Legislació estrangera

AutorEscola d'Administració Pública de Catalunya
Páginas196-207

Page 196

Iniciem aquí un nou epígraf destinat a recollir aquelles disposicions, o projectes o proposicions de Llei, d'altres països el coneixement i difusió dels quals ens sembla que pot ser d'interès. Presentem en aquesta ocasió la Proposition de Loi sur la promotion des langues et cultures de France (Diari de l'Assemblea Nacional núm. 2157). Aquesta proposició va ser registrada a la Presidència de l'Assemblea el 17 de maig de 1984.

Page 197

PROPOSITION DE LOI

sur la promotion des langues et cultures de France

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Mesieurs,

Le temps est venu d'un statut des langues et cultures de France qui leur reconnaisse une existence réelle. Le temps est venu de leur ouvrir grandes les portes de l'école, de la radio et de la télévision permettant leur diffusion, de leur accorder toute la place qu'elles méritent dans la vie publique.

En proclamant ainsi «le droit à la différence», en souhaitant que la France cesse d'être «le dernier pays d'Europe à refuser à ses composantes les droits culturels élémentaires, reconnus dans les conventions internationales qu'elle a elle-même signées», François Mitterrand, dans son discours de Lorient du 14 mars 1981, rompait avec une tradition centraliste qui, pendant des siècles, avait appauvri la culture de notre pays en interdisant et en humiliant des langues et des cultures riches d'un patrimoine de portée universelle et douées d'une puissance créatrice vivante. Il se situait dans le prolongement de la pensée démocratique la plus incontestable. Déjà, en 1911, Jean Jaurès avait attiré l'attention sur le profit que tireraient les jeunes Occitans, les jeunes Basques, les jeunes Bretons, d'une connaissance approfondie, inculquée par l'école, de la langue de leur région. Les réflexions de Jaurès étaient reprises par son ami, l'instituteur quercinois, Antonin Perbosc, qui réclamait l'entrée des langues de France dans l'enseignement. Sensiblement au même moment, en Bretagne, des hommes de progrès comme les députés républicains Louis Hemon et Paul Guieysre et le philosophe socialiste Emile Masson défendaient «les droits sacrés d'un peuple à parler sa langue» et demandaient qu'il soit mis fin à la guerre contre la langue bretonne.

Une tradition de répression culturelle

Au fur et à mesure des conquêtes territoriales, les rois ont adjoint au trône installé à Paris des populations parlant une langue différente de celle de la Cour. Le processus d'unification du français, du XIVc au XVIIIc siècle se bâtit autour du parler de l'Ile-de-France. Cette forme linguistique, élaborée par l'institution académique aux XVIIe au xvine siècle est érigée en langue nationale pour la République qui, ayant renié sa vocation fédéraliste originelle, opte pour un centralisme qui mènera droit à l'Empire. Les langues originales, comme le breton ou l'occitan, aussi bien que les dialectes du français, ont été uniformément considérés comme patois, formes aberrantes de

Page 198

langage, à la fois provinciales et populaires, et à ce titre ridicule, grossières, condamnables. L'obligation scolaire, établie à partir des années 1880, a permis une incontestable démocratisation de l'éducation. Mais l'accès à la culture et l'ascension sociale qui y était liée, impliquait une intériorisation, de la part des provinciaux et des enfants du peuple, des préjugés frappant leur langue et leur culture. La pédagogie utilisée jusqu'à une date récente repose sur l'interdiction des langues de France et l'humiliation des enfants dont la langue du foyer n'était pas celle d'une bourgeoisie cultivée.

Les langues de France deviennent des curiosités que l'on peut étudier à l'Université mais, au moment où Frédéric Mistral reçoit le prix Nobel pour une uvre écrite en occitan, les enfants de Provence, comme ceux des autres régions de France dont la langue était différente du français académique, sont soumis à la pratique du symbole ou signe, odieuse sanction contra les élèves supris à parler breton, occitan, basque, etc., qu'un inspecteur primaire de Barcelonnette présentait ainsi en 1893: «Le matin, en entrant en classe, le maître remet au premier élève de la division supérieure un sou marqué d'une croix faite au couteau, ou tout autre signe permettant de le reconnaître. Ce sou s'appelle «le signe». Il s'agit pour le possesseur, pour le «signeur» comme disent les élèves, de se débarrasser du sou en le donnant à un autre élève qu'il aura surpris prononçant seulement un mot en patois».1 Leur inculquant le mépris de leur langue et de leur culture, n'hésitant pas dans ce but à les entraîner à la délation, ce système de répression, largement répandu jusqu'aux années 1950, est responsable du complexe d'infériorité qui a si longtemps pesé sur des centaines de milliers de citoyens français: cette honte de leur langue et de leur milieu social a contribué à créer dans nos régions un vide culturel dommageable en fin de compte à l'ensemble de la Nation.

