle qui est officiellement pratiquée dans la région concernée (atf 122 i 236 consid. 2d p. 240).

  3. Sous réserve des limites posées par le droit constitutionnel fédéral, il appartient en premier lieu aux cantons de réglementer l’usage de la langue à l’intérieur de leurs frontières (atf 122 i 236 consid. 2h p. 242; 121 i 196 consid. 2c p. 199).

    a) L’art. 21 de la Constitution du canton de Fribourg (ci-après: Cst. fr) a la teneur suivante:

    1. Le français et l’allemand sont des langues officielles. Leur utilisation est réglée dans le respect du principe de la territorialité.

    2. L’Etat favorise la compréhension entre les deux communautés linguistiques.»

    Comme l’art. 70 Cst., cette disposition indique quelles sont les langues officielles. Elle ne cite pas la liberté de la langue –déjà garantie par le droit constitutionnel fédéral– mais mention- ne expressément le principe de la territorialité, donnant à celui-ci un poids particulier (atf 121 i 196 consid. 2c p. 200; Joseph Voyame, «Avis de droit délivré au Conseil d’Etat du canton de Fribourg le 30 septembre 1991 au sujet du nouvel article constitutionnel sur les langues officielles et au sujet de son application dans la législation et la pratique», in: Bulletin officiel des séances du Grand Conseil du canton de Fribourg, 1992, p. 2813 ss, spéc. p. 2833). Dans son avis, cet auteur (op. cit., p. 2829 ss) souligne l’importance des travaux préparatoires au cours desquels, à diverses reprises, il a été question d’une certaine retenue dans l’application du principe de la territorialité pour tenir compte de l’exigence de la proportion- nalité et préserver la paix des langues (atf 121 i 196 consid. 2 p. 200). Pour le canton de Fribourg, il est significatif que, même si le statut des langues s’articule en deux alinéas, le principe de la territorialité est mis en relation avec le mandat de favoriser la compréhension entre les deux communautés linguistiques et se trouve ainsi relativisé (atf 121 i 196 consid. 2c p. 200; voir également Charles-Albert Morand, «Liberté de la langue et principe de territorialité. Variations sur un thème encore méconnu», in: rds 1993, vol. I p. 31 et Thomas Fleiner-Gerster, «Das sprachliche Territorialitätsprinzip in gemischtsprachigen Gebieten», in: Législation d’aujourd’hui, 1991/1, p. 93 ss).

    La jurisprudence ne reconnaît une portée propre à une garantie constitutionnelle de droit cantonal qu’en tant que celle-ci offre une protection plus étendue que celle du droit constitution- nel fédéral (atf 121 i 196 consid. 2d p. 200; 119 la 53 consid. 2 p. 55; 118 la 427 consid. 4a p. 433). Même si, en énonçant le principe de la territorialité, la Constitution du canton de Fribourg reprend une règle qui découle aussi du droit fédéral, il y a toutefois lieu de tenir compte des éléments propres au droit cantonal, en particulier de la combinaison du principe de la territorialité avec le mandat de favoriser la compré-Page 180hension entre les deux communautés linguistiques.

    b) Dans le domaine de l’enseignement, la loi sur l’école enfantine, l’école primaire et l’école du cycle d’orientation du 21 mai 1985 (ci-après: la loi scolaire) contient les dispositions suivantes:

    Art. 7. L’enseignement est donné en français dans les cercles scolaires où la langue officielle est le français, et en allemand dans les cercles scolaires où la langue officielle est l’allemand.

    Lorsqu’un cercle scolaire comprend une commune de langue officielle française et une commune de langue officielle allemande, ou une commune bilingue, les communes du cercle scolaire assurent la fréquentation gratuite de l’école publique dans les deux langues.

    »Art. 8. Les élèves fréquentent l’école du cercle scolaire de leur domicile ou de leur résidence habituelle reconnu par le Département de l’instruction publique (ci-après: le Département).

    »Art. 9. L’inspecteur scolaire peut, pour des raisons de langue, autoriser un élève à fréquenter l’école d’un cercle scolaire autre que le sien.

    »L’inspecteur scolaire peut, dans d’autres cas, autoriser ou obliger un élève à fréquenter l’école d’un cercle scolaire autre que le sien, si l’intérêt de cet élève le commande.

    »La décision indique quel cercle scolaire doit accueillir l’élève.»

