La genèse de la Loi catalane de Politique Linguistique (LPL) du 7 janvier 1998 - modèle pour la législation linguistique dans la Communauté européene

AutorThomas Gergen
Páginas103-114

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Introduction

Fallait-il un simple maintien de la «Loi de Normalisation Linguistique» (lnl) 7/1983 du 6 avril 19831 ou une loi complètement nouvelle ?

La commission parlementaire a dû se poser ces questions jusqu'il la fin du débat politique sur la législation linguistique en 1997. Les députés du Parlement de Catalogne se sont donnés la peine d'insérer dans le texte différentes propositions de groupes sociaux et de partis politiques. La difficulté de trouver un équilibre entre les deux langues n'est pas récente, mais aussi ancienne que les langues elles-mêmes.

Les motifs du débat linguistique autour de l'élaboration de la loi qui a eu lieu dans la dernière séance plénière du Parlement catalan de l'an 1997 résultent de l'histoire du bilinguisme ainsi que des résultats de la «normalisation» de la langue catalane par rapport au castillan, depuis l'entrée en vigueur de la lnl en 1983. Ces données de base se trouvaient à l'origine des controverses linguistiques qui ont resurgi dans le débat de la rédaction du texte final.

Les débats ont tourné autour de l'extension du catalan à tous les domaines dans lesquels il n'avait aucune chance, à savoir le commerce, la publicité et la justice. Le débat de l'étiquetage des produits a fini par devenir un conflit des lobbyistes et a mené à l'intervention de la Communauté eu-Page 104ropéenne car il fallait statuer sur la question de savoir si la législation espagnole correspondrait au droit européen.

La décision sans réserve pour les étiquettes en langue catalane a divisé les représentants de l'économie (en général plutôt pro-catalan) en deux groupes. On a craint une augmentation des coûts de production et on s'est demandé si le catalan était une langue intelligible pour le consommateur. Cette question et les différents arguments ont fait l'objet du débat qui s'est vu influencé par la volonté de fortifier l'unité linguistique des «Pays Catalans» afin de mieux les représenter sur le plan international, Andorre aspirant à améliorer la situation de sa seule langue officielle, le catalan.

S'y est opposée notamment la Communauté Autonome de Valence qui a refusé de reconnaître que le valencien faisait partie de la famille linguistique du catalan. Il s'agit du conflit qui existe dans l'histoire entre Barcelone et Valence et qui a rendu glaciales les relations entre les deux Communautés et leurs gouvernements respectifs.

La genèse de la «Loi de Politique Linguistique» (lpl) du 7 janvier 19982 n'est cependant compréhensible que par une analyse historique du débat enraciné dans l'histoire catalane des institutions et de la législation linguistique,3 étude que nous nous sommes proposés d'établir.

I

Le travail de la commission du Parlement catalan élaborant la lpl a révélé de nombreux aspects du conflit linguistique, à la fois connus et nouveaux.4 La lpl a été votée encore dans la dernière séance plénière du Parlement de l'année 1997, à savoir le 30 décembre et a connu un débat passionnant, intéressant à retracer.

La Catalogne a ainsi été la seule région plurilingue de l'Espagne à s'être dotée d'une deuxième loi linguistique depuis la Constitution espagnolePage 105de 1978 ainsi que la fin de l'époque du général Francisco Franco. Les autres communautés autonomes, telles que le Pays basque, la Navarre, la Galice et les Baléares qui avaient également voté des lois portant sur la «normalisation» des langues régionales durant les années 80, ont observé ce débat en Catalogne avec réserve ou même avec résistance (Valence). Dans ces régions-là, le processus de «normalisation» n'était pas encore aussi avancé qu'en Catalogne.

La Loi sur la Normalisation Linguistique (lnl) avait déjà eu pour objectif une première «normalisation» du catalan, largement défavorisé par rapport au castillan à l'époque de Franco. Contrairement à 1983, lorsque la lnl était le premier pas vers le rétablissement et la dépénalisation du catalan, 80% des députés du Parlement catalan voulaient, en 1997, que le catalan entre dans des secteurs n'étant pas encore ou pas suffisamment ouverts.

