L'article 23 de la Charte canadienne et les effectifs scolaires des minorités francophones 1982-1995. Constats démolinguistiques d'une émancipation structurelle

AutorAngéline Martel
Páginas165-187

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Introduction

Depuis les dernières décennies, les minorités linguistiques cherchent à garantir au moyen de dispositions légales, idéalement de nature constitutionnelle, la vitalité de leur langue dans des domaines spécifiques tels que l'éducation, les média, l'administration publique, les tribunaux (Co-barrubias, 1984; Tollefson, 1991). Des groupes minoritaires s'appuient donc désormais sur le droit pour préserver leur identité propre face à l'homogénéisation linguistique et culturelle que tendent à imposer les groupes dominants au sein des Etats modernes. Ainsi, avec la multiplication des chartes consacrant la primauté du droit dans les sociétés démocratiques, celui-ci joue un rôle grandissant dans la protection et l'épanouissement des minorités linguistiques (Claydon, 1975; Capotorti, 1979; Turi, 1986; Viletta, 1991).

Parmi les secteurs visés par les revendications des minorités, l'éducation se voit généralement attribuer un rôle prépondérant dans la protection et l'épanouissement de leur langue et de leur identité (Giles et als, 1977; De Vries, 1991; Paulston, 1991). Plus qu'un simple lieu de transmission de la langue, l'école représente en effet une institution sociale d'importance vitale où se produisent et se reproduisent la culture et l'identité des groupes. C'est autour de l'école également que se forment et se maintiennent les réseaux sociaux qui constituent les groupes minoritaires. Aussi, dans les milieux minoritaires, l'éducation et les droits scolaires prennent-ils souvent une valeur symbolique beaucoup plus forte qu'au sein des milieux majoritaires. Les groupes linguistiques minoritaires affirment alorsPage 166leurs projets éducatifs avec insistance et persistance dans leur discours public et dans leurs démarches judiciaires. C'est pourquoi un nombre grandissant de groupes minoritaires s'efforcent d'acquérir, par le recours au droit, des institutions scolaires qui leur sont réservées; ils vont même jusqu'à y préconiser une forme ou une autre d'autodétermination ou d'autogestion, sans pour autant rechercher une souveraineté pleine et entière dans toutes les sphères de leur existence.

Les constats précédents nous mènent à une question d'ordre pratique: qu'en est-il de l'efficacité des droits scolaires promulgués à l'intention des minorités linguistiques? A cet égard, l'objectif de ce texte1 est d'examiner la situation de l'éducation des francophones minoritaires au Canada depuis la promulgation d'une disposition constitutionnelle en matière d'éducation en 1982, l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cet article, non dérogatoire et programmatif, fournit une protection positive pour les minorités de langue officielle canadiennes, Intitulé Droits à l'instruction dans la langue de la minorité, il accorde en substance trois types de droits scolaires aux citoyens canadiens de langue maternelle française2 (ou anglaise) résidant en milieu minoritaire:3 1) le droit de faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité, 2) le droit de faire instruire leurs enfants dans des établissements scolaires homogènes au plan linguistique; 3) le droit de gérer ces établissements.4 Ces droits s'exercent aux niveaux scolaires primaire et secondaire sur la base d'un financement public. Alors que le premier type de droit consacre l'instruction dans la langue de la minorité, les deux autres permettent l'établissement de structures scolaires appartenant à la minorité: écoles ou structures de gestion. Ainsi, l'article 23 s'avère une promesse d'émancipation structurelle pour les minorités francophones.

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Afin de «mesurer» l'efficacité de cette disposition constitutionnelle, nous traçons dans ce texte un portrait de l'évolution des effectifs scolaires des minorités francophones en ce qui concerne les programmes d'instruction dans la langue de la minorité (le premier droit accordé) et ceux des «établissements scolaires» (ou écoles homogènes, soit le deuxième droit). Nous les comparons aux bassins potentiels d'enfants d'âge scolaire de la minorité: la clientèle admissible en vertu de l'article 23(l)a) - les ayants droit - et les enfants d'âge scolaire de langue maternelle française. Nous concluons que l'article 23 a permis une véritable ré appropriation5 du système scolaire par les francophones minoritaires et que, depuis 1992, la tendance serait à une augmentation de la minorité par le système scolaire.

Le contexte d'exercice des droits

En amont des nombreuses données statistiques que nous étayons se situe le contexte d'exercice des droits promulgués, contexte que nous évoquons brièvement ici puisque traité abondamment ailleurs (Martel 1991a; 1993). Aux fins de nos propos; deux caractéristiques de ce contexte d'exercice méritent d'être rappelées: l'une, générale portant sur la situation structurelle de la condition «minoritaire» et, en corollaire, une seconde caractéristique, plus spécifique, portant sur la mise en oeuvre de l'article 23.