    Si les art. 7 et 8 concrétisent le principe constitutionnel cantonal de la territorialité, l’art. 9 de la loi scolaire permet de faire des exceptions pour des raisons de langue. Les intéressés n’ont cependant pas un droit à fréquenter un autre cercle que celui de leur domicile; il appartient ainsi à l’inspecteur scolaire d’examiner chaque cas particulier avant d’accorder ou non une dérogation. C’est donc au regard des critères applicables à l’admission ou au refus d’un changement de cercle scolaire qu’il faut vérifier en l’espèce si la décision attaquée constitue une violation de la liberté de la langue des recourants.

  4. a) Selon la juridiction intimée, la situation géographique de la commune de Granges-Paccot «à la frontière des langues», justifie une application rigou- reuse du principe de la territorialité des langues, l’intérêt public consistant à maintenir l’homogénéité linguistique du territoire communal. Comme le relèvent les recourants, le principe de la territorialité ne doit pas avoir pour effet de figer les situations existantes et d’empêcher des déplacements naturels dans la répartition linguistique. La jurisprudence et la doctrine ont déjà reconnu en la matière la limite des contraintes étatiques et de l’influence des réglementations légales sur les évolutions sociales (atf 122 i 236 consid. 4e/cc p. 246 et les références citées). En outre, une application trop stricte du principe de la territorialité des langues pourrait constituer une inégalité de traitement, dans la mesure où il est établi que les enfants des familles germanophones de certaines communes, telles Givisiez, Villars-sur-Glâne et Marly, obtiendraient plus facilement l’autorisation de changer de cercle scolaire (cf. lettre de l’inspecteur scolaire du 2ème arrondissement adressée le 17 juillet 2001 à la Direction de l’instruction publique, produite en cours dePage 181procédure par le mandataire des recou- rants). L’intérêt public lié à la sauvegarde de l’homogénéité linguistique d’une commune ne saurait donc, à lui seul, faire obstacle à la garantie constitution- nelle de la liberté de la langue.

    b) Le Tribunal administratif invoque également l’intérêt public à une organisation économique et rationnelle de l’enseignement scolaire. Une commune a certes un intérêt légitime à pouvoir planifier l’effectif de ses classes et à ne pas être obligée d’engager des frais supplémentaires pour des enfants domiciliés sur son territoire, mais qui dési- rent suivre leur scolarité obligatoire dans une autre langue que celle enseignée à l’école communale. Une planification rigoureuse n’est toutefois pas possible, compte tenu des changements de domicile et de la faculté des parents de mettre leur enfant dans une école privée, pour autant qu’ils en aient les moyens (voir à ce propos la critique de l’atf 122 i 236 ss par Marco Borghi, «La liberté de la langue et ses limites» op. cit., n. 40, p. 616/617). En l’espèce, l’école du Jura, à Fribourg, est disposée à accueillir le recourant, et ses parents se sont engagés à prendre en charge les dépenses liées au changement de cercle scolaire. Quant aux difficultés d’organisation et de planification de l’effectif des classes, elles ne font pas l’objet d’explications concrètes de la part de la commune concernée, qui ne prétend pas que la dérogation sollicitée lui causerait une difficulté quelconque ou des frais particuliers. Or, si l’existence d’une école, fréquentée par les enfants domiciliés dans la commune, répond à un intérêt public digne de protection, la garantie de la liberté de la langue doit en principe l’emporter sur les éventuelles difficultés de planification scolaire.

    c) Dans ces circonstances, mis à part le précédent que pourrait constituer en l’espèce l’octroi d’une dérogation, l’intérêt public à voir le recourant fréquenter le cercle scolaire de Granges-Paccot est relativement ténu. Reste à déterminer si, au regard du principe de la proportionnalité, cet intérêt l’emporte sur les intérêts privés du recourant à bénéficier d’un enseignement dans sa langue maternelle.

    Les recourants font essentiellement valoir le contexte familial et culturel allemand dans lequel ils se trouvent, l’enfant ayant vécu sa première expérience scolaire, au jardin d’enfants, en langue allemande. Les parents craignent ainsi que leur fils perde progressivement tout lien avec la culture germanophone et qu’un fossé linguistique les sépare. Ils invoquent également les difficultés qu’ils auraient pour assumer le suivi scolaire de leur fils. A ces arguments, l’autorité intimée objecte les bienfaits du bilinguisme et une meilleure insertion sociale au lieu de domicile en cas de scolarisation dans le cercle scolaire de Granges-Paccot, alors que le problème des parents pour suivre la scolarité de leur fils ne paraît pas insurmontable.