Le moment est venu, pour l'école, de rénover sa practique et de s'engager dans une voie qui donne toute sa place aux langues et aux cultures auxquelles les populations de notre pays restent attachées. Le ministre de l'Education nationale ouvrait, dès le 20 octobre 1981, les perspectives d'une nouvelle pédagogie: «Tout ce qui a été relégué, voire étouffé de leur passé, de leur culture, de leur langue, doit reprendre ouvertement place dans un environnement familier dont l'école doit apprendre à reconnaître les richesses pour la construction personnelle de chaque enfant»2

Le mûrissement de l'opinion et la décentralisation

Cette ouverture de l'Etat répond à des revendications dont l'impact au sein de la société française n'a cessé de grandir au cours des vingt dernières années. La demande d'une prise en compte des réalités linguistiques et culturelles différenciées est difficile à apprécier en raison d'une carence proprement scandaleuse de la recherche scientifique.

Page 199

Ce mouvement constitue pourtant une réalité majeure de notre société comme de la plupart des sociétés industrialisées. La revendication du droit à la différence exprime une rupture en profondeur avec un modèle de développement hiérarchisé fondé exclusivement sur la langue et la culture qui occupent, en raison de l'histoire, une position dominante dans l'Etat. Les revendications linguistiques et culturelles s'articulent de façon de plus en plus précise sur la recherche d'un pluralisme technologique sur le plan agricole, industriel, énergétique ainsi que sur la modernisation de l'Etat visant, par des dispositions politico-administratives, à valoriser les ressources locales et le potentiel humain de l'ensemble des régions en fonction de leurs besoins, aspirations et projets.

Il serait illusoire de penser que nous sommes en présence d'une résistance notalgique à la disparition de modes de vie locaux ou d'une culture traditionnelle. En Bretagne, par exemple, la disparition progressive de la langue a été essentiellement un détonateur de la prise de conscience de l'existence d'une menace de disparition d'une collectivité pour des raisons d'abord économiques. Ainsi, l'utilisation de la langue bretonne dans les manifestations contre la centrale nucléaire de Plogoff n'a pas été l'expression d'un fait de folklore, mais une donnée nouvelle significative: des Bretons ont parlé à d'autres Bretons dans leur langue d'un problème qui concernait directement leur vie quotidienne et leur avenir. La présence de l'occitan dans les manifestations des viticulteurs languedociens ou dans les luttes des mineurs de Ladrecht revêt une signification analogue, tout comme l'évolution du problème corse.

La prise en compte de cette évolution de la société de notre pays engage à reconsidérer les rapports de la culture et de l'économie à tous les niveaux de la vie sociale et à tous les échelons de la vie nationale. Les dispositions de la présente loi se situent dans la logique de l'effort de décentralisation engagée depuis le début du présent septennat. Les mesures du domaine culturel et spécialement celles destinées à promouvoir les langues et les cultures de France devront être débattues dans des instances groupant les représentants de la vie culturelle et les représentats de la vie socioèconomique, les techniciens de la culture et les techniciens de l'économie.

Une exigence de la démocratie et du droit

La nécessité de rénover en profondeur le fonctionnement de la société de notre pays dans une perspective de décentralisation rejoint un approfondissement de l'exercice de la démocratie qui est fortement perceptible dans l'évolution du droit international.

Ainsi, dès 1961, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adoptait une recommendation qui demandait l'adoption d'un article supplémentaire concernant les minorités dans la Convention européenne des Droits de l'homme et affirmait: «Les personnes appartenant à une minorité... ne peuvent être privées du droit... d'avoir leur propre vie culturelle, d'employer leur

Page 200

propre langue, d'ouvrir des écoles qui leur soient propres et de recevoir l'enseignement dans la langue de leur choix.» La déclaration de Bordeaux, adoptée à l'issue de la Convention du Conseil de l'Europe sur les problèmes de la régionalisation (Bordeaux, 30 janvier-ler février 1978), a souligné l'attention particulière qui doit être portée aux problèmes des langues et cultures minoritaires et régionales et conclut que «la délégation aux institutions régionales de pouvoirs relevant spécifiquement du Gouvernement est la réponse démocratique logique à la réaffirmation des traditions ethniques et culturelles propres à chaque région».

