Le langage juridique dans le domaine de la juridiction du travail. L’exemple franco-allemand

AutorThomas Gergen
CargoFaculté de droit et des sciences économiques de l’Université de la Sarre, Sarrebruck (Allemagne)
Páginas90-103

Mots-clés : droit comparé ; juridiction de travail ; tribunal de travail ; langage juridique ; terminologie juridique.

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I Introduction

Selon l’article 95, alinéa 1 de la Loi fondamentale (Grundgesetz), la République Fédérale d’Allemagne connaît cinq juridictions différentes :

• la juridiction de droit commun (ordentliche Gerichtsbarkeit) qui englobe tous les litiges en matière civile et pénale,

• la juridiction administrative (Verwaltungsgerichtsbarkeit),

• la juridiction fiscale (Finanzgerichtsbarkeit),

• la juridiction du travail (Arbeitsgerichtsbarkeit) et

• la juridiction de la sécurité sociale (Sozialgerichtsbarkeit).

Alors qu’en France le conseil des prud’hommes et le tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS) forment les deux branches de la juridiction sociale, l’Allemagne distingue nettement les deux juridictions du travail et de la sé curité sociale qui travaillent indépendamment l’une de l’autre. Dans notre rapport, nous nous intéresserons à l’organisation, aux compétences et aux procédures judiciaires de la juridiction du travail en Allemagne.

Concernant la juridiction du travail, il y a lieu de mettre en exergue la composition des tribunaux et le statut des juges (I), la procédure judiciaire (II) ainsi que la répartition des compétences (III). Suit finalement une petite conclusion (IV).

Le règlement des conflits du travail en droit allemand est — aussi bien au point de vue du droit matériel (materielles Recht) que des procédures judiciaires (Prozessrecht) — séparé en deux. C’est ce qu’a prévu le code de procédure pour les tribunaux du travail allemand (Arbeitsgerichtsgesetz, ou ArbGG). Ce dernier réserve aux litiges collectifs une procédure judiciaire spéciale, tandis que les litiges individuels sont réglés par la procédure normale aboutissant à un jugement.

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En fonction de l’importance d’un litige individuel, celui-ci pourra être réglé sans implication du tribunal. Ainsi le « conseil d’entreprise » (Betriebsrat), composé des représentants du personnel, peut intervenir et aider à trouver une solution à l´amiable. La loi ne prévoit pas dans ce cas de procédure extrajudiciaire spéciale, ceci n’est en soi pas surprenant, vu que la procédure judiciaire comprend elle-même une procédure de conciliation (Güteverfahren), prescrite par le § 54 ArbGG.

II Composition des tribunaux et statut des juges

La juridiction du travail est, selon l’article 95 alinéa 1 de la Loi fondamentale allemande, une juridiction distincte et à part entière. Elle est organisée sur trois niveaux :

  1. Les tribunaux du travail (Arbeitsgerichte)

  2. Les tribunaux régionaux du travail (Landesarbeitsgerichte)

  3. La Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht).

1. Les tribunaux du travail (§§ 14-31 ArbGG)

Les tribunaux du travail, mis en place par les Länder1, sont exclusivement compétents (ausschließlich zuständig) pour les affaires en première instance. Les litiges sont jugés par les chambres du tribunal. Il s’agit de formations collégiales qui comprennent trois membres : un magistrat professionnel (Berufsrichter) et deux juges non professionnels, ces derniers représentant respectivement les salariés et les employeurs (§ 16 ArbGG).

Le juge professionnel préside la chambre. Il doit avoir suivi des études de droit et accompli le parcours dit normal pour devenir magistrat (Deutsches Richtergesetz). Il est nommé d’après les dispositions des Länder sans que la durée soit fixée.