Le 30 décembre 1997 la lpl a été votée par les représentants des partis de Convergència i Unió (ciu), Partit dels Socialistes a Catalunya (pic), Iniciativa per Catalunya-Els Verds (ic-ev) ainsi que le Parti tper la Independèn-cia (pi).

Contre: Partit Popular (pp) et Esquerra Republicana de Catalunya (erc).

La LPL représente, au total, une réponse aux résultats de «normalisation» de la lnl de 1983. Le débat linguistique en 1997 et 1998 a pris ses racines dans l'histoire du bilinguisme catalan et a été animé par des activités de nombreuses organisations de la société catalane, telle que la Plataforma per a la Llengua ou Òmnium Cultural L'Église catholique catalane s'est montrée très favorable au catalanisme et a recommandé dans une lettre pastorale (Full) que les castellanophones fassent le même effort d'apprendre le catalan pour la paix sociale que les catalanophones le font pour le castillan. En février 1998, l'Église a demandé au pape de pouvoir quitter la Conférence Épiscopale espagnole. Cela a bien prouvé l'attitude pro-catala-ne de l'Église pour laquelle langue, nation et territoire de la Catalogne formaient une unité.5

Les adversaires de la lpl, tels que Foro Babel, Fundación Concordia, certaines branches du commerce et du corps enseignant ont craint que le castillan se perde et que le catalan soit trop préféré, d'où un danger pour leurs droits linguistiques et commerciaux, voire droits de la personne (!).6 Le professeur de droit constitutionnel De Carreras ainsi que le député du pp Aleix Vidal-Quadras ont joué un rôle important dans la résistance contre la lpl puisqu'ils ont invité à la désobéissance civile contre cette loi quiPage 106limiterait trop la liberté individuelle de choisir sa propre langue et ne correspondrait pas à la réalité bilingue de la Catalogne puisqu'elle octroyerait le catalanisme au peuple et créerait d'inutiles discriminations. Vidal-Qua-dras a cherché même l'aide du Médiateur espagnol de Madrid et a menacé d'ouvrir un recours devant la Cour constitutionnelle espagnole contre le devoir des citoyens de maîtriser le catalan. Le Médiateur a donné des recommandations pour une application de la lpl sans conflit, mais il n'a présenté aucun recours constitutionnel. La dernière barrière pour la lpl a donc été surmontée.

L'obligation de savoir le catalan aurait dû figurer dans la loi même et a été célébrée, voire exaltée, comme «obligation civique générale». À cause de doutes sur le plan constitutionnel, le législateur catalan a juxtaposé cette obligation aux droits linguistiques accordés aux castillanophones et aux catalanophones.7 Elle n'est qu'une simple recommandation et une idée de base qui n'a pas changé la vie quotidienne car le statut d'autonomie et la législation espagnole la limitent tellement qu'elle n'a plus le caractère d'une obligation civique. Il faut la définir par rapport à la situation et à l'endroit, par exemple l'école, l'administration et la justice ainsi que le commerce et que le monde du travail.8

Il était déjà très difficile pour les quatre partis votant pour la lpl de trouver un consensus sur l'envergure de la «normalisation» puisque le gouvernement avait suscité trop d'espoirs auparavant. De plus, il était difficile de négocier avec le pp et I'erc qui ont voté, tous les deux, contre la lpl pour des raisons bien diverses. Le pp, avocat du bilinguisme sans entraves, a estimé que des quotas et des sanctions linguistiques ainsi que l'immersion linguistique étaient incompatibles avec son programme électoral et la Constitution espagnole. L'erc, en revanche, était de l'avis que la lpl ne contenait pas assez de quotas et de sanctions, mais trop de garanties en faveur du castillan. Féru des idées du catalanisme, ce parti a revendiqué, à plusieurs reprises, l'indépendance de la Catalogne pour que le catalan ne soit plus en compétition avec le castillan. Par conséquent, un vote unanime, comme c'était le cas de la lnl en 1983, paraissait impossible.