Une première caractéristique s'impose d'emblée; les minorités sont (habituellement) structurellement désavantagées au plan des rapports de pouvoir6 et le recours au droit s'inscrit dans la réalisation de leurs objectifs linguistiques et culturels. Les minorités éprouvent plus de difficulté à faire accepter, entre autres, leurs visions de la société et leur conception de l'éducation. Si elles ont recours au droit pour concrétiser leurs projets éducatifs, c'est parce que, au plan des rapports de pouvoir, elles se trouvent confinées dans une position désavantagée pour mener à bien leursPage 168projets par les voies institutionnelles régulières. Elles espèrent alors que le droit sera plus efficace que la voie politique. A contrario, les majorités, parce qu'elles se trouvent habituellement dans une position de pouvoir avantageuse en raison de la loi des majorités qui prévaut dans les sociétés démocratiques, ressentent moins le besoin d'en appeler au droit pour réaliser leurs projets éducatifs, le système institutionnel étant généralement conçu en fonction de leurs besoins en matière d'éducation.

Cette optique s'inscrit dans la définition du concept de «minorité» que propose Tollefson:

The word minority is commonly used to refer to groups distinguished by gender, etbnicity, religion, race, and social class. Minorities may include indigenous peoples or immigrants residing permanently or temporarily as well as established minorities, such as the Welsh in Britain, and new groups such as Etbiopians in the Sudan. Yet size is less important than power. Although the term minority focuses attention on numerical size (i.e., groups that are numerically smaller than the dominant group), its more important reference is to groups with few rights or privileges. [...] Minority refers to groups with relatively less power, rights, and privileges than one or more dominant groups.

(1991: 15-16, nous soulignons).

Le concept de minorité se définit donc moins par le rapport des nombres que par les rapports de pouvoir. Cette caractéristique s'avère essentielle pour bien expliquer l'efficacité des droits constitutionnels en matière d'éducation.

Une deuxième caractéristique du contexte d'exercice des droits des minorités: le droit, en particulier le droit des minorités, n'est pas à l'abri des rapports de pouvoir car, «the foundation for rights is power and constant struggle is necessary to sustain language rights» (Tollefson, 1991: 167). Car, «language rights are a fragile basis for language policy, and [...] constant struggle is necessary to protect rights, even in a country with a long historical corn-mitment to - and a federal structure which supports it - a pluralist language policy» (Tollefson, 1991: 197). Ainsi, en y regardant de près dans le parcours éducatif des francophones minoritaires du Canada au cours des douze dernières années, on observe que des résistances tenaces et des rapports de force constants entre les groupes minoritaires et majoritaires se manifestent à chacune des étapes de la définition, de l'interprétation et de la mise en oeuvre du droit. Certes, la promulgation de l'article 23 a permis aux francophones résidant dans les provinces à majorité anglophone d'obtenir des gains là où ils n'avaient jamais réussi à le faire dans lePage 169passé: l'obtention de nombreuses écoles homogènes, celle de commissions scolaires dans six provinces canadiennes.

Les francophones minoritaires ne cessent de rencontrer des résistances quand il s'agit de faire interpréter et surtout de mettre en oeuvre ces droits dans toute la portée de leur esprit et de leur lettre, et en particulier sur le plan du droit à l'autogestion.7 Dans la majorité des provinces canadiennes, l'article 23 et son interprétation par les tribunaux, à dix-huit reprises dont deux par la Cour suprême du Canada, n'ont pas encore donné tous les résultats escomptés. À preuve, en mars 1993, soit plus de dix ans après l'adoption de l'article 23, la Cour suprême du Canada a dû confirmer auprès du gouvernement manitobain8 que les francophones possèdent le droit de gérer leurs écoles au sein d'une structure qu'ils contrôlent entièrement. Pourtant, en 1990, dans l'affaire Mabé et als.,9 le plus haut tribunal du pays avait déjà établi clairement ce droit constitutionnel dans le cas des francophones de l´Alberta.10 Par son jugement de mars 1993, la Cour suprême servait en fait un rappel à l'ordre aux gouvernements provinciaux qui tardent encore à concrétiser les droits scolaires promulgués en 1982.

Bien qu'ils aient obtenu la promulgation des droits scolaires conférés en vertu de l'article 23, les francophones en milieu minoritaire doivent donc toujours et constamment lutter pour concrétiser ces droits. Plus encore, ils doivent veiller à ce que les droits acquis ne leur soient pas retirés, surtout dans un climat d'incertitude et d'instabilité politique comme celui qui sévit actuellement au Canada consécutivement à l' échec des négociations constitutionnelles du début des années 1990, à la représentation importante de deux partis régionaux oppositionnels au Parlement fédéral (le Bloc québécois et le Reform Party) et à l'élection d'un gouvernement souverainiste au Québec en 1994.11