Par contre, les deux juges non professionnels sont désignés pour cinq ans (§ 20 I ArbGG). Ils ne sont pas élus, mais nommés par l’autorité compétente suprême de chaque Land (oberste Landesbehörde selon le § 20 ArbGG) qui peut être soit le gouvernement du Land, le ministre-président ou le ministre du travail du Land en l’espèce. Ils sont nommés sur les listes (Vorschlagsliste) pro-Page 92posées par les différentes organisations syndicales ouvrières et patronales. L’autorité compétente du travail est tenue de respecter la représentativité de ces dernières. Si la durée du mandat des juges non professionnels est limitée, il reste qu’ils peuvent être renouvelés dans leurs fonctions.

Pour être éligibles, les salariés et employeurs doivent être âgés de 25 ans au moins et exercer leur profession dans le ressort du tribunal (Arbeitsgerichtsbezirk). Personne ne peut être juge non professionnel dans plus d’un tribunal du travail à la fois (§ 21 ArbGG). Bien que le magistrat de carrière préside la chambre, chacune des voix a la même valeur. En cas de désaccord, la décision sera prise à la majorité.

2. Les tribunaux régionaux du travail (§§ 33-39 ArbGG)

Les tribunaux régionaux du travail instaurés par les Länder ont une composition identique à celle des tribunaux du travail : ils sont également organisés par chambres composées d’un magistrat professionnel et de deux juges non professionnels. Ils constituent une juridiction de second degré qui connaît des appels dirigés contre les décisions rendues en première instance.

Les conditions d’éligibilité aux tribunaux régionaux du travail pour les juges non professionnels sont plus exigeantes qu’en première instance : l’âge minimum est de 30 ans, et il doit avoir été juge non professionnel dans un tribunal du travail pendant au moins cinq ans selon le § 37 ArbGG.

3. La Cour fédérale du travail (§§ 40-45 ArbGG)

La Cour fédérale du travail qui siège à Erfurt (en Thuringe), est une des cinq hautes Cours de Justice Fédérales (Bundesgerichte). Elle est constituée de chambres (Senate) composées chacune de cinq membres. Les chambres sont composées de trois magistrats professionnels ainsi que deux juges non professionnels venant respectivement du monde des employeurs et des salariés.

Pour être éligibles, les salariés et employeurs doivent — en plus des conditions précitées — être âgés d’au moins 35 ans et avoir des connaissances et expériences dans la vie active et en matière de droit du travail. Ils sont nommés par le ministre du travail.

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III La procédure judiciaire

La loi allemande portant sur les juridictions de travail connaît dans chacune des trois juridictions deux procédures différentes, deux classifications d´actions en justice : la procédure du jugement (Urteilsverfahren) ainsi que la procédure judiciaire de l’arrêt (Beschlussverfahren) selon les §§ 80-98 ArbGG. La procédure sera déterminée selon la nature du litige (voir §§ 2 et 2 a ArbGG).

1. La procédure du jugement

Cette procédure s’applique dans tous les cas de conflits individuels entre employeurs et salariés. Il peut donc s’agir soit de différends nés au cours de l’exécution du contrat de travail, soit de litiges sur l’existence d’un contrat de travail. Elle s’applique également aux différends postérieurs à la cessation du contrat s’ils se rattachent à celui-ci, notamment ceux qui sont relatifs à la demande de remise de certificat de travail et ceux par lesquels les salariés contestent le bien-fondé de leur licenciement. Les litiges portant sur des dommages et intérêts ayant un rapport avec le contrat de travail sont également réglés selon cette procédure.

Comme en droit commun, chaque partie peut se défendre elle-même en première instance ou se faire représenter par avocat. En général, les parties peuvent se faire représenter par un délégué des organisations syndicales, ouvrières ou patronales. Les juges doivent, le cas échéant, tenir de la non-représentation d’une partie et lui expliquer les problèmes juridiques de façon qu’elle soit en mesure de faire valoir efficacement ses intérêts. Toutefois, devant la Cour fédérale du travail, les parties doivent être nécessairement représentées par un avocat.

