Du référendum à la sécession - Le processus québécois d'accession à la souveraineté et ses enseignements en matière d'autodétermination

AutorDave Guénette - Alain-G. Gagnon
CargoDoctorant en droit, Université Laval, Québec - Professeur titulaire, Département de science politique, Université du Québec à Montréal
Páginas100-117
DU RÉFÉRENDUM À LA SÉCESSION – LE PROCESSUS QUÉBÉCOIS
D’ACCESSION À LA SOUVERAINETÉ ET SES ENSEIGNEMENTS EN MATIÈRE
D’AUTODÉTERMINATION
Dave Guénette*
Alain-G. Gagnon**
Résumé
Le Québec, en raison de ses deux référendums sur la souveraineté de 1980 et 1995, fait en quelque sorte gure de
proue au sein des démocraties occidentales. Voilà un État moderne et développé qui tente d’obtenir son indépendance
nationale, non pas en temps de guerre ou pour des raisons d’oppression politique grave, non plus pour mettre un terme
à une emprise coloniale sur son territoire ou pour s’affranchir d’un système politique antidémocratique, mais bien
pour des raisons avant tout culturelles, identitaires, linguistiques et économiques. En ce sens, et malgré les insuccès de
ses deux tentatives référendaires, il demeure juste d’accorder à la nation québécoise un rôle de pionnier en matière de
reconnaissance du droit à la sécession des nations minoritaires. Pour en faire état, nous étudierons dans cet article le
processus québécois d’accession à la souveraineté et ses enseignements en matière d’autodétermination, notamment
pour les indépendantistes catalans.
Mots-clés: autodétermination externe; nations minoritaires; sécession; référendum; Québec; processus souverainiste
catalan.
FROM REFERENDUM TO SECESSION – QUEBEC’S PROCESS TOWARDS SOVEREIGNTY
AND THE LESSONS THAT IT OFFERS IN TERMS OF SELF-DETERMINATION
Abstract
As a result of the two referenda on sovereignty held in 1980 and 1995, Quebec has somehow become something of
a gurehead for western democracies. It represents a modern developed state seeking national independence, not in
time of war or because of serious political oppression, or to end colonial dependence in its territory or rid itself of
an antidemocratic political system, but rather and above all by taking this path for cultural, identity, linguistic and
economic reasons. In this regard, and notwithstanding the fact that both referenda failed to bring independence, it is
still fair to grant the Québéquois nation a pioneering role in terms of recognising the right of minority nations to secede.
In adopting this approach, this article looks at the Québéquois process of accessing sovereignty and the lessons that it
can offer in terms of self-determination, especially for those who are in favour of Catalan independence.
Keywords: External self-determination; minority nations; secession; referendum; Quebec; Catalan sovereignty process.
* Dave Guénette, Doctorant en droit, Université Laval, Québec et Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, dave.
guenette.1@ulaval.ca.
** Alain-G. Gagnon, Professeur titulaire, Département de science politique, Université du Québec à Montréal (Titulaire de la Chaire
d’études sur le Québec contemporain 2016-2017. Sorbonne Nouvelle - Paris 3), gagnon.alain@uqam.ca, @AlainGGagnon.
Article reçu le 05.03.2017. Évaluation en aveugle: 03.04.2017 et 18.04.2017. Date d’acceptation de la version nale: 27.04.2017.
Citation recommandée: Guénette, Dave; GaGnon, Alain-G. «Du référendum à la sécession: le processus québécois d’accession
à la souveraineté et ses enseignements en matèrie d’autodétermination». Revista Catalana de Dret Públic, núm. 54 (juny 2017), p.
100-117, DOI: 10.2436/rcdp.i54.2017.2966.
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Sommaire
Introduction
1 La capacité constitutionnelle des institutions québécoises d’organiser une consultation populaire – Un
enjeu sans trop de débat ou d’opposition
1.1 Les aspects historiques menant aux consultations populaires sur la souveraineté du Québec
1.1.1 Les pratiques référendaires au Québec et au Canada avant les débats sur la sécession
1.1.2 Les référendums de 1980 et de 1995 sur la souveraineté du Québec
1.2 Les aspects juridiques permettant les référendums d’autodétermination au Canada
1.2.1 L’absence de restriction constitutionnelle positive à la tenue d’un référendum
1.2.2 Les pratiques constitutionnelles en matière de consultation populaire
2 La capacité constitutionnelle du Québec de déclarer son indépendance – Une question moins consensuelle
2.1 L’activisme des institutions fédérales
2.1.1 Le Renvoi relatif à la sécession du Québec et la conciliation d’intérêts fort divergents par la Cour
suprême du Canada
2.1.2 La Loi sur la clarté référendaire et le Parlement fédéral se déclarant à la fois partie et arbitre du
litige constitutionnel
2.2 L’évolution contemporaine du débat et les questions en suspens
2.2.1 Le seuil de majorité populaire requis pour permettre au Québec de déclarer son indépendance
2.2.2 Le ou procédural entourant l’obligation de négocier et la révision constitutionnelle
Conclusion
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Introduction
Au cours des 50 dernières années, le débat sur la capacité du Québec à déclarer son indépendance du reste
du Canada a animé la vie politique et constitutionnelle au pays. En effet, de l’élection du Parti québécois de
René Lévesque en 1976, en passant par les référendums de 1980 et 1995, sans oublier le Renvoi relatif à la
sécession du Québec1 et la Loi sur la clarté référendaire2 du Parlement fédéral, la question constitutionnelle
de la souveraineté du Québec fait partie du paysage politique canadien.