Durant la même période, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, dans son acte final (Accord d'Helsinki, 1975), fait une place à la reconnaissance des droits des langues et cultures minoritaires. Ce texte reprend le principe général de l'article 2 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme en affirmant l'égalité devant la loi «sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion». Mais il va plus loin et prévoit des mesures concernant les «minorités nationales ou cultures régionales».

En France, la proposition de loi constitutionnelle élaborée par la Commission parlementaire sur les libertés, présidée par M. Edgar Faure, fait une place, dans son article 2 au principe du «droit à la différence»: «La République française, une et indivisible reconnaît et protège la diversité des cultures, des murs et des genres de vie. Chacun a le droit d'être différent et de se manifester comme tel». Cet article constitue une version atténuée de la rédaction proposée par M. Alfonsi: «Au sein de la République, une et indivisible, seront garantis les droits au respect des différences, à la diversité des cultures, des murs et des genres de vie. Les réalités ethniques, linguistiques, culturelles seront défendues». Il n'est pas inutile de rappeler que M. Pierre Joxe, défendant cet amendement, a notamment fait valoir que «la diversité des cultures ayant été contestée à une certaine époque par une République très centralisatrice, cette notion devait être clairement explicitée».

Cependant, la France persiste à cette époque dans la logique frileuse de méfiance devant les différences linguistiques et culturelles. Ainsi, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies, ouvert à la signature le 19 décembre 1966 et entré en vigueur en 1976, stipule dans son article 27: «Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun, avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue.» Or, le Gouvernement de M. Raymond Barre, suivi par le Parlement, a assorti l'adhésion de la France d'une «Déclaration interprétative relative à l'article 27 du Pacte international» précisant que «compte tenu de l'article 2 de la Constitution... l'article 27 n'a pas lieu de s'appliquer en ce qui concerne la République». Cette réserve indique clairement le degré de résistance qui s'opposait encore, en 1980, à la reconnaissance de l'existence en France de langues et cultures minoritaires. En effet, cette interprétation de la Constitution est pour le moins discutable puisque l'article 2 invoqué stipule simplement

Page 201

que la République «assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens saris distinction d'origine, de race ou de religion». En réalité, la réserve introduite par cette loi est en contradiction avec les conclusions de la Commission des libertés. Elle repose sur une interprétation de la Constitution qui confond égalité et uniformité, et manifeste la persistance du refus de reconnaître la légitimité des différences régionales et minoritaires.

Cependant, en 1981, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adopte une «recommandation relative aux problèmes d'éducation et de culture posés par les langues minoritaires et les dialectes en Europe» qui souligne «qu'il est très important pour le progrès de l'Europe et de l'idée européenne d'assurer le respect et le développement équilibré de toutes les cultures européennes, et tout spécialement des identités linguistiques». De son côté, l'Assemblée des Communautés européennes a adopté, à une large majorité, toujours en 1981, une résolution très positive sur «une charte communautaire des langues et cultures régionales et sur une charte des droits des minorités ethniques».

Cet ensemble de prises de positions manifeste l'émergence d'une exigence impérieuse de la démocratie, trop longtemps méconnue en France: l'accès à la culture du plus grand nombre dans le respect de la diversité linguistique et culturelle de l'ensemble des citoyens.

Les premières étapes d'une nouvelle politique

Depuis l'adoption, le 11 janvier 1951, de la loi nº 51-46, organisant l'enseignement des langues et dialectes (dite loi Deixonne) un important travail parlementaire a été effectué pour moderniser l'approche de ce problème fondamental de la société de notre pays. De 1958 à 1980, vingt-six propositions de loi ont été déposées par des parlementaires de toute obédience, dont dix l'ont été par des socialistes, six d'entre elles ayant comme signataire principal M. Raoul Bayou, une autre M. Yves Le Foll, et les trois dernières MM. Louis Le Pensée, François Mitterrand et Christian Laurissergues. Les différents gouvernements qui se sont succédés de 1958 à 1981 ont systématiquement refusé d'inscrire à l'ordre du jour des travaux parlementaires ces propositions.