Peu importe l’issue de la procédure, chacune des parties aura à supporter ses propres dépens (honoraires d’avocat) en première instance. Ceci diffère sensiblement du droit commun où la règle générale est que le perdant supporte tous les frais et dépens du procès. Théoriquement, le salarié peut assigner (sans l’aide d’un avocat) son employeur devant le tribunal et n’aura, dans le pire des cas (s’il perd le procès), que les frais de justice à payer. Notons à ce propos que les frais de justice sont minimes devant le tribunal du travail de première instance.

En droit commun, le plaignant doit payer une provision pour frais de justice. Le perdant ayant toujours à supporter les frais de justice, ceux-ci seront remboursés au plaignant s´il gagne le procès. Les frais de justice sont calculésPage 94(tout comme les honoraires d´avocat) en fonction de la valeur du litige. En matière du droit du travail, surtout quand il s´agit de litige sur l´existence d´un contrat ou sur l´illégalité et la nullité d´un licenciement, ces frais peuvent être élevés, ce qui a pour conséquence de décourager les plaignants. Pour cette raison et contrairement au droit commun, la partie qui saisit le tribunal n’a pas, en vertu du § 12 ArbGG, à payer la provision. Elle n’aura à prendre en charge ces frais que si elle perd le procès.

La procédure commence par une phase de conciliation (Güteverhandlung). Cette phase, obligatoire, est destinée à rechercher une solution à l´amiable. Elle se déroule devant le président de la chambre du tribunal compétent. Si un compromis n´est pas possible, l´affaire passera à la phase contentieuse (streitiges Verfahren).

La phase contentieuse se déroule devant la chambre du tribunal du travail compétente selon des règles qui correspondent en grande partie à celle des procédures de droit commun. Les parties qui font naître le litige conservent, même pendant la procédure, le pouvoir d’y mettre fin. Elles peuvent donc à tout moment d´un commun accord décider de ne plus poursuivre la procédure ou de conclure une transaction, ceci même contre l’avis du juge.

Les parties doivent fournir toutes les preuves nécessaires et déterminent ellesmêmes l’objet du litige. En étant limité à ce que les parties lui ont présenté, le juge n’a pas le droit de procéder de son propre chef à une instruction du litige. Cependant, le juge peut demander aux parties de donner des précisions concernant certaines questions, et il doit indiquer aux parties les questions de fait ou de droit qui auraient des conséquences sur sa décision.

La chambre du tribunal de travail prend sa décision après une procédure orale. Le jugement doit être motivé.

2. Voies de recours (Rechtsmittel) contre les décisions du tribunal

Le droit allemand connaît deux voies de recours différents selon la juridiction qui a rendu la décision attaquée. Les deux recours sont caractérisés par leur effet dévolutif et suspensif : l’appel (Berufung) et le pourvoi en cassation (Revision).

2.1. L’appel (§§ 64-69 ArbGG)

L’appel (Berufung) est en principe le seul moyen de recours contre un jugement du tribunal du travail.

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Dans certains cas très limités en matière de conventions collectives, il est possible de saisir directement la Cour fédérale du travail par un pourvoi en cassation sans passer par une instance intermédiaire. Cette procédure est alors appelée « saut en cassation » (Sprungrevision). La Sprungrevision du § 76 ArbGG ne permet — comme le pourvoi en cassation — qu’un contrôle du jugement en droit. Il n´est plus possible d´introduire de nouveaux faits ou faire contrôler les faits constatés par le tribunal du travail.

L’appel permet au tribunal régional du travail de contrôler aussi bien le droit que les faits. Le contrôle des faits reste cependant restreint. Avant la réforme du Code de la procédure civile allemande en 2002, les parties pouvaient introduire de nouveaux faits en seconde instance. Afin de soulager les tribunaux, cette possibilité est désormais strictement limitée. En principe, l’énoncé des faits dans le jugement du tribunal du travail (donc en première instance) lie les juges du tribunal régional du travail (§ 64 IV ArbGG). Ceux-ci vérifient seulement si le tribunal du travail a instruit les faits conformément à la loi et si la loi a été correctement appliquée par les juges du fond.