    Il est vrai que le recourant n’est qu’au début de son parcours scolaire et que son jeune âge favoriserait l’apprentissage d’une seconde langue. On peut toutefois se demander si le développement d’une identité bilingue doit être imposé par la contrainte et si son succès ne dépend pas plutôt de l’adhésion et du concours des parents. En outre, l’intérêt de l’enfant à bénéficier, au début de sa scolarité, d’un enseignement dans sa langue maternelle, semble désormaisPage 182favorisé par la Direction de l’instruction publique (voir les directives concernant l’admission dans les classes allemandes d’écoles enfantines et primaires de l’Ecole libre publique de Fribourg du 23 mai 2001, que le mandataire des recourants a produites en dehors du délai de recours). En ce qui concerne les difficultés que rencontreraient les parents pour assumer le suivi scolaire de leur fils, elles ne sauraient être mini- misées. En effet, à supposer que les parents puissent assumer conjointement le suivi de l’école enfantine et de l’école primaire, il n’est pas certain qu’ils soient aptes à le faire tout au long du cursus scolaire de leur enfant. Si des difficultés de cet ordre devaient survenir dans quelques années, il serait alors trop tard pour opérer un changement et l’intéressé ne pourrait plus du tout bénéficier de l’appui parental. Une scolarisation initiale dans la langue mater- nelle ne doit certes pas être accordée automatiquement lorsque les parents le demandent mais, dans la mesure où ces derniers sont disposés à assumer tous les frais d’écolage et qu’il n’en résulte aucun frais supplémentaire pour la col- lectivité publique concernée (atf 122 i 236 consid. 4e/ee p. 247), la situation personnelle des recourants permet, en l’espèce, de répondre favorablement à leur requête.

  5. a) Au vu des considérants qui précèdent, applicables tant pour l’école enfantine que pour l’école primaire, l’intérêt privé des recourants à pouvoir scolariser leur enfant dans leur langue maternelle, en assumant tous les frais de leur choix, l’emporte sur l’intérêt public de la commune de Granges-Paccot à maintenir son homogénéité linguistique et à faciliter sa planification scolaire. Le refus d’autoriser l’enfant à fréquenter les classes de langue allemande de l’école du Jura, à Fribourg, constitue dès lors une atteinte disproportionnée à la liberté constitutionnelle de bénéficier d’un enseignement dans sa langue maternelle. La décision attaquée doit donc être annulée, sans qu’il soit encore nécessaire de statuer sur le caractère prétendument arbitraire de l’interprétation donnée par l’autorité intimée à l’art. 9 de la loi scolaire et sur la violation éventuelle du principe de la protection de la bonne foi.

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    * Ce texte, paru dans la Revue fribourgeoise de jurisprudence (rfj) 2002, p. 3 ss, est publié avec l’aimable autorisation de la rédaction de cette revue. L’auteur a légèrement remanié et complété la version originale pour sa publication dans la Revista de Llengua i Dret.

    [1] . Arrêt de la IIe Cour de droit public du 2 novembre 2001 dans la cause Amrein, contre l’arrêt rendu le 15 mars 2001 par le Tribunal administratif du canton de Fribourg, 2P.112/2001 publié in: rfj 2001, p. 366 avec deux notes, l’une d’Augustin Macheret (p. 375) et l’autre de Barbara Wilson (p. 380). Suite à l’arrêt Amrein, le 20 mars 2002 le Tribunal administratif du canton de Fribourg a admis aux mêmes conditions un recours portant sur la même question et concernant une famille bilingue de la commune francophone de Vil- lars-sur-Glâne (canton de Fribourg, district de la Sarine) désirant faire suivre à un de ses enfants un enseignement en allemand à Fribourg.

    [2] . Le sens du concept de langue officielle peut être défini comme suit: «La qualification d’une langue comme officielle signifie qu’elle doit être reconnue comme langue de communication des pouvoirs publics, et ceci à différents niveaux (communications internes; communications externes et communications entre les divers pouvoirs publics) et comme langue de communication entre les citoyens et les différents pouvoirs publics.» Cette définition est du constitutionnaliste espagnol Antoni Milian i Massana in: «Droits linguistiques et droits fondamentaux en Espagne», Revue générale de droit, Montréal, 1992, p. 561, 564. Ce sens est également donné en Suisse cf. Marco Borghi, «Langues nationales et langues officielles», in: Daniel Thürer/Jean-François Aubert/Jörg Paul Müller (éd), Droit constitutionnel suisse, Zurich, 2001, §37, no 23; au Canada, cf. André Braën, Les droits linguistiques, in: Michel Bastarache, «Les droits linguistiques au Canada», Montréal, 1986, p. 18ss.

