Petit inventaire des métaphores de la frontière à la lisière du mexique et des etats-unis

AutorLise Demeyer
Páginas425-435
Le concept de frontière est fluctuant à travers les siècles et dans les diffé-
rentes langues mais naît toujours de la violence de la domination d’un peuple
sur un autre, à l’image de la lutte fratricide et transgressive de Remus et Ro-
mulus. Romulus trace une limite autour du mont Palatin, Remus la traverse.
En s’imposant comme limite arbitraire et en invitant conjointement au passage,
le double versant intrinsèque de la frontière est établi dans la légende romaine
grâce à la présence de ces deux frères. Chez les Grecs d’abord, celle-ci est un
front pionnier, avant de s’établir par la suite comme la limite de la souverai-
neté d’un empire, puis d’un Etat. Chez les Romains, le culte de Terminus,
dieu des confins, et celui de Janus, dieu de la porte et du seuil, indiquent la
bipolarité du concept même de frontière.
Pourtant, si le choix de son tracé, forcément arbitraire, reste un stigmate
chez le peuple opprimé, Régis Debray dans l’Eloge des frontières, ne peut que
remarquer son caractère nécessaire et universel. Ce n’est pas sa présence en
soi mais bien sa militarisation et son unilatéralité qui sont critiquables. Car en
se construisant face à l’autre, c’est un rapport complexe de supériorité/infé-
riorité qui se met en place. Se situer d’un côté ou de l’autre de la frontière
modifie donc profondément l’idée qu’on s’en fait.
En cela, la frontière du Mexique et des Etats-Unis semble en tout point un
cas paradigmatique. Extrêmement longue, elle s’étend sur 3200 kilomètres
des villes jumelles de Tijuana/San Diego à l’ouest à Matamoros/Brownsville
à l’est. Et si cette idée de frontière a toujours été l’obsession des grandes na-
tions expansionnistes, ici, l’impérialisme nord-américain conditionne la qua-
lité-même de la ligne par les enjeux économiques, politiques ou identitaires
présents. Depuis le Traité de Guadalupe Hidalgo en 1848, le Mexique a perdu
près des 2/3 de son territoire pour quelques 15 millions de dollars, et la fron-
tière s’est ouverte comme une plaie à vif dans l’imaginaire national. Les
conséquences de ce nouveau tracé arbitraire jeune de 150 ans, marquent
encore les esprits. C’est pour cette raison que Florence Olivier rappelle fort
justement que les frontières sont « un accident de l’histoire » (OLIVIER : 143),
Petit inventaire des métaphores de la frontière à
la lisière du Mexique et des Etats-Unis
Lise Demeyer
H.L.L.I/ Université du Littoral Côte d’Opale
«Lieux de chocs, d’affrontements, de rencontres, de passages,
les frontières, pour naturelles qu’elles soient,
sont toujours une trace géographique de l’Histoire»
(OLIVIER: 84).
24082_ConflictosYCicatrices.indb 425 12/08/14 11:10

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