L’appel est possible dans les quatre cas suivants (§ 64 II ArbGG) :

  1. Le jugement du tribunal du travail permet expressément l’appel ;

  2. La valeur de l’objet du recours est supérieure à 600 Euros ;

  3. Les litiges concernant l’existence du contrat de travail, quelle que soit leur montant ;

  4. Dans certains cas très limités, contre un jugement rendu par défaut.

Dans certains cas, le tribunal du travail est obligé d’autoriser le recours en appel (§ 64 III ArbGG) :

— C’est le cas lorsque le contentieux a une portée générale et lorsque la décision n’a pas seulement des effets sur les parties elles-mêmes, mais aussi des conséquences juridiques ou économiques pour d’autres personnes ; par exemple, quand le tribunal du travail doit statuer sur une question juridique complexe qui n´a pas encore été tranchée par la jurisprudence.

— Le litige entre des parties signataires d’une convention collective.

— Le litige concerne l’interprétation d’un accord collectif applicable au-delà du domaine de compétence territoriale du tribunal du travail.

— Quand le tribunal du travail, en interprétant une norme juridique, choi-Page 96sit de ne pas suivre la jurisprudence de juridiction supérieure ou un jugement déjà rendu concernant l’une des deux parties.

L’autorisation de faire appel doit être expressément mentionnée dans le juge ment. L’appel doit être formé dans le mois qui suit la notification du jugement du tribunal du travail. Il doit être motivé dans un délai légal de deux mois à partir de cette notification. Alors qu´aucune partie n’est obligée de se faire représenter lors de la procédure devant le tribunal du travail, la représentation est indispensable en second degré. Pour faire appel, les parties sont obligées de se faire représenter soit par un délégué des organisations syndicales ouvrières ou patronales, soit par un avocat (§ 11 II ArbGG).

Avant le prononcé du jugement par la juridiction d’appel, les parties peuvent toujours trouver un compromis et mettre fin à leur litige.

2.2. Le pourvoi en cassation

Le pourvoi en cassation (Revision) est le recours contre formulé les jugements des tribunaux régionaux du travail. La Cour fédérale du travail est exclusivement compétente pour ce pourvoi. A l’occasion de cette procédure, les parties ne peuvent plus introduire de nouveaux faits et les juges de la Cour fédérale du travail sont liés par les constatations faites par le tribunal régional du travail (§ 72 III ArbGG). Le pourvoi en cassation n’a pour objet que le contrôle de droit.

Le pourvoi en cassation n’est autorisé que dans deux cas (§ 72 a ArbGG) :

  1. Lorsque la décision du tribunal régional du travail l’a expressément admis ;

  2. Si le recours n’a pas été autorisé par les juges du fond, le pourvoi en cassation ne sera permis qu´après une procédure spéciale par laquelle une partie sollicite l’accès au pourvoi en cassation. Cette procédure appelée Nichtzulassungsbeschwerde est un recours présenté devant la Cour fédérale du travail contre le refus du tribunal régional du travail du droit de pourvoi en cassation.

La Sprungrevision contre les jugements du tribunal du travail, citée préalablement (voir supra), par contre, n’est admissible que si elle est autorisée par le tribunal du travail lui-même et si la partie adverse a donné son accord (§ 76 ArbGG).

Le tribunal régional du travail est obligé d’autoriser le pourvoi en cassation dans le cas où le contentieux a une portée générale ou quand le jugement dif-Page 97fère d’un jugement de la même instance ou d’une instance supérieure (§ 72 III ArbGG).

Dans les cas où le tribunal régional du travail a autorisé le pourvoi en cassation, la Cour fédérale est liée par cette décision et doit statuer sur le recours.

Le délai légal pour former un pourvoi en cassation est d’un mois à compter de la notification du jugement du tribunal régional du travail, deux mois pour la motivation du pourvoi en cassation (§ 74 ArbGG). Le pourvoi en cassation ne peut être formé que par un avocat qui représente la partie pendant ce procès (§ 11 II ArbGG). Contrairement au contentieux civil général, l’avocat n´a pas besoin d´être spécialement habilité auprès de la Cour fédérale du travail. En théorie, chaque avocat exerçant en Allemagne peut former un pourvoi en cassation, mais dans la pratique, en raison des difficultés particulières de cette procédure, la majeure partie des affaires est menée par quelques avocats spécialisés.