    [3] . Art. 3 et 70 al. 2 Cst.féd.; atf 122/1996 i 236 consid. 2 h Althaus, JdT 1998 i 66 notamment.

    [4] . Art. 69 et 62 Cst.féd.; cf. à ce sujet Adriano Previtali, «L’encouragement du plurilinguisme en Suisse, l’exemple du domaine scolaire», ajp/pja 4/2000, p. 392.

    [5] . Antoni Milian i Massana, «Droits linguistiques et droits fondamentaux en Espagne», in: Les minorités en Europe, Paris, 1992, p. 251ss; du même auteur cf. également «Derechos lingüísticos y derecho fundamental en la educación. Un estudio comparado: Italia, Bélgica, Suiza, Canada y España, Madrid, 1994, p. 377ss et Schule und Unterrichtssprache, Aspekte des europaïschen Sprachenrechts, Bonn, 1996, p. 63ss.

    [6] . José Woehrling, «La Constitution du Canada, la législation linguistique du Québec et les droits de la minorité anglo-québécoise», in: Minorités et organisation de l’Etat, Bruxelles, 1998, p. 561ss; Daniel Proulx, «La Constitution canadienne et la protection des droits linguistiques», Rev.trim.dr.h., 1992, p. 281ss.

    [7] . Michel Rossinelli, «La question linguistique en Suisse: Bilan critique et nouvelles perspectives juridiques», rds 108/1989 i 182.

    [8] . Article 116 Cst.féd. dans sa teneur avant la modification du 10 mars 1996: «L’allemand, le français, l’italien et le romanche sont les langues nationales de la Suisse. Sont déclarées langues officielles de la Confédération l’allemand, le français et l’italien».

    [9] . Michel Rossinelli, Les libertés non écrites, Lausanne, 1987, p. 137ss. Le maintien du quadrilinguisme national a été reconnu comme devoir d’intérêt national lié à l’existence même du pays dans une jurisprudence audacieuse du Tribunal fédéral de 1965 (atf 91/1965 i 480, 486 Association de l’Ecole française, JdT 1967 I 112, résumé) qui a consacré pour la première fois la liberté de la langue comme droit constitutionnel non écrit (actuellement il est inscrit à l’art.18 Cst.féd.) mais également le principe de la territorialité comme restriction à cette liberté. Cf. également Le quadrilinguisme en Suisse —présent et futur— publication du Département fédéral de l’Intérieur, Berne, 1989, p. 132.

    [10] . rfj 2001, p. 136 consid. 3a.

    [11] . Nous n’abordons pas ici les garanties offertes, en matière linguistique, par les instruments de droit international comme par ex. l’art. 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les art. 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ou, pour ce qui est de l’italien et du romanche, la Charte européenne des langues régionales et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.

    [12] . Art. 4 Cst.féd.; Charles-Albert Morand, «Liberté de la langue et principe de la territorialité: variations sur un thème encore méconnu», rds 112/1993, I p. 30 et 33.

    [13] . Le principe de fidélité confédérale est à la base de cette obligation cf. François Dessemontet, Le droit des langues en Suisse, Québec, 1984, p. 89.

    [14] . Cf. n. 9.

    [15] . atf 121/1995 I 196 consid. 2a Noth, JdT 1996 I 136; Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse. Vol. II, Berne, 2000, no 954; cf. également Explications du Conseil d’Etat du canton de Fribourg en vue de la votation populaire du 23 septembre 1990 sur la révision de l’article 21 de la Constitution cantonale (langues officielles) ad III. 3.

    [16] . Marco Borghi, «Langues nationales et langues officielles», in: Daniel Thuerer/Jean-François Aubert/Jörg Paul Mueller (éd.), Droit constitutionnel suisse, Zurich, 2001, § 37, no 33.

    [17] . atf 121/1995 I 196 consid. 2c Noth, JdT 1996 I 136 qui cite Joseph Voyame, «Avis de droit au sujet du nouvel article constitutionnel sur les langues officielles et au sujet de son application dans la législation et dans la pratique», dans: Bulletin du Grand Conseil du canton de Fribourg, bgc 1992, p. 2833; cf. également Rapport de la Commission d’étude pour l’application de l’article 21 de la Constitution fribourgeoise sur les langues officielles, octobre 1993, p. 15 (Rapport Schwaller).

