Réflexions sur l'apprentissage du français en vallée d'aoste

AutorIrene Jache
CargoProfessora de llengua i literatura francesa
Páginas147-150

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Je représente* ici les membres du Centre Pédagogique de coordination pour l'enseignement de la langue française en Vallée d'Aoste qui a cessé de fonctionner.1

Au bout de sept ans d'activités, de discussions, d'échanges, de tentatives, bref d'expérience, nous avons estimé qu'il était de notre devoir de présenter, à l'pccasion de cette Rencontre, quelques réflexions non pas sur tous les problèmes approfondis au cours de ces années, mais au moins sur notre conception de l'apprentissage du- français en Vallée d'Aoste, en livrant en vrac quelques éléments que nous jugeons importants, voire fondamentaux, et susceptibles de trouver une réalisation au Vallée d'Aoste.2

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A notre avis, l'apprentissage du français ne se réalise pas seulement par l'étude de la langue française mais surtout par une étude en français; cependant nous ne considérons pas ici le problème très actuel de nos jours de l'enseignement de quelques matières en français: nous nous bornons au français en tant que matière d'enseignement. Nous estimons en effet que l'apprentissage d'une langue se concrétise par la réalisation de projets authentiques qui engagent l'enseignant et ses 'élèves, dont les rôles aient été bien définis, en une action programmée avec des objectifs bien précis et avec la langue française comme moyen de communication.

Ceci dit, j'essaye maintenant d'expliciter cette phrase introductive, lourde de signification, par la formulation de quelques idées essentielles.

— Nous préférons parler d'apprentissage plutôt que d'enseignement, car ces deux mots expriment tout seuls noue idée de base: il ne s'agit pas de transmetre des connaissances aux élèves mais plutôt de les rendre capables de connaître, de savoir, de tirer d'eux des informations.

— Il en découle donc la centration de l'action éducative sur les apprenants: le centre n'est plus l'enseignant, ni les moyens d'enseignement, mais c'est l'élève.

— D'autre part, apprendre c'est aussi agir, «faire des choses» et non les subir.

— Il est donc évident que le rôle des enseignants et des enseignés change, que le schéma de la communication à l'intérieur d'une classe varie, que les activités ne seront plus seulement collectives (groupe classe) ou individuelles, mais aussi d'équipes et qu'elles auront de plus en plus des aspects interdisciplinaires.

— Il va sans dire que le problème de la motivation est au premier plan, non seulement pour les élèves mais aussi pour les enseignants. Seul l'enseignant «motivé», enthousiaste, qui croit en ce qu'il fait et en ses élèves, qui est toujours à la recherche de solutions possibles, a quelque chance de réussir. Les élèves, eux, ne sont peut-être pas tellement touchés par les grandes motivations, la plupart ont des difficultés à accepter le français pour des raisons historiques et politiques, beaucoup ne se laissent pas non plus influencer par des raisons géographiques ou pratiques (voisinage avec Pays francophones, tourisme...); ils peuvent cependant se laisser impliquer par de «petites motivations»: rapports interpersonnels positifs avec l'enseignant, techniques d'apprentissage variées, arguments de travail actuels et «sentis», implication dans les projets et dans les phases pédagogiques les plus importantes (ex. l'évaluation), etc.

— Nous sommes aussi convaincues qu'un apprentissage ne se réalise pasPage 149seulement à travers, la «souffrance», mais aussi et surtout par la joie, l'enthousiasme et la sérénité.

— Quand nous parlons de projet, nous entendons par là l'intention de réaliser une activité authentique programmée. Il va sans dire que les élèves doivent être concernés, à différents niveaux évidemment, dans les différentes phases du plan en question: de l'élaboration du projet et de ses objectifs, aux moyens pour le réaliser, aux techniques à utiliser, aux vérifications intermédiaires et finales, etc. Nous sommes bien conscientes que l'authenticité en classe est chimérique ou quasi — impossible, c'est pourquoi nous en concevons deux aspects qui, d'après nous, peuvent se compléter et remplacer un concept absolu et trop rigide.

D'un côté nous appelons «authentique» toute activité de simulation (théâtre, jeux de rôle, dramatisation, etc.) de l'autre toute activité concernant la vie même de la classe (prises de décision sur des problèmes de l'école, sur des choix à faire; organisation d'une promenade qui s'effectuera réellement, etc.).

Un même type d'activité peut donc avoir lieu tantôt sous le premier aspect tantôt sous le second. Pour mieux clarifier: un débat peut s'organiser pour simuler une émission de la télé, mais aussi pour discuter de requêtes réelles à présenter au conseil de classe.