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Certains se sont vantés d'augmenter le rôle du catalan, en parlant de leurs visions d'une nation catalane forte en Europe et d'une limitadon de l'influence de l'administration de l'État espagnol en Catalogne. À travers la «normalisation», maints politiciens voulaient abolir la discrimination du catalan par rapport au castillan, trop puissant, et promouvoir la mise en oeuvre de plus de démocratie. Le jour de la fête nationale de la Catalogne (Diada), erc et ic ont osé revendiquer l'indépendance pour que le catalan ne lutte plus contre le castillan. Quelques groupes nationaux se sont référés, en tant qu'exemple, à la «devolution» écossaise et à la. régionalisation dans l'un. La Catalogne a servi d'exemple pour les manifestations d'autonomie en Italie du Nord (Padanie) et au Pays de Galle;;. Jordi Pujol, le chef du gouvernement catalan (Generalitat), perpétuait, en quelque sorte, le catalanisme politique du xixe siècle et les idées d'un Etat fédéral. D'après lui, la Catalogne devait réclamer ce qu'elle avait perdu en 1716, suite au Décret de Nueva Planta qui avait stipulé que le castillan serait désormais la seule langue officielle, administrative et culturelle. Avec le mot anglais «devolution» il a également utilisé le jeu de mot «devolver» qui signifie «rendre» en castillan.9

Par suite de nombreux compromis le premier projet de loi s'est effrité parce que le gouvernement et la ciu, membre du gouvernement, ont dû avancer à petits pas pour trouver une large majorité. La ciu a fait le grand écart pour prendre en considération, d'un côté, la droite et le pp, partenaire de la coalition, et, de l'autre côté, les partis de gauche et catalanistes, à savoir erc, pi et ic-ev. Ces derniers ne cessaient de proposer des amendements pour accélérer la «normalisation». La lpl n'était pas capable d'atteindre l'objectif, le bilinguisme «modéré» au lieu du bilinguisme «asymétrique». Il aurait fallu encore des changements dans la société même, ce qu'une loi toute seule ne peut pas toujours mettre en place. Certains politiciens n'ont pas exclu de faire des lois supplémentaires pour soutenir la «normalisation» du catalan. Il s'est avéré qu'une «normalisation» de la langue dépendait largement de la demande de la population. L'exemple le plus significatif représente le succès de l'édition catalane du journal El Periódico, paraissant en même temps que l'édition en castillan depuis le mois d'octobre 1997. Le tirage quotidien a atteint environ 100 000 exemplaires.

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II

La LPL règle l'utilisation du catalan dans des domaines que cette langue n'a pas encore pu pénétrer. Jusqu'alors il y avait seulement de simples recommandations et pas de devoirs légaux, passibles d'une punition. Le psc, parti conciliateur et capable de s'accorder sur un consensus avec le gouvernement, a réussi à éliminer des sanctions linguistiques. La nouvelle loi n'avait que les sanctions qui figuraient dans d'autres lois, déjà en vigueur, telle la loi sur la protection des consommateurs ou la loi de procédure administrative, ciu, ic-ev, pi et erc auraient préféré ajouter à la loi de telles «sanctions linguistiques», mais ils craignaient que celles-ci ne soient plus compatibles avec la Constitution puisqu'elles limitaient les libertés individuelles outre mesure. C'est la raison pour laquelle on s'est borné à des «sanctions indirectes» que le journal El Pais a aisément démasquées comme punitions. En fin de compte, peu de quotas pour l'application du catalan dans les médias (cinéma, radio, télévision) sont restés. On n'a donné au consommateur que les droits linguistiques que la loi sur la protection des consommateurs lui avaient déjà accordés auparavant, de sorte qu'une prestation de service n'était possible qu'avec des connaissances passives du catalan.