    [18] . atf non publié du 22 janvier 1997 dans la cause Bruni et Harnisch, 2P/211/1996, consid. 4 a (Affaire de Cressier).

    [19] . On retrouve cette même idée d’encouragement à la compréhension et aux échanges entre les diverses communautés linguistiques à l’art. 73 al. 3 de la Constitution fédérale.

    [20] . rfj 2001, p. 132.

    [21] . rfj 2001, p. 137 consid. 3b; l’atf 122 précité Althaus a été traduit in JdT 1998 I 66; il concerne une élève de langue française domiciliée dans une commune germanophone du canton de Berne, aux alentours de la ville bilingue de Bienne et a inspiré les juges fédéraux dans l’affaire de Granges-Paccot. Sur le droit des langues dans le canton de Berne cf. Saladin/Nuspliger/Gerber, «Minorités —Jura bernois— Langues» in: Manuel de droit constitutionnel bernois, Walter Kaelin/Urs Bolz (éd.), Berne, 1995, p. 17ss. Borghi (op. cit. § 38, no 25, n. 41) relève également la volonté du constituant bernois d’opter «pour une approche plus souple du principe de la territorialité».

    [22] . Cf. Rapport final de la Commission 1 du 20 décembre 2001 soumis à la Constituante le 23 mars 2002. Depuis lors, la territorialité des langues a expressément été réintroduite dans l’avant-projet de Constitution du canton de Fribourg, (art. 7 al. 2) actuellement en consultation (du 11 avril au 11 juillet 2003).

    [23] . Selon le sociolinguiste canadien Laponce, la territorialité des langues a pour but d’empêcher le chevauchement des langues «qui est toujours à l’avantage de la langue dominante». Cf. Jean A. Laponce, Langue et territoire, Québec, 1984, p. 166.

    [24] . Dans ce sens déjà Fleiner (Fritz) dans un avis de droit repris dans un arrêt non publié, mais souvent cité, du 3 juin 1932 Zähringer c/ Conseil d’Etat du canton du Tessin consid. III 4 c p. 15; cf. également Emile Thilo, «Note sur l’égalité et sur l’usage des langues nationales en Suisse», JdT 1941 I p. 258, 275.

    [25] . Cf. notamment Christine Marti-Rolli, La liberté de la langue en droit Suisse, Zurich, 1978, p. 41; Rudolf Viletta, Grundlagen des Sprachenrechts, Zurich, 1978, p. 343 ad 6; Joseph Voyame, «Avis de droit au sujet du nouvel article constitutionnel sur les langues officielles et au sujet de son application dans la législation et dans la pratique», in: Bulletin du Grand-Conseil du canton de Fribourg, bgc 1992, p. 2827; Iso Cammartin, «Les relations entre les quatre régions linguistiques», in: La Suisse aux quatre langues, Genève, 1985, p. 263.

    [26] . La langue est un des fondements de l’identification d’une communauté et la connaissance de la langue de celle-ci est un élément essentiel pour en devenir membre à part entière, cf. dans ce sens Aurelio Argemi, «Les droits linguistiques à la frontière des droits des peuples», in: Les minorités en Europe, Paris, 1992, p. 479, 483.

    [27] . atf 100/1974 Ia 462, (469) Derungs, JdT 1976 i 568. Cf. également l’opinion de Antoni Milian i Massana, selon laquelle «C’est à l’école —bien plus qu’au sein de la famille— que (les langues) sont apprises et perfectionnées —on y apprend la lecture et l’écriture— et les cours sont nécessairement transmis au travers d’une ou de plusieurs langues» in: «L’intervention des pouvoirs publics dans les déterminations linguistiques relatives à l’enseignement, Modèles et limites», in: Droit et langue(s) d’enseignement, Publication de l’Institut du Fédéralisme, Fribourg, 2001, p. 17.

    [28] . Joseph Voyame, «Avis de droit au sujet du nouvel article constitutionnel sur les langues officielles et au sujet de son application dans la législation et dans la pratique», in: Bulletin du Grand-Conseil du canton de Fribourg, bgc 1992, p. 2848.

    [29] . Cour eur. d. h. arrêt Affaire relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique du 23 juillet 1968, série A, n° 6, p. 34.