Dans les premières classes de l'Ecole Elémentaire il s'agira évidemment de projets très simples permetrant soit la participation active des élèves à la définition du plan de travail soit l'utilisation de la langue dans des situations vécues où il est possible'de privilégier les éléments non verbaux de la communication (mimique, gestes, intonation). D'ailleurs, il ne faut pas négliger le type de travail réalisé à l'Ecole Maternelle ces dernières années, qui sera favorisé par l'application des articles 39 et 40 du Statut.

— En ce qui concerne l'organisation des apprentissages et de la classe, nous envisageons un travail cyclique avec quatre phases:

1) Motivation et liberté (authenticité des situations, moments longs et non directifs, etc.); 2) Structuration (systématisation des apprentissages, moments courts et très directifs...); 3) Contrôle (évaluation des connaissances et des activités, approfondissement de certains aspects...); 4) Remise en circulation (enrichissement des activités du n. 1 par les nouvelles acquisitions et reprise du cycle).

— Un côté qui nous paraît fondamental lors de la structuration d'activités de motivation, c'est la perspective de déboucher sur des situations extra-école, de viser à un public réel, de travailler donc pour quelqu'un. Comme par exemple préparer un spectacle à l'intention d'un public, participer à un concours proposé dans un journal, etc. C'est aussi laPage 150possibilité d'instaurer des liens avec d'autres personnes en vda ou à l'étranger, de faire des séjours plus ou moins longs en pays francophone.

- Si l'enseignant de langue tient compte des principes que nous venons de souligner, le français ne sera plus une matière à part, un apprentissage isolé et vide, mais l'une des langues de communication possibles, une langue non strictement scolaire mais ayant des fonctions réelles d'établir des contacts, d'exprimer des sentiments et des jugements, de présenter des argumentations, de recevoir ou de donner des informations, etc.

• Une conception de ce genre présuppose l'acquisition d'une compétence de communication au sens le plus large, à savoir l'adéquation des messages à la situation de communication en variant les registres et les niveaux de langue: on ne s'exprime pas de la même façon avec un copain ou avec un supérieur, dans la rue ou au cours d'un débat à la télé, à l'oral ou à l'écrit...

Ce qui ne signifie absolument pas que la compétence purement linguistique soit négligée.

La grammaire et l'orthographe ont bien sûr leur rôle, mais il doit être assujetti aux exigences de la communication. Trop souvent elles ont une fin en soi, elles risquent de devenir un ensemble d'exercices artificiels sans but. Nous nous rendons bien compte qu'il n'est pas du tout facile de concilier grammaire, orthographe, phonétique, actes de communication, contenu et aspects thématiques, etc. C'est donc là qu'intervient un aspect du grand problème de la formation des enseignants.

D'ailleurs nous sommes persuadées que rien n'est possible sans formulation d'objectifs, sans programmation, sans vérifications périodiques.

Mais, en ce qui concerne l'école secondaire, les enseignants de toutes les matières devront être impliqués dans ce processus de rénovation: faire classe différemment, croire en des principes innovateurs, sont l'affaire de tout un conseil de classe et non d'un enseignant isolé.

Il est vrai que la mise en pratique des principes exprimés plus haut demande beaucoup de choses de la part de l'enseignant; c'est pourquoi, si on le laisse tout seul, il risque de se décourager. Mais, et c'est lapalissien, c'est aussi et surtout au niveau des autorités qu'il faut prendre conscience de tous les grands problèmes de l'école et qu'il faut se fixer des objectifs, faire une programmation et prévoir des vérifications.

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* Aquest treball forma part del llibre Verso una educazione interlinguistica e transculturale, a cura de Giuliana Mazzotti, Milà, Marzorati Editore, 1984, i el repro-duïm amb la corresponent autorització.

[1] Le cpef (Centre Pédagogique de coordination pour l'enseignement de la langue française en Vallée d'Aoste) a été constitué en 1975, sur proposition de l'Assesseur à l'instruction publique Maria Ida Viglino, par la délibération de la Junte régionale n. 4980. Il a cessé de fonctionner le 9 septembre 1982 à la suite de la création de PI.R.R.S.A.E., institut régional de recherche, d'expérimentation et de recyclage éducatifs pour la Vallée d'Aoste. Il a eu comme finalités: la coordination de l'enseignement du français entre les différents types d'école, la formation des enseignants, et la création d'un centre de documentation riche et varié.

[2] La Vallée d'Aoste présente une situation linguistique très complexe. La langue italienne et la langue française sont les deux langues officielles mais il existe aussi le franco-provençal, le walser et de nombreux dialectes italiens. Le Statut Spécial de la Région prévoit un nombre égal d'heures pour l'enseignement de la langue italienne et de la langue française, la possibilité d'enseigner quelques matières en français — une commission a été nommée à ce sujet—, l'adaptation des programmes nationaux aux nécessités locales (articles 39 et 40). Le français a été introduit depuis quelques années dans les écoles maternelles régionales.

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