La Commission européenne a hésité sur le fait que le catalan soit la seule langue obligatoire pour tous les biens produits et vendus en Catalogne. Finalement l'art. 34.2 de la lpl n'a permis le catalan que pour le cas des produits spécifiques à la Catalogne, à savoir des produits artisanaux et ceux portant une dénomination d'origine catalane. La question de savoir si le catalan est «une langue officielle de la ce intelligible» par rapport à la directive sur l'étiquetage des produits a eu pour conséquence que le législateur a reporté ce problème. Par peur d'un recours constitutionnel, il s'est décidé à traiter de cette affaire par règlement (et non dans la lpl même). Cette astuce juridique n'a pourtant fait qu'ajourner le problème. Nous aimerions proposer l'interprétation suivante:10

De nombreux arguments favorisent une interprétation large. Le statut d'autonomie catalan, partie de la Constitution espagnole, connaît le catalan comme langue régionale. Le consommateur pour lequel les étiquettes sont faites comprendra mieux le catalan, langue qui lui est la plus proche et la plus familière et surtout, langue de la Communauté autonome (région) où le consommateur vit. La deuxième langue officielle, le castillan, doit être complétée par l'utilisation du catalan qui facilite la communication entre les citoyens. Le castillan n'ayant que le statut d'une langue officielle en Ca-Page 109talogne, n'est pas capable d'assumer ces fonctions, avant tout dans le secteur non-officiel et économique où la communication se fait entre les citoyens et pas entre l'État et les citoyens, relation dans laquelle la langue officielle doit jouer.

De surcroît, le droit du consommateur basé sur le droit européen prévoyait, depuis 1993, que le catalan serait la langue du consommateur. Celui-ci avait donc droit à demander des renseignements sur des biens de consommation dans la langue de sa région. Comme l'étiquetage des produits faisait partie de cette information, il fallait qu'elle paraisse dans la langue du consommateur, c'est-à-dire la langue régionale,' d'où l'application du catalan et d'où l'interprétation large de la notion «langue officielle de la communauté».11

Le fait de renoncer à une disponibilité linguistique plus large des entreprises et à une obligation très limitée d'étiqueter en catalan est surtout dû à la politique de Jordi Pujol, toujours en négociations avec le pp à Barcelone et à Madrid où le parti ciu faisait partie du gouvernement espagnol de José Maria Aznar. De plus, il y a eu une forte résistance du côté de l'économie et du commerce. La politique de Pujol faite de nationalisme avec des compromis s'est orientée vers le salut public de la nation catalane puisque non seulement la langue, mais aussi l'économie catalane étaient: au centre de l'intérêt. De l'autre côté, Pujol a respecté la responsabilité envers l'Espagne à laquelle la Catalogne appartient. Il fallait donc ne pas mettre en danger l'essor économique de toute l'Espagne. Néanmoins ciu a osé faire le grand écart en insistant sur le «nationalisme» après l'introduction de l'Euro et après les élections nationales en l'an 2000.

À cause de la participation de ciu aux gouvernements, et à Barcelone, et à Madrid, trop de nationalisme n'était pas convenable, voire nuisible, étant donné que les voix des électeurs non-catalans ainsi que des intérêts internationaux étaient en jeu.

III

Trouver un équilibre dans l'utilisation du castillan et du catalan a toujours soulevé des problèmes fondamentaux en Catalogne. La proposition du pp d'accorder au castillan le statut de langue nationale a été refusée par-Page 110ce que cela aurait signifié de le mettre au même niveau que le catalan. Mais même les partis plutôt «nationalistes» se sont rendus compte que les Catalans parlent, au niveau d'une langue maternelle, une langue mondiale qui joue un rôle considérable dans le commerce international. L'espagnol est un moyen de communication de l'économie, importante donc pour le contact avec beaucoup d'autres pays et pour la réussite personnelle de beaucoup de Catalans. En outre, cette langue est langue officielle et langue de travail de certaines institutions internationales telles que la ce et l'otan.

Le législateur lui a donc accordé plus que le simple statut d'une langue officielle, le rôle d'une langue de culture. La définition de cette valeur était liée à l'analyse de soi-même et de sa propre identité : Espagnol ou / et Catalan?12

Une telle question n'était pas nouvelle puisqu'elle s'était déjà posée au cours de l'histoire de la législation linguistique catalane. En 1810, les Catalans ont dû choisir entre le français et le castillan quand l'occupation de Napoléon a essayé d'instaurer le français.13 Au début du xxe siècle, lors du débat sur les langues à utiliser dans l'enseignement, les Catalans ont dû insister sur le fait d'être de bons Espagnols et de bons sujets du roi d'Espagne, donc de parler l'espagnol comme 0 fallait.14 Le castillan a ainsi de larges bases de langue de culture en Catalogne, fait qui était tangible lors du débat de la lpl en 1997.