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Ainsi, les données statistiques que nous présentons dans ce texte sur les programmes d'instruction aux francophones minoritaires et sur les écoles homogènes constituent le reflet de ces rapports de pouvoir. D'une part, les effectifs scolaires de ces programmes et écoles peuvent être inférieurs à leur nombre potentiel (les ayants droit de l'article 23) en raison des luttes de pouvoir qui conduisent à des difficultés d'obtention des institutions ou programmes souhaités par les francophones minoritaires lorsque ceux-ci doivent les obtenir de commissions scolaires anglophones. D'autre part, la nature de ces institutions fait l'objet de débats au sein des minorités elles-mêmes 12 de sorte que les données statistiques reflètent cette seule portion des minorités qui choisit le maintien ou le développement de la langue minoritaire comme valeur d'identification,

Le contexte démolinguistique des francophones minoritaires

Pour qu'une minorité survive, il faut lui garder ses locuteurs (Laponce, 1989: 42). Qu'en est-il donc de la progression des locuteurs de français, langue maternelle, vivant en milieu minoritaire? Quel est son poids démolinguistique? Nous tentons de répondre à ces deux questions dans cette section.

- Tableau 1. Évolution de la population de langue maternelle française. provinces canadiennes à majorité anglophone. (1951-1991)

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Le Tableau 1 décrit l'évolution de la population de langue maternelle française pour les provinces à majorité anglophone au cours de quarante années (1951 à 1991): leurs nombres absolus, les changements en pourcentages et leur proportion par rapport à la population totale. Ces données montrent l'importance relative des minorités francophones, leur degré de maintien et leur degré de minorisation.

On y observe qu'en général, la population de langue maternelle française est de plus en plus minorisée car elle ne constitue, en 1991, que 4,84 % de la population totale des provinces canadiennes à majorité anglophone alors qu'elle en constituait 7,25 % en 1951. Cette minorisation est principalement due à deux facteurs: l'immigration vers le Canada et l'assimilation des francophones. Ainsi, l'augmentation de la population de langue maternelle française s'avère clairement moins marquée que celle de la population totale des provinces canadiennes à majorité anglophone qui a augmenté, pour sa part, de plus de 10 millions de personnes soit de 102,78 %. L'augmentation de la population de langue maternelle française est de 254 595 personnes, alors que l'augmentation en pourcentage n'est que de 35,27 %, augmentation plus marquée au début des quarante années, de 1951 à 1971, et une légère diminution entre 1971 et 1981.

Le poids démographique de la population de langue maternelle française est toutefois très variable, de province en province du territoire. C'est ce que démontre le Tableau 2.

Ce tableau confirme que le poids démolinguistique des francophones minoritaires a diminué dans toutes les provinces canadiennes à majorité anglophone au cours des 40 dernières années; il montre également que la Saskatchewan et l'Alberta sont alors passées d'une population minoritaire de langue française d'un poids intermédiaire à un poids faible.

De prime abord, ces statistiques ne sont donc guère encourageantes en ce qui concerne le maintien des minorités de langue maternelle française dans les provinces canadiennes à majorité anglophone. Pourtant, comme nous le verrons dans la suite du texte, l'article 23 vient timidement transformer ce tableau pessimiste même si les tendances sont lentes à porter leur fruits à cet égard. Précisons auparavant la méthodologie qui soutient l'étude.

La méthodologie

Puisque13 la présente étude poursuit celle que nous avions publiée en 1991, nous en reprenons les catégories d'analyse. Cette façon de faire

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- Tableau 2. Proportion des minorités de langue officielle par rapport à la population provinciale. (1951-1991)

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Page 173nous permet aujourd'hui d'effectuer une analyse longitudinale marquant les changements entre 1981 et 1994 et plus particulièrement entre les deux années de recensement de 1986 et de 1991.14

L'objectif étant de montrer statistiquement l'impact de l'article 23 sur les effectifs et les institutions scolaires des francophones minoritaires, et conséquemment sur leur développement de communauté minoritaire, les variables suivantes sont dégagées en regard du texte de loi: (1) nombre d'écoles offrant l'instruction en français; (2) effectifs scolaires des francophones minoritaires; (3) nombre d'enfants d'âge scolaire (6 à 17 ans inclusivement) dont la langue maternelle est le français et (4) le nombre d'enfants d'âge scolaire (6 à 17 ans inclusivement) établi en vertu du critère de l'article 23 (1) a) de la Charte des droits et libertés (la langue maternelle d'un parent). Cette dernière variable regroupe les «ayants droit» créés par l'article 23(l)a). Enfin, pour comparaison, des données sur la population totale des provinces à majorité anglophones sont également fournies.

Avant de décrire chacune de ces variables, précisons nos sources. Les deux premières variables ont fait l'objet d'une recension auprès des Ministères de l'éducation des provinces et territoires; les données ont été contrôlées auprès de sources alternatives: les communautés minoritaires elles-mêmes, Statistique Canada. Ces variables s'avèrent des indicatrices relativement fidèles des changements directement favorisés par l'article 23 car elles identifient l'ampleur de l'adhésion des minorités à l'article 23 de la Charte et conjointement, l'ampleur des services fournis par les provinces et territoires. Les données des deux dernières catégories proviennent d'une compilation spéciale effectuée par Statistique Canada au fin de la présente étude et portant sur les données des recensements canadiens de 1986 et 1991. Elles sont indicatrices des bassins potentiels de population d'âge scolaire et elles permettent une analyse encore plus fine du degré d'adhésion des francophones minoritaires à l'article 23. Voici maintenant des précisions méthodologiques relatives à chacune des variables.