Le pourvoi en cassation ne peut être fondé que sur la violation d’une norme juridique (§ 73 ArbGG). Les normes juridiques pouvant être contrôlées par la Cour fédérale du travail sont les lois fédérales et les lois des États fédérés, ainsi que des résolutions d’une convention collective et d’un accord d’entreprise.

En général, la procédure devant la Cour fédérale du travail est orale ; mais elle peut aussi être transformée en une procédure écrite.

3. Procédure des référés (einstweilige Anordnung)

La juridiction du travail connaît une procédure des référés. Le § 85 II ArbGG renvoie, pour ce but, au droit commun, à savoir au § 935 du Code de la procédure civil (ZPO). En cas d’urgence, le tribunal peut décider provisoirement, sous la forme d’un arrêt.

IV La répartition des compétences

Les §§ 2-4 du code de procédure pour les tribunaux du travail allemand (Arbeitsgerichtsgesetz, ArbGG) énumèrent les compétences d’attribution des tribunaux du travail. Le code de procédure pour les tribunaux du travail allemand distingue trois sortes de compétences : la compétence exclusive, la compétence facultative ainsi que la compétence dite prolongée.

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1. La compétence exclusive

En matière de conflits individuels, les tribunaux du travail sont exclusivement compétents pour tous les litiges entre employeurs et salariés.

Toute personne offrant du travail à au moins un salarié est considérée comme employeur. La notion du salarié (Arbeitnehmer) comprend, d’après le § 5 ArbGG, tant les travailleurs (Arbeiter) que les employés (Angestellte). Les personnes en cours de formation professionnelle y sont également incluses. Cela vaut aussi pour les travailleurs à domicile (Heimarbeiter), bien qu’ils ne soient pas, en droit allemand, des salariés au sens strict du terme. Ils sont cependant assimilés à ces derniers à cause de leur dépendance économique. Certains représentants commerciaux leur sont également assimilés au point de vue procédural, à condition qu’ils représentent une seule entreprise et qu’ils n’avaient pas gagné plus de 1.000 Euros par mois pendant les 6 derniers mois, commission et frais inclus. Cette assimilation prévue par la loi n’a cependant effet que pour la procédure ; les règles du droit du travail ne sont pas nécessairement appliquées au représentant - Ce sera au tribunal de rechercher la loi applicable.

La compétence d’attribution comprend tous les litiges entre salariés et employeurs (§ 2 ArbGG) :

• Les litiges qui ont leur source dans le contrat du travail:

Il peut s’agir des actions en justice menées par le salarié contre son employeur. Ceci peut être le cas quand le salarié réclame son salaire ou des dommages et intérêts à l’employeur pour violation des obligations du contrat de travail.

La compétence n’est cependant pas réduite aux actions en justice exercées par les salariés. Elle comprend également les actions en justice diligentées par l’employeur contre ses salariés, par exemple, lorsque l’employeur réclame la restitution du matériel de travail en possession de son salarié, il pourra saisir le tribunal du travail.

Pour que cette compétence soit établie, il n’est pas indispensable que le contrat de travail soit valablement conclu. L’incapacité de contracter d’une des deux parties qui entraîne l’annulation du contrat de travail ne suffit pas en droit allemand à rendre le tribunal du travail incompétent.

• Les litiges portant sur l’existence du contrat du travail:

C’est la compétence d’attribution la plus importante. Elle englobe tous les litiges concernant la formation d’un contrat de travail ou la qualification d’unPage 99contrat comme contrat de travail, mais surtout tous les cas de licenciement. Ceci vaut alors pour tout litige en application de la loi relative à la protection contre les licenciements (Kündigungsschutzgesetz) qui réglemente de façon détaillée les motifs légitimes du licenciement, ou les délais pour agir contre un licenciement, etc.