Malgré l'oppression et la souffrance, les Catalans ont eu du mal à prononcer un verdict de culpabilité contre l'«espagnol» dont la prédominance a causé la baisse du catalan ; mais la persécution politique et l'imposition légale du castillan, surtout pendant la Guerre Civile puis sous le régime de Franco,15 ont cependant été mentionnées dans le préambule de la loi.

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Il est intéressant de noter que ceux qui sont considérés comme «les moins catalanisés» et ne faisant pas partie de la «bourgeoisie catalane», n'ont pas articulé leur résistance contre la lpl. Les associations d'ouvriers et les syndicats ont au contraire réclamé de débloquer plus de crédits pour que la présence du catalan soit renforcée dans des quartiers ouvriers traditionnellement castillanophones.

Ils ont ainsi lutté contre le préjugé selon lequel les ouvriers et ceux qui viennent travailler en Catalogne (et venant d'une autre région d'Espagne) n'acceptent pas d'apprendre le catalan. Les syndicats se situaient à ce moment-là du côté catalan, fait qui s'explique par les menaces des lois antisyndicales venant de Madrid depuis le xixe siècle et écrites en espagnol.16

En effet, la lpl n'était plus seulement l'affaire de la bourgeoisie catalane mais aussi des ouvriers intégrés depuis des générations. Le psc, toujours porteur de la scission entre les ouvriers catalanophones et castillanophones, a fait jouer cet argument pour son comportement favorable a la lpl. Un bon nombre de familles de la classe ouvrière a considéré le débat comme une chance pour leurs enfants de grimper l'échelle sociale avec le cata-lan. Ils se sont crus négligés par le gouvernement et ont voulu éviter une ségrégation sociale de la population, entre ceux qui faisaient leurs études en catalan et ceux qui rataient cette chance à cause d'un manque d'enseignement ou pour des raisons financières. Pour ne pas provoquer une séparation à l'école entre les catalanophones et les castellanophones, les socialistes ont lutté contre une éducation séparée selon les langues, alors que le pp voulait revenir à ce système. Mais la lpl du 7 janvier 1998 a fixé définitivement cette «immersion linguistique» que la lnl de 1983 n'avait pas encore connue. Le catalan avait dorénavant le statut de langue qu'il est normal d'utiliser dans l'enseignement.17

Depuis le mois de janvier de 1998, l'enseignement du catalan en Alguer (Sardaigne) bénéficie aussi d'une protection spéciale grâce à une loi linguistique sarde. Ce progrès pour la petite «colonie» catalane a été proclamé comme succès de la «politique extérieure» de la Catalogne, justement au moment de la discussion de la lpl. Cette loi oblige la Generalitat à pro-Page 112mouvoir le catalan aussi en dehors de la Catalogne. La lpl évoquait la notion de «projection extérieure» et témoignait d'une hégémonie par rapport aux autres régions catalanophones dont quelques-unes ont réagi avec incompréhension voire refus. Une voix de la résistance s'est levée contre la prétention que le catalan de Barcelone soit le catalan standard et le valen-cien et le mallorquin seulement des groupes dialectaux. À l'opposé de cette opinion dominante des linguistes, la politique n'était pas du tout d'accord, en particulier dans les Communautés Autonomes de Valence et d'Aragon. Ces voisins craignaient la prépondérance politique des Catalans et ne voulaient pas être dominés par la langue nationale de la Catalogne car Us s'étaient eux-mêmes créés une identité en tant que Valenciens, Mallor-quins ou Aragonais, Ils se sont fâchés du fait que Barcelone se prenne pour la capitale de la «grande Catalogne», des «Pays Catalans» et de la «communauté linguistique» dominante qui ne fait qu'accaparer Valence et Aragon et les représenter sur le plan international.