A la veille de l'élection présidentielle de 1981 le Parti socialiste prend une position résolument novatrice qui rompt avec cette attitude de refus systématique. La 56e des 110 propositions por la France indique que «la promotion des identités régionales sera encouragée, les langues et cultures minoritaires respectées et enseignées». Le 6 juin 1981, le Premier ministre confirme cet engagement en déclarant, dans son discours de Nantes: «Nous prendrons des mesures concrètes pour permettre une juste expression des langues et cultures régionales dans l'enseignement, l'éducation permanente, les activités culturelles, loisirs et jeunesse, dans les programmes de radio et de télévision, dans les multiples secteurs de la vie administrative». Dès le 6 août 1981, le ministre de la Culture confie à M. Giordan, maître de recherche au C.N.R.S., une mission d'étude et de propositions afin d'«amorcer rapidement

Page 202

une politique de promotion des cultures régionales et minoritaires». Cette mission débouchera sur la publication en février 1982, d'un rapport qui inspirera l'action du ministère de la Culture dans le soutien d'un certain nombre d'initiatives sur l'ensemble du territoire.

Le 21 juin 1982, le ministre de l'Education nationale définit par circulaire un ensemble de mesures concernant Y enseignement des cultures et langues régionales dans le service public de l'Education nationale» et la réalisation d'un programme d'actions défini pour une période de trois années est amorcée à la rentrée de 1982.

Cette action de deux des principaux ministères concernés par le problème s'articule avec les dispositions de l'uvre de décentralisation. La loi du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région de Corse stipule que le «conseil de la Culture, de l'Education et du Cadre de vie» se prononce sur «les orientations générales du projet de budget en ce qui concerne l'action culturelle et éducative, notamment pour la sauvegarde et la diffusion de la langue et de la culture corses» tandis que la loi du 30 juillet 1982 sur les compétences prévoit que l'Assemblée de la région de Corse «détermine les activités éducatives complémentaires qu'elle organise et notamment celles relatives à l'enseignement de la langue corse et de la culture corse». La loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle prévoit que les comités régionaux de la communication audiovisuelle donnent des avis sur «les moyens d'encourager la communication sociale et de promouvoir l'identité régionale, dans le respect de ses différentes composantes culturelles, spirituelles, philosophiques et linguistiques». Enfin, la loi du 15 juillet 1982 «d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France» replace la promotion du français langue scientifique «dans le cadre d'une politique générale tendant à l'affirmation de la pluralité des langues et des cultures, et particulièrement de celles, très nombreuses, dont l'existence même est aujourd'hui menacée».

Cet ensemble de dispositions et d'actions constitue incontestablement l'amorce d'une politique novatrice répondant à l'attente des citoyens concernés. Il faut toutefois observer que l'application de ces mesures se heurte à de fortes résistances provenant de l'ignorance et de l'attachement à l'uniformité linguistique et culturelle d'un grande nombre de responsables des divers secteurs corcernés. Ainsi l'application de la circulaire du ministre de l'Education nationale reste très inégale selon les régions, la place des langues et cultures de France à la radio et à la télévision demeure restreinte et les grands organismes de recherche continuent d'ignorer les besoins fondamentaux de connaissance scientifique sereine de ces problèmes. La nécessité d'un texte législatif définissant clairement une politique générale de promotion des langues et cultures de France paraît aujourd'hui indispensable pour mieux coordonner ces premiers efforts dans le cadre d'une politique nationale.

Page 203

Vers la démocratie culturelle et una nouvelle politique linguistique

La prise en compte des langues et cultures de France répond à une avancée qualitative de la démocratie: il s'agit de rompre avec des comportements qui réduisent l'effort de démocratisation de la culture conformément aux mécanismes de l'économie de marché. La démocratie culturelle en garantissant le respect et l'épanouissement de chaque communauté, vise un développement de la dignité de tous les citoyens en accordant une protection prioritaire aux groupes les plus défavorisés. Les langues et cultures de France, dévalorisées, laminées, écrasées par des siècles d'une histoire centralisatrice ont droit à des mesures de «réparation historique» leur permettant de conquérir les moyens d'affirmer leur pouvoir créateur. Une cohésion nouvelle de la nation, fondée sur le respect du droit à la différence, doit être recherchée aujourd'hui, selon la plus authentique tradition républicaine. Pour atteindre ce but les choix sur lesquels repose la présente proposition de loi sont dépourvus de toute ambiguïté:

  1. Il est impératif d'articuler de façon précise une prise en compte des différences linguistiques et culturelles au niveau régional et au niveau national. Les langues et cultures de France historiquement constituées dans leurs territoires ne concernent plus uniquement les populations implantées sur ces territoires: elles sont revendiquées par des communautés qui vivent aujourd'hui sur l'ensemble du territoire national, notamment dans la région parisienne. Il est indispensable de tenir compte de cette réalité sociologique. Par ailleurs, il serait injuste et périlleux de laisser se développer une prise en compte inégale des langues et cultures de France selon les régions: tout en respectant la volonté démocratiquement exprimée dans les régions, la nation doit garantir une satisfaction coordonnée des aspirations des citoyens sous peine de mettre en danger sa cohésion. La République doit garantir l'égalité du développement de toutes les langues et les cultures qu'elle a charge de protéger;

  2. Une politique de promotion des langues et cultures de France ne peut se contenter de répondre parcimonieusement aux revendications des citoyens. Un effort de connaissance doit permettre d'informer largement les populations sur leurs richesses linguistiques et culturelles trop souvent ignorées ou dédaignées par ceux-là même qui en sont les héritiers. Cela suppose qu'un effort doit être réalisé dans le domaine de la recherche scientifique pour assurer à chaque langue et à chaque culture les moyens de la connaissance de ses réalités de la linguistique à l'histoire et à la création littéraire et artistique. Cet effort doit déboucher sur des actions d'information permettant une large diffusion des connaissances auprès du public;

  3. La promotion des langues et des cultures de France ne doit pas aboutir à enfermer celles-ci dans un repliement sur elles-mêmes et sur une valorisation exclusive des leur patrimoine. Il convient de replacer ces langues et ces cultures dans la totalité de la vie culturelle contemporaine, de favoriser les échanges entre elles et avec d'autres cultures en France et hors de France et

    Page 204

    enfin, il est essentiel de mettre l'accent sur le soutien de la création contemporaine pour éviter un enfermement nostalgique sur les vestiges du passé;

  4. L'évolution du monde contemporain incite la France à définir une nouvelle politique linguistique: la reconnaissance et la promotion des langues de France constitue un élément central de cette politique. En effet, le rayonnement de la langue française ne dépend plus de l'élaboration d'une norme contraignante de celle-ci et des efforts prodigués pour l'imposer. Il dépend, de façon plus fondamentale, du rapport que l'on parviendra à établir entre la langue française et les autres langues de France. Un peu partout dans le monde, des peuples attendent que la France donne l'exemple d'une nation garantissant le pluralisme culturel qui en fonde la légitimité. C'est en respectant les différences linguistiques qui la constituent que la France pourra accroître son audience sur ce terrain, au niveau international.

    Sur ces bases, nous vous présentons, Mesdames et Messieurs, une proposition de loi pour assurer la promotion des langues et cultures de France qui précise leur statut au sein de la Nation, garantisse la sauvegarde d'un patrimoine irremplaçable et crée les conditions d'un épanouissement de la connaissance et de la créativité contemporaine dans un esprit de dialogue des cultures largement ouvert.

    C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

    PROPOSITION DE LOI

    Article premier

    L'Etat reconnaît, sur son territoire, le droit à la différence linguistique et culturelle à l'ensemble des individus et des communautés ayant une langue différente du français, langue nationale de la République.

    Ce droit est imprescriptible et inaliénable.

    Art. 2

    L'exercice du droit à la différence linguistique et culturelle concerne les langues de France vivantes: le basque, le breton, le catalan, le corse, le créole, le flamand, l'occitan et les formes du germanique parlées et écrites en Alsace et en Lorraine francique.

    Il concerne également les différences internes de ces langues et celles de la langue française.

    Il s'applique aussi aux langues non territorialisées provenant des immigration anciennes et récentes qui ont enrichi et diversifié la vie culturelle en France.

    Page 205

    Art. 3

    L'ensemble des langues énumérées aux alinéas premier et 2 de l'article 2 est reconnu partie intégrante du patrimoine national. L'Etat garantit aux langues et cultures ainsi reconnues le plein exercice des droits à la recherche fondamentale, à l'enseignement à tous les niveaux, à l'éducation permanente, aux activités culturelles de tout type et leur emploi, à côté de la langue française, dans toutes les formes de la communication et de la vie publique.

    Art. 4

    Tout acte discriminatoire fondé sur l'appartenance ou la non-appartenance à l'une des communautés linguistiques et culturelles visées à l'article 2 est passible des peines édictées par la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme.