• Les litiges même sans contrat de travail, si les parties ont entamé des négociations.

Les tribunaux du travail peuvent intervenir par exemple sur fixer les frais dépensés ou des dommages liés à ces négociations. Par ailleurs, les tribunaux du travail peuvent être compétents pour juger les affaires concernant les répercussions post-contractuelles. Les cas les plus importants sont les différends concernant les clauses de non-concurrence, par exemple, l’ancien salarié a manqué à cette obligation, ou l’employeur refuse de payer l’indemnité de non-concurrence.

• Litiges fondés sur la responsabilité extracontractuelle (außervertragliche Haftung) ayant rapport avec un contrat du travail.

Le tribunal du travail est compétent pour connaître les litiges ayant pour objet la réclamation des dommages et intérêts par un salarié, sous la seule condition que la responsabilité extracontractuelle de son employeur ait un lien avec son contrat de travail. Il en est de même pour les actions en réparation exercées par l’employeur contre un salarié, par exemple pour détournement de fonds. Notons ici qu’en droit allemand les différents systèmes de mise en œuvre de la responsabilité peuvent être cumulés si les conditions sont réunies.

• Litiges concernant les formalités qui incombent à l´employeur :

Le salarié peut assigner son employeur devant le tribunal du travail pour non respect par l’employeur des formalités le concernant. Ceci vise les formalités en direction des administrations fiscales et de la sécurité sociale, ainsi que le certificat de travail.

Cette compétence d’attribution des tribunaux de travail ne s’arrête pas aux litiges entre l’employeur et le salarié lui-même. Si ce dernier décède, ses héri- tiers peuvent assigner son ancien employeur devant les tribunaux du travail pour des droits liés au contrat de travail. Les tribunaux du travail sont également compétents pour tous les litiges entre les salariés eux-mêmes ayant un rapport avec leurs contrats du travail. Ceci est par exemple le cas quand un salarié demande des dommages et intérêts à cause d’un accident survenu au lieu de travail, lorsqu’il est imputable à un de ses collègues.

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2. La compétence facultative

Le terme de « compétence facultative » désigne en droit allemand, les cas où un tribunal dont la compétence n’est pas donnée pour ce litige est rendu compétent par un accord entre les parties. Le droit du travail allemand connaît un seul cas où la compétence des tribunaux du travail peut être valablement établie à la place de celle des tribunaux du droit commun par une clause attributive de juridiction (§ 2 alinéa 4 ArbGG) : les personnes morales de droit privé peuvent se mettre d’accord avec leurs représentants légaux, par exemple, les membres du Directoire d’une S.A., afin que leurs litiges puissent être portés devant les tribunaux du travail, alors que le contentieux relève normalement des juridictions ordinaires. Cette convention peut être conclue avant ou après naissance du litige. Cette possibilité qui n’est cependant ouverte ni aux personnes morales de droit public ni aux sociétés de personnes, est destinée à permettre aux parties de profiter des connaissances approfondies des tribunaux du travail en matière de rapport contractuels voire même de ceux qui résultent d’un contrat de travail.

3. La compétence dite « prolongée »

Le tribunal du travail peut être compétent dans les cas où la partie ayant saisi le tribunal dans un litige appartenant à la matière du droit du travail formule, en outre, des demandes qui relèvent de la compétence d’un tribunal civil. Pour des raisons d’opportunité, le tribunal du travail peut connaître les deux litiges sous la condition qu’il existe un rapport juridique ou économique entre eux et que les deux demandes soient formulées en même temps (il suffit que le contentieux du travail soit encore litispendant). Si ce rapport juridique ou économique n’est pas établi, le tribunal du travail doit séparer les deux contentieux. Il statue alors sur le litige portant sur le droit de travail et renvoie l’autre au tribunal compétent.

