Les mesures structurelles à la lumière du Règlament 1/2003 et du Règlement 139/2004 : Analyse comparative

AutorFranz Stenitzer
Cargo del AutorAssociate. Freshfields Bruckhaus Deringer, Vienna
Páginas255-302

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1. Introduction

Le règlement 1/20031 donne à la Commission le pouvoir d'obliger les entreprises concernées « à mettre fin » à une infraction aux articles 81 ou 82 CE. À cette fin, elle peut leur imposer « toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale »2. Afin de faire cesser l'infraction aux règles de concurrence et pour rétablir le jeu de la concurrence qui existait avant l'infraction, la Commission peut donc prescrire des mesures comportementales ou structurelles. En outre, le règlement octroie à la Commission le pouvoir de rendre obligatoire, par voie de décision, des engagements de nature comportementale ou structurelle, proposés par les parties, afin de remédier aux préoccupations dont la Commission les a informées. La consécration expresse du pouvoir de la Commission d'adopter de telles mesures correctives est l'une des nouveautés du règlement 1/2003 au regard de l' ancien règlement 17/623.

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En matière de contrôle des concentrations, le règlement 139/20044 permet à la Commission d'autoriser une opération de concentration après que les parties à ladite opération se soient engagées à la rendre compatible avec le marché commun5. Ainsi, la Commission peut décider d'une solution à mi-chemin entre l'interdiction de l'opération - qui ne tient pas compte des éventuels avantages de la concentration -, et une autorisation inconditionnelle. Tout comme dans le cadre du règlement 1/2003, les engagements peuvent être de nature structurelle ou comportementale.

Avant d'entrer plus avant dans l'analyse, il convient de procéder à deux clarifications :

Les règlements 1/2003 et 139/2004 distinguent deux catégories de mesures : les mesures structurelles et les mesures comportementales. Les mesures structurelles modifient la structure même d'une entreprise. Elles modifient la répartition de droits de propriété et créent de nouveaux opérateurs économiques ou renforcent la position d'opérateurs existants6. Ainsi, elles limitent les incitations des entreprises en cause à enfreindre les règles du droit de la concurrence7. Entrent dans cette catégorie, par exemple, la dissolution complète d'une entreprise et le désinvestissement de certains actifs.

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Á la différence des mesures structurelles, les mesures comportementales ne touchent pas à la structure de l'entreprise en question. Elles lui imposent certains comportements. Ainsi, l'autorité de concurrence peut imposer à l'entreprise concernée de s'abstenir ou d'adopter un certain comportement, tel que la vente d'un produit à des conditions non discriminatoires8.

Une catégorie à part est constituée, dans ce contexte, par les licences obligatoires de droits de propriété intellectuelle. Celles-ci peuvent être perçues comme des mesures structurelles puisqu'elles modifient la structure du marché en ouvrant celui-ci à un nouvel opérateur. D'un autre côté, l'obligation d'octroyer une licence à un concurrent impose un certain comportement à l'entreprise concernée. Cette mesure peut donc également être rangée dans la catégorie des mesures comportementales9.

La seconde clarification concerne la distinction entre, d'une part, les décisions adoptées sur le fondement de l'article 7 du règlement 1/2003 et, d'autre part, celles adoptées sur le fondement de l'article 9 du règlement 1/2003 et les engagements en matière de contrôle des concentrations. Dans le premier cas, les mesures sont imposées par la Commission de sa propre autorité. Dans le second cas, en revanche, les mesures sont proposées par les parties elles-mêmes.

Cet article a pour objet de procéder à une analyse comparative des mesures structurelles susceptibles d'être adoptées dans le cadre des règlements 1/2003 et 139/2004. Il a pour but d'illustrer les différents points de départ en matière de mise en œuvre des articles 81 et 82 CE et en contrôle des concentrations ainsi que de déterminer les convergences et les divergences entre les deux régimes de mesures correctives. Nous examinerons en premier lieu les bases juridiques des mesures structurelles dans les deux règlements. Puis, nous nous pencherons sur la question du choix des mesures. Nous verrons que la Commission a des préférences tout à fait opposées dans les deux matières. Nous observerons également que la Commission a parfois utilisé les mesures structurelles afin d'accélérer un processus de libéralisation dans des secteurs spécifiques comme l'énergie

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ou les télécommunications. Enfin, il conviendra d'examiner la question des limites matérielles et procédurales des mesures structurelles. Pour ce qui est de l'aspect matériel, nous verrons que l'adoption de mesures structurelles est soumise, dans les deux cas, au respect du principe de proportionnalité. Quant au cadre procédural, nous examinerons le corpus des règles de procédure (souvent non contraignantes) qui a été adopté par la Commission en matière de contrôle des concentrations. Il conviendra de s'interroger sur l'application de ces règles procédurales dans le cadre des articles 81 et 82 CE.

2. La base juridique des mesures structurelles dans les reglements 1/2003 ET 139/2004
2.1. Les mesures correctives structurelles en cas de violation des articles 81 ET 82 CE

En ce qui concerne les infractions aux articles 81 et 82 CE, le règlement 1/2003 prévoit expressément la possibilité d'imposer des mesures structurelles. Une telle consécration expresse ne figurait pas dans l' ancien règlement 17/62.

L'article 7, paragraphe 1, du règlement 1/2003, donne à la Commission le pouvoir d' «imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée a rinfraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l'infraction ».

Comme nous le verrons, le fait d'imposer une mesure structurelle est soumis au respect du principe de proportionnalité. Les mesures imposées en vertu de l'article 7 n'ont pas un objectif de sanction mais constituent un moyen visant à faire cesser l’infraction et rétablir le jeu de la concurrence tel qu'il existait avant celle-ci10.

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Á côté de la possibilité d'imposer des mesures par voie de décision, l'article 9 du règlement 1/2003 prévoit dans son paragraphe 1 que « (l)orsque la Commission envisage d'adopter une décision exigeant la cessation d'une infraction et que les entreprises concernées offrent des engagements de nature à répondre aux préoccupations dont la Commission les a informées dans son évaluation préliminaire, la Commission peut, par voie de décision, rendre ces engagements obligatoires pour les entreprises ».

Le considérant 13 du préambule du règlement 1/2003 précise que « (l)es décisions relatives aux engagements devraient constater qu'il n'y a plus lieu que la Commission agisse, sans établir s'il y a eu ou s'il y a toujours une infraction. Ces décisions sont sans préjudice de la faculté qu'ont les autorités de concurrence et les juridictions des États membres de faire de telles constatations et de statuer sur l'affaire. De telles décisions ne sont pas opportunes dans les cas où la Commission entend imposer une amende».

Á la différence des décisions adoptées sur le fondement de l'article 7, les décisions adoptées sur le fondement de l'article 9 n'ont pas pour objet de constater une infraction aux règles de concurrence.

Afin d'être recevables, les engagements offerts par la ou les entreprises en cause doivent remédier aux préoccupations exprimées par la Commission dans son appréciation préliminaire. Même si l'examen du cas d'espèce n'est pas aussi approfondi dans le cadre de l'article 9 que dans celui de l'article 7 et, même en absence de la constatation d'une infraction aux articles 81 ou 82 CE, les mesures structurelles doivent répondre essentiellement aux mêmes exigences dans les deux cas de figure11.

Ainsi, comme...

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