Nombre d'écoles dispensant l'instruction aux minorités de langue officielle

Les écoles comptabilisées appartiennent uniquement au secteur public et peuvent être de quatre types:

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- des écoles de la majorité où des programmes spéciaux ont été mis en oeuvre, surtout au secondaire ou encore dans les régions éloignées, afin d'enrichir et d'adapter l'enseignement de la majorité en fonction des besoins de la minorité. Cette catégorie représente un nombre infime d'écoles dispensant des programmes aux minorités;

- des écoles dites «mixtes»: ces écoles comportent une clientèle où les effectifs ne sont pas seulement ceux de la minorité officielle. Les élèves de la majorité et ceux de la minorité étudient sous un même toit et souvent sous une administration commune, mais les classes sont séparées. La terminologie diffère pour les dénommer. Ce sont dans certaines provinces des écoles «à doubles voies» ou à «triple voies», ailleurs des écoles «partagées» où les classes de la minorité cotoyent des classes d'immersion ou encore des écoles anglaises. Le nombre de ces écoles est en nette regression;

- des écoles bilingues où l'enseignement à la minorité est défini en fonction du temps d'enseignement passé dans la langue de la minorité. Les écoles bilingues favorisent un partage plus ou moins égal entre l'enseignement en français et celui en anglais. Ces écoles sont aussi en régression;

- des écoles homogènes15 regroupant les effectifs de la minorité. Dans ces écoles, la langue d'enseignement et de l'administration est en principe le français et les élèves appartiennent pour la plupart au groupe minoritaire. La langue seconde est la deuxième langue officielle. Ces écoles constituent la grande majorité de celles offrant l'instruction aux minorités de langue française.

Puisque l'article 23(3)b) accorde un droit à des écoles homogènes, sous réserve que le nombre le justifie, nous avons isolé le nombre de ces écoles de celles répondant au droit général à l'instruction dans la langue de la minorité (23(2)), de même que leurs effectifs. Donc, la mention «écoles tous programmes» regroupe les quatre types d'écoles, indistinctement, celle «écoles homogènes» ne regroupe que les écoles ainsi désignées.

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Effectifs scolaires

Ces effectifs sont aussi subdivisés en deux. D'une part, les effectifs des écoles homogènes. D'autre part, les effectifs de toutes les écoles dispensant l'enseignement aux francophones minoritaires, indistinctement de leur type.

Population provinciale d'âge scolaire (6 a 17 ans) dont la langue maternelle est le français

Une compilation spéciale de Statistique Canada a permis d'établir la population âgée de 6 à 17 ans dont la langue maternelle est la langue de la minorité, strate d'âge correspondant aux douze années scolaires que recoupent généralement le primaire et le secondaire. Ces données incluent les personnes qui, lors des recensements, déclarent être de langue maternelle unique et celles qui déclarent avoir plus d'une langue maternelle, dont le français ou l'anglais.

Clientèle admissible en vertu de l'article 23 (1) a) (ou ayants droit)

Cette clientèle comprend tous les enfants dont au moins un des deux parents a pour langue maternelle la langue de la minorité. À l'aide de cette variable, nous établissons, en regard des exigences de la Charte, une estimation de la demande potentielle en terme de services éducatifs pour les minorités selon les provinces et les territoires en vertu de l'article 23 (1) a). Les critères retenus dans les données statistiques utilisées pour déterminer les ayants droit en vertu de l'article 23 (1) a) sont les suivants: enfants des cellules «familles»16 d'âge scolaire (6 à 17 ans inclusivement), de citoyenneté canadienne, dont la langue maternelle d'au moins un parent est la langue de la minorité (langue maternelle unique ou langue maternelle double française et anglaise).

Soulignons que ces données apportent une estimation conservatrice des bassins potentiels des ayants droit de l'article 23 car elles ne tiennentPage 176pas compte de l'ensemble des critères d'éligibilité eu égard aux droits scolaires pour les minorités de langue officielle. En effet, nous ne disposons pas des données qui auraient permis d'établir aussi les ayants droit dont, en vertu de l'article 23 (1) b), un parent a reçu son instruction primaire dans la langue de la minorité. Nous ne disposons pas non plus des données qui auraient permis d'établir les ayants droit dont, en vertu de l'article 23 (2), un frère ou une soeur a reçu ou reçoit son instruction primaire ou secondaire dans la langue de la minorité. Néanmoins, le nombre d'ayants droit établi en vertu de l'article 23 (1) a) constitue la grande majorité de la population visée par la Charte des droits et libertés de sorte que nos données permettent de dresser un portrait assez réaliste de la situation.