    Art. 5

    Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts, soit de combattre le racisme, soit de sauvegarder une langue et une culture de France peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 187-1 et 416 du Code pénal.

    Art. 6

    Il est créé, pour chacune des langues de France énumérées à l'article 2, alinéa premier, un conseil consultatif dont la mission est de proposer aux autorités régionales et nationales les mesures propres à assurer la sauvegarde et le développement de la langue sur le territoire de laquelle il est implanté.

    Il est également créé auprès du Premier ministre, un conseil national des langues et cultures de France ayant mission d'expertise et de proposition dans la préparation et la misse en uvre des mesures concernant leur situation et leur rôle dans la vie culturelle et éducative du pays.

    Art. 7

    L'Etat rend possible en tout point du territoire national l'enseignement des langues et cultures de France et en assure la continuité dans l'ensemble des classes préélémentaires, élémentaires et du second degré de l'enseignement général, technique et agricole, et à l'université.

    Cet enseignement repose sur le volontariat des maîtres et des élèves.

    Page 206

    A cette fin, l'Etat organise la formation des enseignants; il met en place des classes bilingües; dans tous les exàmens et concours, les candidats peuvent faire valoir leur connaissance de la langue de leur région ou d'une autre langue de France enseignée dans l'académie.

    Art. 8

    L'Etat et les divers établissements públics à caractère scientifique culturels et professionnels institués par le titre III de la loi n° 84-54 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur concourent à la promotion des langues et cultures de France.

    Les établissements públics à caractère scientifique et technologique dé-pendant du ministère chargé de la Recherche mettent en ceuvre des actions portant sur les langues et cultures de France dans le cadre d'un programme mobilisateur pluriannuel venant s'ajouter à ceux prévus à l'article 3 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France.

    Art. 9

    L'Etat reconnaít l'usage des langues de France dans les activités culturelles, de création et pour la sauvegarde du patrimoine et du cadre de vie.

    Art. 10

    Conformement aux principes définis par la présente loi et aux objectifs assignés au service públic de la radiodiffusion et de la télévision par l'article 5 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication àudio visuelle, une place importante est réservée aux langues et cultures de France dans les pro-grammes diffusés par les sociétés nationales et régionales de radio et de télévision, en prévotant les ressources financières nécessaires.

    Art. 11

    Outre les attributions visées à l'article 15 de la loi du 29 juillet 1982, la Haute Autorité de l'audiovisuel veille également au soutien des initiatives des différents organismes de radiodiffusion et de télévision des regions de France. Elle rend compte chaque année au Conseil national des langues et cultures de France des réalisations concernant ces langues et cultures. Ce compte rendu est públic.

    Page 207

    Art. 12

    Il est créé un ou plusieurs centres de l'audiovisuel dans chaque région ou ensemble de régions linguistiques, assurant en liaison avec l'Institut national de la communication audiovisuelle, la création et la diffusion de programmes relatifs à la promotion des langues et cultures de France.

    Art. 13

    L'Etat garantit l'usage des langues de France dans les domaines juridique, administratif et dans tous les actes de la vie publique.

    Des décrets en Conseil d'Etat précisent les conditions d'application de cet article notamment en matière de signalisation, de justice, de police et des postes et télécommunications.

    Art. 14

    Il est inséré dans la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française un article 8-1 ainsi rédigé: «les prescriptions et prohibitions énoncées dans la présente loi ne sont pas applicables aux langues de France visées à l'article 2 de la loi n° du sur la promotion des langues et cultures de France».

    Art. 15

    Sont abrogées toutes les dispositions législatives contraires à la présente loi et, notamment, l'article 11 de l'ordonnance n° 45-2113 du 13 septembre 1954 relative à la réglementation provisoire de la presse périodique dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

    Art. 16

    Le taux de la taxe spéciale sur les contrats d'assurances, visée à l'article 1001-6 du Code général des impôts, est majoré à due concurrence pour couvrir les charges résultant de l'application de la présente loi.

    Art. 17

    Le Gouvernement présentera chaque année au Parlement un rapport sur l'application des dispositions de la présente loi.

    ---------------------------

    [1] Correspondance générale de l'Instruction publique primaire, 15 octobre 1983.

    [2] Discours du ministre de l'Education nationale à Montauban, 20 octobre 1981.

VLEX utiliza cookies de inicio de sesión para aportarte una mejor experiencia de navegación. Si haces click en 'Aceptar' o continúas navegando por esta web consideramos que aceptas nuestra política de cookies. ACEPTAR