    [30] . Notons que le Tribunal fédéral dans son arrêt de 1965 avait refusé également cette possibilité de fréquentation d’une école privée aux enfants francophones de Zurich in atf 91/1965 480, Association de L’Ecole française, JdT 1967 I 112, possibilité qui n’est plus contestée aujourd’hui par la doctrine.

    [31] . atf 106/1980 Ia 299 consid. 2 b)bb) Brunner, JdT 1982 I 236; atf 121/1995 I 196 consid. 3b Noth, JdT 1996 I 136; Extraits 1943, p. 196; 1958, p. 143; 1963, p. 56; rfj 1992, p. 258; 1994, p. 324; 1999, p. 263 et 283. La langue de la procédure que ce soit en matière civile, pénale ou administrative est le français dans le district de la Sarine, l’article 45 alinéa 1er, lettre a, du Code de procédure pénale (cpp) le mentionnant d’ailleurs expressément; sur la langue de la procédure civile cf. Alexandre Papaux, «La langue judiciaire en procédure civile fribourgeoise», rfj 1999, p. 1ss; sur la langue de la procédure pénale cf. Damien Piller/Claude Pochon, Commentaire du Code de procédure pénale du Canton de Fribourg du 14 novembre 1996, Fribourg, 1998, ad 45.5 et 45.6; André Schoenenweid, «Introduction au nouveau code de procédure pénale», rfj 1997, p. 1, 18ss; Denis Loertscher, «A propos de la langue de la procédure pénale dans le district de la Sarine (note)», rfj 1994, p. 328; Alexandre Papaux, «Les droits linguistiques du prévenu», JdT 1996 I 16ss, 25; en procédure administrative cf. Denis Loertscher, «La nouvelle procédure administrative fribourgeoise», rfj 1992, p. 101. Par contre, le statut linguistique de la ville de Fribourg, chef-lieu du district francophone de la Sarine et également capitale du canton bilingue de Fribourg, est controversé: pour les autorités administratives la ville de Fribourg est bilingue (rfj 1993, p. 208) alors que pour les juridictions pénales et civiles, elle est francophone avec un statut particulier (notamment: Extraits 1958, p. 143 et rfj 1994, p. 324). L’avant-projet de révision de la Constitution fribourgeoise actuellement en consultation prévoit un statut bilingue pour la ville de Fribourg, et ceci contre la volonté, semble-t-il, des autorités politiques de cette cité (art. 6 al. 1).

    [32] . Réponse du Conseil d’Etat du 19 septembre 1989 à la motion Nicolas Deiss demandant la création d’une section allemande au Tribunal de la Sarine, bgc 1989, p. 1697 ad.1.1.2.2 et 1698 ad 2.

    [33] . Les résultats du recensement 2000 ont légèrement accentué le pourcentage de la population francophone puisque sur les 85’465 habitants de ce district 64’341 sont franco- phones (75.28 %), 12’373 sont germanophones (14.47 %) et 8’751 parlent une autre langue dont 937 l’espagnol.

    [34] . Pour la commune de Granges-Paccot on comptait en 1990, 1’695 habitants dont 1’153 de langue française (67.90 %) et 330 de langue allemande (19.47 %); le recensement de l’an 2000 indique sur 2’042 habitants, 1’552 francophones (76 %) et 304 germanophones (14.88 %); pour une analyse de l’histoire linguistique de cette commune cf. Georges Andrey, «Principe de l’historicité, Application à quelques communes fribourgeoises», in: Bulletin de la Communauté romande du pays de Fribourg, No 16, juin 1991, p. 8ss.

    [35] . rsf 411.0.1.; atf 125/1999 I 347 consid. 5c, JdT 2001 I 592: «En application du principe de la territorialité, la langue d’enseignement dans les écoles publiques est la langue officielle du cercle concerné: la liberté de la langue ne confère en principe pas aux minorités linguistiques un droit à un enseignement dans la langue maternelle.»

    [36] . rsf 411.0.11.