- Tableau 3. Indicateur de changement: écoles dispensant l'instruction aux francophones minoritaires. provinces canadiennes à majorité anglophone. (1971-1994)

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Écoles et effectifs scolaires des francophones minoritaires

Le premier indicateur de l'impact de l'article 23, l'utilisation des services, est décrit par l'évolution des institutions scolaires au service des francophones minoritaires: les écoles homogènes et les écoles, tous programmes confondus. Pour l'essentiel, le Tableau 3 montre une augmentation substantielle du nombre d'écoles homogènes entre 1986-87 et 1994-95 soit une augmentation de 55 écoles ou 11 %. Par ailleurs, le nombre d'écoles mixtes, bilingues ou dispensant des programmes spéciaux, a diminué de manière importante car l'augmentation nette pour la catégorie «écoles, tous programmes» pour la même période n'est que de 35 écoles, substantiellement moins que l'augmentation du nombre d'écoles homogènes. Afin de mieux illustrer ce changement, nous avons reporté le nombre d'écoles homogènes sur le nombre d'écoles tous programmes. Or, les écoles homogènes constituent, en 1994-95, 83 % du nombre d'écoles des minorités francophones alors qu'elles n'en constituaient que 79 % en 1986.

Le Tableau 4 décrit par ailleurs l'évolution du deuxième indicateur de changement: les effectifs scolaires des minorités francophones. Ceux-ci pour les programmes dans les écoles homogènes sont en hausse constante depuis 1986, une hausse de 6 621 élèves, soit de 5,38 %. Les effectifs, tous programmes sont stables après un point culminant en 1988-1989. Toutefois, ils ont subi une baisse importante depuis 1971 (59 079 élèves soit une baisse de 30 %).

Afin de mieux évaluer ces changements, comparons-le à l'évolution des effectifs scolaires totaux des provinces et territoires canadiens pour les mêmes périodes. Ceux-ci ont augmenté de 12,51 % entre 1986 et 1994 et diminué de 0,26 % depuis 1971. On constate donc, pour l'essentiel, que les effectifs des écoles homogènes francophones ont augmenté de façon plus importante que pour les effectifs tous programmes mais que les effectifs totaux provinciaux, pour leur part, ont augmenté de façon encore plus importante.

Du Tableau 4, il faut également retenir qu'entre 1971 et 1990, le pourcentage des effectifs francophones par rapport aux effectifs provinciaux et territoriaux est en baisse constante et suit la diminution du poids des francophones de langue maternelle française (Tableau 1); il est de 4,82 % des effectifs totaux en 1971 et de 3,5 % en 1994-95. Toutefois, les effectifs francophones tous programmes marquent une augmentation de ce pourcentage en 1990, pour reprendre un décroissance continue à partir de 1991 avec une brève trêve en 1992. Ils redescendent chaque année vers un plancher historique.

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- Tableau 4. Indicateur de changement: effectifs scolaires des francophones minoritaires. provinces canadiennes à majorité anglophone. (1971-1994)

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Ainsi, pour résumer, en ce qui concerne les écoles et les effectifs des minorités francophones, quatre tendances semblent marquer l'impact de l'article 23:

- augmentation continue du nombre d'écoles homogènes, institutions favorisées par cet article;

- diminution des écoles mixtes ou bilingues et des programmes spéciaux, conditions qui sont considérées comme des foyers d'assimilation pour les minorités francophones;

- augmentation des effectifs des écoles homogènes;

- pic historique des quinze dernières années, atteint en 1990, de la proportion des effectifs francophones tous programmes par rapport aux effectifs totaux des provinces et territoires.

Mais les augmentations nettes ne suffisent pas. Elles doivent également comporter une amélioration du poids relatif des minorités par rapport au groupe majoritaire. Or, dans le cas des francophones minoritaires, même si l'article 23 conduit à une augmentation des effectifs, leur poids comparatif à ceux de la population totale continue de décroître.

Les bassins de clientèles scolaires: Les ayants droit et les enfants de langue maternelle française

Nous avons noté les progrès en matière des effectifs et des écoles des minorités francophones. Voyons maintenant les bassins de populations desquels sont tirés ces effectifs. Nous comparerons ensuite dans la prochaine section ceux-ci par rapport à ceux-là afin d'évaluer encore plus précisément les progrès réalisés. Les bassins de population d'âge scolaire (ayants droit et locuteurs de langue maternelle française) servent également d'indice de vitalité car la perpétuation du groupe d'âge de 6-17 ans, celui touché par le système scolaire primaire et secondaire, permet d'indiquer le degré de transmission intergénérationnelle de la langue.

Le Tableau 5 fournit des données sur l'évolution du groupe d'âge de 6-17 ans des minorités francophones et les compare à la population totale, provinciale et territoriale du même groupe d'âge pour les deux dernières années de recensements canadiens (1986 et 1992).

En général, le nombre d'enfants de 6 à 17 ans est en décroissance constante: de 4,74 % pour les ayants droit mais de 12,3 % pour les enfants de langue maternelle française alors que le nombre d'enfants de 6 à 17 ans dans les provinces et territoires est en hausse de 3,21 %.