4. La compétence territoriale

Pour ce qui concerne la compétence territoriale des tribunaux du travail, le code de procédure allemand (ArbGG) renvoie dans son § 46 alinéa 2 aux règles de droit commun. L’action en justice doit donc être intentée en général au tribunal du lieu de résidence de la partie défenderesse. S´il s´agit d´une assignation d’une personne morale de droit privé ou d’une société de personnes, le tribunal compétent est celui du siège de la société.

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— A côté de la compétence territoriale de droit commun (compétence normale), il peut y avoir des compétences territoriales spéciales. En droit de travail, et notamment en matière de conflits individuels, six compétences territoriales spéciales existent :

— La compétence territoriale du lieu de séjour du salarié : Pour constituer la compétence d’un tribunal au lieu de séjour du salarié, il faut que le séjour soit d’une durée assez longue. Ainsi, le fait que le salarié se rende chaque jour pour son travail à un endroit ne suffit pas à y constituer une compétence territoriale.

— La compétence territoriale de la succursale : Une personne physique ou morale peut également être assignée devant le tribunal au lieu de sa succursale à condition que l’action en justice ait un rapport avec les activités de cette succursale. Un salarié employé dans une succursale peut par conséquent attaquer son employeur soit au tribunal du lieu du siège de ce dernier, soit du lieu de la succursale.

— La compétence territoriale du lieu de l’exécution du contrat : Le lieu d’exécution est celui où chacune des parties au contrat doit s’acquitter de ses obligations contractuelles. Peut ainsi être compétent le tribunal du lieu de l’établissement où le salarié travaille même si la résidence ou le siège de l’employeur est ailleurs.

— La compétence territoriale du lieu de la responsabilité extracontractuelle :

Il est également possible de saisir le tribunal du lieu où la faute extracontractuelle a été commise.

— La compétence territoriale du patrimoine : Si la partie que l’on veut assigner en justice ne réside pas en Allemagne, il est possible de l’attaquer devant le tribunal du lieu de son patrimoine. Un salarié frontalier habitant en France peut ainsi être assigné en Allemagne par son employeur dès lorsqu’il y possède des biens, par exemple, un compte bancaire voire des créances de salaires à faire valoir contre l’employeur lui-même.

— La compétence territoriale en matière de discrimination sexuelle : Si l’employeur est assigné en justice pour discrimination sexuelle par plusieurs salariés, le tribunal saisi d’une affaire est également compétent pour connaître tous les litiges de même nature nés ultérieurement. Au cas où des actions en justice sont intentées devant un autre tribunal, ce dernier doit renvoyer le litige devant le tribunal saisi en premier lieu (§ 61 b ArbGG et § 611 a du Bürgerliches Gesetzbuch = BGB = Code civil allemand).

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V Conclusion

Nous avons pris l’exemple de la juridiction du travail (Arbeitsgerichtsbarkeit) pour démontrer la difficulté de créer un vocabulaire spécifique d’une branche du droit, branche qui connaît des procédures et des termes techniques connus dans un pays, mais étrangers à l’autre.

La procédure du jugement (Urteilsverfahren) ainsi que la procédure judiciaire de l’arrêt (Beschlussverfahren) paraissent être des formes de procédure propres au droit allemand selon les §§ 80-98 ArbGG (Arbeitsgerichtsgesetz). Celle-ci désignant le code de procédure pour les tribunaux du travail allemands. De plus, il n’est pas facile de traduire « saut en cassation » (Sprungrevision). La Sprungrevision est prévue dans le § 76 ArbGG.

Reste à évoquer la procédure appelée Nichtzulassungsbeschwerde : Si un recours n’a pas été autorisé par les juges du fond, le pourvoi en cassation ne sera permis qu’après une procédure spéciale par laquelle une partie sollicite l’accès au pourvoi en cassation. Cette procédure appelée Nichtzulassungsbeschwerde est un recours présenté devant la Cour fédérale du travail contre le refus du tribunal régional du travail sur la base du droit de pourvoi en cassation.

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[1] Le mot Länder (Etats fédérés) n’est plus traduit en français.

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