    [37] . Le projet de loi scolaire du 17 mai 1983 prévoyait à son article 10 que: «Lorsque la fréquentation de l’école d’un autre cercle scolaire est autorisée pour des raisons de langue, la gratuité n’est assurée que si l’élève a son domicile ou sa résidence habituelle dans une commune située à la frontière des langues» (bgc 1984, p. 365 et 396). A la suite des vives critiques de certains députés du Grand Conseil (bgc 1984, p. 1657 ss), le Conseil d’Etat a abandonné la notion de communes situées à la frontière des langues (bgc 1985 p. 852ss) et le législateur a adopté le texte actuellement en vigueur. Le Commissaire du Gouvernement a expliqué la proposition de l’exécutif comme suit: «La volonté, le souci du Conseil d’Etat étaient de vous présenter une disposition qui protège l’une et l’autre des communautés, qui soit conforme à l’esprit fribourgeois en cette matière, qui respecte naturellement la constitution fédérale, quitient compte du débat qui a eu lieu en première lecture ici même, qui tient compte aussi de la sensibilité qui s’est fait jour par la suite, qui trouve une large majorité et qui soit acceptable pour les deux communautés [...]. Les communes décideront donc de la gratuité, si vous le décidez aujourd’hui, en cas de changement de cercle scolaire pour des raisons de langue. Elles ne seront d’ailleurs pas libres dans leurs pouvoirs d’appréciation, puisqu’elles devront respecter les principes écrits et non écrits de la constitution fédérale, à savoir la liberté de la langue, le principe de la territorialité, le droit à une scolarité gratuite suffisante, le principe de la bonne foi.» (bgc 1985, p. 852-853).

    [38] . Consid. 4 c qui cite également l’atf 122 I 236 concernant le canton de Berne.

    [39] . Cette disposition appelée clause universelle dans la mesure où elle bénéficie aux personnes venant du monde entier, une fois qu’elles ont acquis la citoyenneté canadienne, s’applique en fait dans les neuf provinces anglophones mais n’est pas encore en vigueur au Québec cf. José Woehrling, «La Constitution du Canada, la législation linguistique du Québec et les droits de la minorité anglo-québécoise», in: Minorités et organisation de l’Etat, Bruxelles, 1998, p. 560, 605.

    [40] . Cette clause est en conflit avec l’article 73 de la Charte québécoise de la langue française qui réserve aux parents ayant reçu l’enseignement au Québec (et non au Canada en général) cette possibilité.

    [41] . Sur ces questions cf. également Pierre Foucher, «Les droits linguistiques en matière scolaire» in: Michel Bastarache, Les droits linguistiques au Canada, Montréal, 1986, p. 273ss; Patrice Garant, Droit scolaire, Cowansville (Québec), 1992, p. 101ss.

    [42] . atf 91/1965 480, Association de L’Ecole française, JdT 1967 I 112.

    [43] . atf 100 Ia 462, Derungs, JdT 1976 I 568.

    [44] . Ce pourcentage de 30-33 % a été avancé dans un avis de l’Office de la législation du canton de Fribourg du 16 octobre 1973 cité dans l’arrêt Brunner. L’article 49 alinéa 1er de l’ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 prévoit également ce critère numérique dans ces termes: «En ce qui concerne les communes où l’on parle deux langues, il faut choisir la langue parlée par la majorité des habitants. Si le nom d’une localité est écrit différemment dans deux langues, l’avers du panneau de la localité portera les deux orthographes, dans la mesure où la minorité linguistique représente au moins 30 pour cent des habitants.»

    [45] . atf 106/1980 Ia 299 Brunner, JdT 1982 I 236.

    [46] . atf 121/1995 I 196 consid. 4c) Noth, JdT 1996 I 136.

    [47] . atf non publié du 22 janvier 1997 (2P.211/1996) Cressier cf. n. 17.

    [48] . atf 122/1996 I 236 Althaus, JdT 1998 I 66.

    [49] . atf 122/1996 I 236 consid. 4 d)cc) Althaus, JdT 1998 I 66.

    [50] . Consid. 2 d.

    [51] . atf 122/1996 I 236 consid. 2 d Althaus; 125/1999 I 347 consid. 5, JdT 2001 I 592.

    [52] . «En revanche, dans les régions bilingues ou plurilingues, on peut déduire de la liberté de la langue un droit à un enseignement dans une des différentes langues tradition- nelles, dans la mesure où cela ne constitue pas une charge disproportionnée pour la collectivité.» (125/1999 I 347 consid. 5, JdT 2001 I 592). Or, dans l’affaire Amrein, ni la commune de Granges-Paccot, ni le district de la Sarine ne sont bilingues.

    [53] . jaac 59/1995, n. 58; atf 125/1999 I 347 consid. 6, JdT 2001 I 592.

    [54] . atf non publié du 1er février 1979 consid. 4 (P 293/78) Courgevaux.