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- Tableau 5. Évolution du groupe des 6-7 ans: ayants droit, langue maternelle française* et total des provinces. provinces anglophones canadiennes. (1986, 1991)

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Par ailleurs, une projection du nombre d'ayants droit pour 1996 à partir du nombre d'enfants qui avaient jusqu'à 12 ans en 1992 confirme la tendance car on estime qu'il y aura alors, si la tendance historique continue, 253 645 ayants droit, soit une nouvelle baisse de 2,08 % pour cette période de cinq ans. Ainsi donc, les bassins de clientèles scolaires sont en baisse.

Les effectifs et les bassins de clientèles scolaires

Dans quelles mesures alors, les effectifs concordent-ils avec les deux types de bassins de clientèles identifiés? C'est la question à laquelle nous répondons dans cette section. Nous employons cette mesure pour étudier encore plus finement les changements opérés grâce à l'article 2).

Les données du Tableau 6 font voir de façon claire que les effectifs scolaires (homogènes et tous programmes) ont atteint entre 1986 et 1991 un niveau de «récupération» des enfants des minorités francophones, c'est-à-dire que l'instruction vient «franciser» les bassins scolaires. Voyons-en le détail.

Tout d'abord, les écoles homogènes offrent l'instruction à une plus grande proportion des ayants droit en 1991 qu'en 1986: 51 % contre 45 %Page 181en 1986. Bien sûr, le nombre d'ayants droit a lui-même diminué alors que les effectifs ont augmenté. Cette explication est toutefois trop superficielle car, si l'on reporte les effectifs des écoles homogènes de 1991 sur le bassin d'ayants droit de 1986 (271 914), ceux-là en constituent tout de même 47,73 % soit une différence supérieure de 2,48 points.

- Tableau 6. Indicateur de changement: Pourcentages des effectifs francophones (tous programmes et homogènes) par rapport aux bassins d'ayants droit et de langue maternelle, 6-17 ans. (1986, 1991)

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De plus, en 1991, les écoles homogènes offrent l'instruction à un plus grand nombre de 6-17 ans (107 %) qu'au nombre d'enfants de langue maternelle française. Un processus de francisation structurelle (sinon de fait, car on ne peut mesurer par statistiques ni la qualité ni l'efficacité des services). C'est dire qu'environ 7 % des effectifs des écoles homogènes sont, en fait, un ajout au nombre antérieur d'enfants de langue maternelle française. Une nette amélioration donc depuis 1986. Nous pouvons, ici encore, constater que le bassin de langue maternelle française avait lui-même diminué entre 1986 et 1991. Faisons alors la même hypothèse que nous venons de faire pour les ayants droit. Si le bassin de langue maternelle française n'avait pas diminué entre 1986 et 1991, les effectifs des écoles homogènes se rapprocheraient en 1991 du nombre d'enfants de langue maternelle française en 1986 (129 778 pour les effectifs par rapport à 138 107 enfants de langue maternelle française).

Les constats que nous venons de faire par rapport aux effectifs des écoles homogènes sont encore plus marqués si l'on reporte les effectifsPage 182tous programmes sur les bassins de population d'âge scolaire des minorités francophones. Une augmentation de 2,61 points du rapport entre les effectifs tous programmes et le nombre d'ayants droit. De même, une très grande augmentation de 14 points du rapport entre les effectifs tous programmes et le nombre d'enfants d'âge scolaire de langue maternelle française. Ces augmentations ne sont pourtant pas sans causer d'autres difficultés car elles nécessitent la mise sur pied de programmes de récupérations qui ne sont pas encore disponibles dans toutes les provinces et territoires.

Ainsi donc, les opérations que nous venons de faire démontrent que:

- les écoles homogènes offrent l'instruction à une plus grande proportion des ayants droit en 1991 qu'en 1986;

- les écoles homogènes offrent l'instruction à un plus grand nombre de 6-17 ans qu'au nombre d'enfants de langue maternelle française, soit 7 % de plus;

- les effectifs tous programmes offrent l'instruction à environ 3 % de plus des ayants droit en 1991 qu'en 1986;

- en 1991, les effectifs tous programmes offrent l'instruction à presque 14 % de plus de 6-17 ans qu'au nombre d'enfants de langue maternelle française.

Ces données tendent à montrer que le système scolaire mis sur pied suite à la promulgation de l'article 23 pourrait en fait renverser la tendance historique à l'assimilation et au contraire servir d'institution de «récupération» d'une partie de la population d'âge scolaire. Nous les résumons par les Tableaux 7 et 8.

- Tableau 7. Évolution des effectifs et des bassins francophones, 6-17 ans

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Le Tableau 7 montre l'écart qui existe entre les ayants droit et les trois autres variables; les 6-17 ans de langue maternelle française et les effectifs de toutes les écoles et ceux des écoles homogènes.Par ailleurs, il montre également que les 6-17 ans de langue maternelle française est inférieur, en 1991, aux effectifs scolaires. II permet encore d'apprécier les augmentations des effectifs entre 1986 et 1991.