Le conflit linguistique entre les cabinets de Pujol (ciu, Catalogne) et Zaplana (pp, Valence) a fait penser aux controverses entre Madrid et Barcelone. Les Catalans, se sentant attaqués par le «sport» de Madrid de faire des lois contre la Catalogne, ont insisté pour que le gouvernement central réduise le nombre des lois faites en faveur du castillan. Il restait pourtant une centaine de lois de ce type.

Entre-temps, les Catalans n'ont pas manqué de projets futuristes et de visions rêveuses. Si Barcelone attire l'attention du monde soit en 2004 lors du Forum de l'unesco soit en tant que ville européenne de la culture, les Catalans vont lier ces événements à la publicité pour la Catalogne et la langue catalane, comme ils l'avaient fait pendant les Jeux Olympiques en 1992. Des entreprises gigantesques comme l'offre de la Grande Encyclopédie Catalane sur Internet ont rendu accessible la langue sur le plan mondial. Le gouvernement à Madrid, en revanche, a pris connaissance à contrecoeur de ce régionalisme et de la construction d'une «politique extérieure» (projecció exterior) qui se situerait même à la limite de la constitution. Dans le sillage de la discussion de la LPL, certains ont réclamé de limiter de nouveau les compétences d'autonomie de Catalogne afin de ne plus mettre en danger l'intégrité de l'État espagnol.18 En revanche, dans le Roussillon et en Andorre on a applaudi l'unité linguistique propagée par laPage 113Catalogne. En «Catalunya Nord», le catalan avait du succès grâce à une augmentation des moyens financiers et personnels. En Andorre, on était fier d'avoir le catalan (et non l'«andorrain») comme seule langue officielle19 et on garantissait sa présence dans la société par le biais d'une loi, allant très loin et contenant des quotas et des sanctions linguistiques. Lors d'un sommet de l'otan à New York, le président Marc Forné a même parlé le catalan. Ensuite, les utilisateurs des autres langues romanes l'ont félicité parce qu'il a favorisé le plurilinguisme face au bloc monolingue du monde anglo-américain.

Conclusion

Il est vrai que 80 % des députés catalans ont voté pour la Loi de Politique Linguistique (LPL) le 30 décembre 1997. Encore n'est-elle pas voulue par tous les groupes sociaux catalans, certains ont prouvé leur résistance persévérante.

La crainte de cette minorité, articulée avant tout par le pp mais aussi par certains du psc, a abouti à des amendements qui ont progressivement «adouci» les projets de cette loi. Ont été enlevés des articles prévoyant des «sanctions linguistiques» et des quotas concernant l'utilisation du catalan dans les médias, le monde du travail et le commerce puisque le gouvernement avait peur d'un recours constitutionnel du Médiateur. Mains certains hommes politiques catalans ont toujours de tels projccts en tête et ceux-ci vont sûrement rejaillir pendant le prochain débat.

Sources et textes législatifs

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[1] .Parlement de Catalunya (éd.), Butlleti Oficial del Parlament de Catalunya, Barcelone, 1983, p. 5233-5238, no. 131, du 14 avril 1983.

[2] .Generalitat DE Catalunya (éd.), Diari Oficia l de la Generalitat de Catalunya = DOGC, no. 2553, du 9 janvier 1998, Barcelone, 1998; Generautat de Catalunya, Departa-ment de Cultura (éd.), Legislació lingüistica, Llei 1/1998, de 7 de gener, depolitica lingüistica anotades, Barcelone, 1998 (Legislaciô Bàsica6), p. 1-45 ; T. Gergen, Katalanische Sprachpo-litik 1997/98 : Materialien, Marbourg, !999, p. 2-20.

[3] .L.Jou ] Mirabent, «Els principis de llengua pròpia i llengües oficials en l'articulat de la Llei 1/1998, de 7 de gener, de politica lingiiistica», Revista de Llengua i Dret 29 (1998), p. 7-22 ; T. Gerciîn, Sprachengesetzgebttng in Katalonien - Die Débatte um die «IJei de Poli-tica Lingùistica» vom 7. Januar 1998, Tiibingen, 2000. p. 1-2.