    [55] . On pense ici par exemple à l’enfant ayant suivi toute sa scolarité en allemand dont les parents viennent s’établir dans une commune francophone à la frontière des langues une année avant son passage au cycle d’orientation.

    [56] . atf 122/1996 I 236 précité consid. 2 e.

    [57] . Michel Rossinelli, «Territorialité, liberté de la langue et protection des minorités linguistiques nationales en Suisse», in: Bulletin de la Communauté romande du pays de Fribourg, n° 8, 1988, p. 18. On retrouve cette même distinction dans une décision du Comité des droits de l’homme qui a refusé d’admettre le grief de violation de l’art. 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en faveur de la minorité anglophone du Québec parce que les anglophones sont majoritaires au niveau de l’Etat canadien (affaire Ballantyre, Davidson et McIntyre, Communications No 359/1989 et 385/1989); cf. à ce sujet, Giorgio Malinverni, «La Suisse et la protection des minorités», Kaelin/Malinverni/Nowak, La Suisse et les Pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, Bâle/Bruxelles, 2ème éd., 1997, p. 246 et 627.

    [58] . Michel Rossinelli, op. cit. cf. n. 51, p. 19.

    [59] . Partant, il n’ouvre pas la voie du recours de droit public; cf. atf non publié du 4 mars 1993 consid. 2 (2P.51/1992) Rodi Jaquier; contra Rudolf Viletta, Grundlagen des Sprachenrechts, Zurich, 1978, p. 324.

    [60] . Par exemple l’article 14 de La Constitution espagnole du 27 décembre 1978 qui ne mentionne cependant pas expressément la langue.

    [61] . atf 118 Ia 2 notamment. En matière de droit des langues cf. sur cette question An- toni Milian i Massana, Droits linguistiques et droits fondamentaux en Espagne, op. cit., p. 569; Enoch Albertí Rovira, «El régimen de doble oficialidad y los derechos y deberes lingüísticos», in: Estudios jurídicos sobre la Ley de política lingüística, Barcelona, 1999, p. 77, 95.

    [62] . B. de Witte, «Linguistic Equality. A Study in comparative Constitutional Law», in: Revista de Llengua i Dret, 1985, p. 43, 44.

    [63] . Par exemple le canton de Berne cf. atf 122/1996 I 236 Althaus, JdT 1998 I 66.

    [64] . Selon un sondage effectué par l’Institut de recherches GfS à Zurich, daté du 2 novembre 2002, près d’un tiers des Romands (29 %) ne regretterait pas que la Suisse romande se sépare de la Suisse alémanique cf. Le Temps du mercredi 13 novembre 2002, p. 36.

    [65] . Notamment Andreas Auer, «D’une liberté non écrite qui n’aurait pas dû l’être: la “liberté de la langue”», ajp/pja 1992, p. 955; André Grisel, «Les droits constitutionnels non écrits», in: Festschrift für Ulrich Häfeli, Zurich, 1989, p. 69; pour un résumé des motifs qui plaident pour une non-reconnaissance de la liberté de la langue cf. également Charles-Albert Morand, op. cit. p. 11ss.

    [66] . Michel Rossinelli, «Protection des minorités linguistiques et révision de l’article 116 de la Constitution fédérale», in: Législation d’aujourd’hui, 1991, n° 1, p. 44, 53.

    [67] . Ces critères, en particulier le critère numérique, ont été examinés dans l’arrêt non publié du 22 janvier 1997 Cressier précité, consid. 4a cf. n. 17. Cf. également Joseph Voyame, «Avis de droit au sujet du nouvel article constitutionnel sur les langues officielles et au sujet de son application dans la législation et dans la pratique», in: Bulletin du Grand Conseil du canton de Fribourg, bgc 1992, p. 2813; Alexandre Papaux, «Théorie et pratique des autorités judiciaires plurilingues en Suisse. Langues judiciaires et connaissances linguistiques requises des juges», in: La Administración de justicia en un estado plurilingüe, Madrid, 1999, p. 17ss, 22 et n. 20.

    [68] . Sur cette question cf. Barbara Wilson, La liberté de la langue des minorités dans l’enseignement, Bâle, 1999, p. 48ss. Art. 27 al. 2 a Cst. féd.

    [69] . Rapport sur l’activité du Tribunal administratif et sur l’état général de la juridiction administrative pour l’année 2001, p. 10, ad II.B.

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