Quant au Tableau 8, il reporte les diverses populations de 6-17 ans sur les populations totales pour les années 1986 et 1991. Il montre:

- une baisse de la proportion des ayants droit en regard de la population totale de français langue maternelle (de 28,75 % à 26,53 %, soit 2,22 point);

- une hausse de la proportion des effectifs tous programmes en regard de la population totale de français langue maternelle (de 14,47 % à 14,50 %, soit une hausse de 0,03 points);

- une baisse de la proportion de la population des 6-17 ans de langue maternelle française en regard de la population totale des 6-17 ans dans les provinces et territoires (de 14,6 % à 12,8 %, soit 1,8 point);

- une baisse de la proportion des 6-17 ans de langue maternelle française en regard de la population totale de français langue maternelle (de 14,6 % à 12,4 %);

- enfin, une hausse des effectifs homogènes par rapport à la population totale de français langue maternelle (de 13,01 % à 13,72 %, soit 0,71 point).

- Tableau 8. Évolution des effectifs et des bassins de clientèles, en pourcentages. (1986, 1991)

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Pourtant, malgré les augmentations et la «récupération» des jeunes qui semble s'amorcer, le pourcentage d'enfants étudiant dans les. écoles dis-Page 184pensant l'instruction aux francophones minoritaires par rapport à la population totale minoritaire demeure inférieur à ce même pourcentage pour la population totale de toutes les provinces et territoires. Ce qui signifie que, malgré les gains, les francophones minoritaires continuent de devenir de plus en plus démolinguistiquement minorisés.

Conclusion

Les changements opérés grâce à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés semblent augurer une période de réparation historique, effective mais peut-être plus hésitante que ne la préconisaient les constituants en 1979 (Martel, 1991a). En guide de conclusion, demandons-nous quels aspects particuliers de l'article 23 ont favorisé ces changements, encore bien timides mais tout de même évidents.

L'article 23, en accordant un droit de gestion de leurs écoles aux minorités francophones, est en fait venu modifier considérablement le paysage politique entourant les relations de pouvoir. En effet, l'article 23 plaçait les minorités francophones sur un pied d'égalité avec la majorité car le contrôle d'une institution scolaire publique est habituellement une prérogative majoritaire. Solution structurelle pour compenser la situation de minoritaire, l'article 23 est donc un article d'«empowerment», d'émancipation. Dans ce cadre d'intervention, les événements entre 1982 et 1994 ont d'abord semblé atteindre une cible secondaire et plutôt implicite, celle de placer les gouvernements provinciaux et territoriaux en position de double conflit par rapport à la création et l'amélioration de services scolaires et d'institutions: conflit envers le gouvernement fédéral et conflit envers les minorités elles-mêmes. Ainsi, non seulement les rapports de pouvoir se trouvent-ils modifiés par l'alliance tactique entre le gouvernement fédéral et les minorités mais les tribunaux ne peuvent guère dévier de l'idéologie dualiste qui sous-tend l'article 23 (Martel, 1995). Il en est à se demander si les gouvernements provinciaux et territoriaux étaient, à l'aube de la nuit historiquement appelée la «nuit des grands couteaux» (décrite dans Cohen et ah. 1987), conscients de la révolution peu tranquille qu'ils acceptaient, à l'insistance de Pierre EUiott Trudeau et à l'encontre du Québec.

Pourtant, si l'article 23 a d'abord et surtout suscité une tempête politique et juridique, il semble aujourd'hui porter certains fruits dans le maintien, voire le développement démolinguistique des minorités francophones. Les minorités francophones militèrent en vue de la promulgation de l'article 23; elle s'en prévalurent ensuite. C'est ainsi que les demandesPage 185de structures (écoles, commissions scolaires) se firent insistantes et furent doublées de requêtes en justice. Le processus même de revendications, de requêtes devant les tribunaux, a contribué largement à la diffusion rapide, et à grande échelle, d'informations jusqu'alors restreintes aux cercles des convaincus: informations notamment sur la nature d'une école française, sur le nombre d'heures d'enseignement, sur l'apprentissage de la langue majoritaire, sur le rôle de la gestion d'une école. Ce double mouvement d'acquisition de structures institutionnelles et la mobilisation communautaire semblent aujourd'hui donner des résultats: le nombre de locuteurs du français en milieu minoritaire augmente par la voie de l'instruction, principalement dans des écoles homogènes.

Mais si le droit a joué un rôle majeur entre 1982 et 1995 eu égard aux développements scolaires des francophones minoritaires, notamment par des gains démolinguistiques, nous pouvons aujourd'hui nous poser deux questions. Cet élan peut-il être conservé? Et, encore plus fondamental pour le développement des minorités, le droit doit-il constamment se renouveler pour conserver son efficacité? Car, comme nous le montre le cas des francophones minoritaires, le droit est locus d'une mobilisation constitutive du développement communautaire.