[4] .T.Gerchn. Sprachengesetzgebung, p. 159-166.

[5] .T.Gergen, Spracbengesetzgebung, p. 50-51.

[6] .T.Gergen, Spracbengesetzgebung, p. 152-155.

[7] .J.Puig I Pla, «La declaració universal de drets lingiiïstics», Llengua i Ús 1 (1997), p. 4-7.

[8] .Pour les résultats pratiques dans le domaine de la justice et de l'administration ainsi que sur la mise en oeuvre du logiciel pour le langage technique juridique et administratif, cf. C. Anguela i Sant / M. Sole I San Millán, «El programa de normalització lingüística a l'àmbit jurídic», Llengua i ús 3 (1995), p. 9-15 ; J. Tudela, «La llengua professional dels ad-vocats», Revista de Lkengua i Dret 23 (1995), p. 211-212 ;C.J. M. Mestres i Serra, «La normalitzaciô lingüística als ajuntaments», Revista de Llengua i Dret 19 (1993), p. 108-109.

[9] .T. GERGEN, Sprachengesetzgebung, p. 129-130.

[10] .T. Gergen, Sprachengesetzgcbung ,p. 122-128.

[11] . La Cour Constitutionnelle espagnole a défini la langue officielle comme suit : «es oficial una lengua cuando es reconocida por los poderes públicos como medio normal de comu-nicaciôn en y entre ellos y en su relation con los sujelos pasivos, con plena validez y efectas ju-rídicos.» cf. J. M. Puig Salellas, «La llengua d'ensenyament», p. 37.

[12] .T. GERGEN, Sprachengesetzgebung, p. 18-19.

[13] .R, Kailuweit, «Die Ordiographiedebatte im Diario de Barcelona 1796 und ihr so-ziolinguistisches Umfeld», Zeitschrift fur Katalanistik 5 (1992), p. 107-110.

[14] .La conscience de parler deux langues différentes naquit dès le Haut Moyen Âge. Dans l'épopée El Cantar de Mio Cid il était déjà question des «francos» («francs») qui correspondaient aux Catalans vivant dans la marque frontalière pyrénéenne (lais 52-62). Cf. T. Gergen, Sprachengesetzgebung. p. 10.

[15] .Citation d'un arrêt du 28 juillet 1940 du Gobernador civil de Barcelone qui imposa aux fonctionnaires l'emploi du castillan : «A partir del du; 1° de agosto próximo, todos los fun-cionarios interinos de las Corporaciones provinciales y municipales de esta provincia, cuales-quiera que sea su categoria, que en acto de servicio, dentro o fuera de los edificios oficiales, se cxpresen en otro idioma que no sea el oficial del Estado, quedarân ipso facto destituidos, sin ul-terior recurso.» cf. F. Ferrer i Giron es, La persecució politica de la llengua catalana, Barcelone, 1986, p. 187.

[16] .W. Mader, Die katalaniscbe Bewegung, eine Minderheitenfrage im Rahmen des spa-nischen Staals. Francfort-sur-Main, 1933, p. 27 et 53.

[17] .Par contre, pour les universités il fallait respecter l'autonomie des universités et de la recherche, la garantie constitutionnelle de la liberté de la chaire, de l'investigation et des études (art. 27 de la Constitution espagnole), cf. E. Expósito i Gómez, «Els profesors univer-sitaris, la llibertat de càtedra i l'ús de les llengües pròpies», Revista de Llengua iDret 23 (1995), p. 130 et 141-142. De même: O. Nadal Badai., «Coofkialitat i bilinguisme a la Universitat Autònoma de Barcelona (1933-1939)». Revista de Llengua i Dret 19 (1993), p. 148-151.

[18] .A. Torre:s del Moral, Principios de derecho constitucional español, vol. 1J, Madrid, 1986, p. 323.

[19] .L. Armengol Vila, «Llengua i administració al Principat d'Andorra», Llengua i Administraciô 6 (1983), p. 3.

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