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Annexe 1: L'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés
Droits à l'instruction dans la langue de la minorité

23.1) Les citoyens canadiens:

  1. dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident,

  2. qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province, ont, dans l'un ou l'autre cas, le droit d'y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.

    2) Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction.

    3) Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes 1) et 2) de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d'une province:

  3. s'exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l'instruction dans la langue de la minorité;

  4. comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics.

    -----------------------------------

    [1] Une première version de ce texte a fait l'objet d'une communication à l'Association canadienne Droit et Société, le 5 juin 1995. Je remercie chaleureusement Estelle Magny et François Pelletier pour leur appui dans la collecte des données. Leur travail méticuleux a été grandement apprécié. Cette recherche est subventionnée par le Conseil de la Recherche en Sciences humaines du Canada et le Ministère du Patrimoine Canadien.

    [2] Le terme employé par l'article 23 pour décrire la langue maternelle est celui consacré par Statistique Canada: «la première langue apprise et encore comprise». Deux autres critères d'éligibilité peuvent remplacer celui de la langue maternelle: avoir fait ses études au primaire dans la langue de la minorité, ou avoir un enfant qui fait ou a fait ses études au primaire dans la langue de la minorité.

    [3] C'est-à-dire toutes les provinces et territoires canadiens à l'exception du Québec. Nous utilisons l'expression «provinces canadiennes à majorité anglophones» pour les désigner.

    [4] Le texte de l'article 23 est en annexe. Pour une analyse de cet article et de ses retombées entre 1982 et 1990, voir Martel (1991).

    [5] Nous utilisons ce terme car, historiquement, dans de nombreuses situations particulièrement rurales, les regroupements démographiques ont permis aux francophones minoritaires d'être majoritaires au sein d'écoles relativement homogènes et même d'être majoritaires au sein de commissions scolaires. La vague de centralisation qui a débuté dans les années I960 a eu pour effet de minoriser les francophones dans les institutions scolaires.

    [6] Pour illustrer la nature structurelle de la condition de minorité linguistique, B. de Witte explique: «Elle [la minorité nationale] n'était pas une minorité conjoncturelle, qui pouvait espérer exercer le pouvoir après de nouvelles élections, mais une minorité structurelle, vouée à être mise en échec dans tous les domaines où elle s'oppose à la majorité, et ce sans perspective de changement, sauf retournement géographique» {1991: 114).

    [7] Pour une description des efforts déployés et des difficultés rencontrées par certains groupes francophones en vue de faire interpréter et appliquer les droits conférés par l'article 23, voir entre autres Martel (1991), Dubé (1993) et Julien (1993).

    [8] Dans la cause Manitoba Public Schools Act Reference [1993], 1 S.C.R. 839.

    [9] Mabé et als. c. la Reine, [1990] S.C.R. 460.

    [10] Rappelons que l'article 23 ne mentionne pas explicitement les termes «gestion» ou «contrôle» pour déterminer les droits scolaires des minorités (voir Annexe 1). Cependant, dans l'affaire Mahé et als. (1990), la Cour suprême a reconnu que ce droit est contenu dans l'expression «établissements de la minorité» inscrite au paragraphe 23(3)b), de même que dans l'esprit général de cet article constitutionnel qui, d'admettre les juges, émane d'une volonté «réparatrice».

    [11] Voir notamment le discours de Raymond Poirier, président de la Commission nationale des parents francophones, «Ne touchez pas à l'article 23 de la Charte» (1991). Voir aussi Foucher, Pierre, «Pour parachever les droits des minorités» (1992).

    [12] Le plus épique de ces débats aura sûrement été, en 1985, celui qui a divisé la communauté d'Inverness (Chéticamp) en Nouvelle-Ecosse alors que la minorité a été déchirée entre le choix de désigner une école acadienne (école de la minorité) et d'augmenter les heures d'instruction en français. Parmi les événements marquant ce débat notons, outre les réunions houleuses, le retrait des enfants de l'école en guise de protestation et la tenue d'un référendum.

    [13] Pour une description détaillée, voir le chapitre II de notre étude (Martel, 1991).

    [14] Les données des variables 3 et 4 sont pour les années civiles pertinences, alors que celles des variables 1 et 2 sont pour les années scolaires (septembre à juin).

    [15] La typologie créée par Churchill (1986) pour les pays de l' ocde démontre que ce type d'institution est encore relativement rare dans ces pays. En effet, les préoccupations principales de l'instruction à une minorité demeurent très largement, à long terme, celles de l'acquisition de la langue dominante et de l'intégration au groupe majoritaire.

    [16] Puisque la compilation spéciale de Statistique Canada comportait exclusivement les cellules «famille», nous les avons ajustées de manière à tenir compte des familles monoparentales. Pour ce faire, le nombre de ces dernières a été jugé proportionnel à celui de la majorité de sa province ou territoire respectif.

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