Le Québec fait ainsi en quelque sorte gure de proue au sein des démocraties occidentales. Voilà un État
moderne et développé qui tente d’obtenir son indépendance nationale, non pas en temps de guerre ou pour
des raisons d’oppression politique grave, non plus pour mettre un terme à une emprise coloniale sur son
territoire ou pour s’affranchir d’un système politique antidémocratique, mais bien pour des raisons avant
tout culturelles, identitaires, linguistiques et économiques. En ce sens, et malgré les insuccès de ses deux
tentatives référendaires, il demeure juste d’accorder à la nation québécoise un rôle de pionnier en matière de
reconnaissance du droit à l’autodétermination externe des nations minoritaires, et ce, tant d’un point de vue
académique que pratique.
D’une part, du côté scientique, existe une importante littérature relativement au droit des nations minoritaires
de faire sécession, laquelle a vocation non pas seulement à renvoyer à l’expérience québécoise, mais vise
plutôt une application à portée universelle. On peut diviser cette littérature en deux catégories, selon qu’elle
aborde de front l’enjeu du droit à l’indépendance dans les États multinationaux3, ou encore qu’elle fasse
du droit à l’autodétermination un enjeu formel à prendre en compte pour traiter du vivre-ensemble dans
les sociétés multinationales4. Sans prétendre que le cas québécois soit à la source de l’ensemble de cette
littérature, il en constitue néanmoins un incontournable, alimentant les réexions à bien des égards.
D’autre part, d’un point de vue pratique, depuis la tenue des référendums québécois sur la souveraineté-
association de 1980 et sur la souveraineté-partenariat de 1995, d’autres nations minoritaires évoluant dans
des contextes politiques somme toute similaires à celui du Québec ont également amorcé des démarches
sécessionnistes. On pense alors évidemment à l’Écosse, qui a tenu un référendum d’autodétermination en
2014, de même qu’à la Catalogne, qui a également organisé une consultation populaire indépendantiste en
2014, suivi d’une élection référendaire sur la même question en 2015, et qui prévoit maintenant un référendum
formel sur l’indépendance en 2017. Dans leur longue marche vers la souveraineté, tant les Écossais que les
Catalans se sont inspirés du processus québécois, de ses enseignements et des écueils qu’il a mis en lumière5.
Pour ces raisons, l’expérience québécoise et son processus – quoique inachevé – d’accession à la souveraineté
doivent être pris en compte. Néanmoins, les mouvements sécessionnistes d’aujourd’hui en Écosse et en
1 Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217.
2 Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession
du Québec, L.C. 2000, c. 26.
3 Alan Patten, « Democratic Secession from a Multinational State », Ethics, vol. 112, no 3, 2002, p. 558; Daniel Weinstock,
« Constitutionalizing the Right to Secede », Journal of Political Philosophy, vol. 9, no 2, 2001, p. 182; Hugues Dumont et Mathias
el Behroumi, « La reconnaissance constitutionnelle du droit de demander la sécession dans les États plurinationaux », dans Alain-G.
GaGnon et Pierre noreau (dir.), Constitutionnalisme, droits et diversité. Mélanges en l’honneur de José Woehrling, Montréal,
Thémis, 2017, [à paraitre]; Jorge caGiao y conDe, « Pluralisme national et autogouvernement: vers une constitutionnalisation du
droit d’autodétermination? », Conférence CRIDAQ, Université Laval, 3 octobre 2016; Olivier BeauD, « La sécession dans une
fédération et son rapport avec le pacte », Conférence de la CREQC, Université du Québec à Montréal, 17 janvier 2017.
4 Voir par exemple l’Institut d’été du CRIDAQ-EURAC: La politique dans les sociétés fragmentées: Cohésion, reconnaissance,
redistribution et sécession, Bolzano, 14-27 juin 2015; voir aussi Félix mathieu et Dave Guénette, « Empowering Minorities’ Societal
Culture Within Multinational Federations », dans Balveer arora, Nico steytler et Rekha saxena (dir.), The Value of Comparative
Federalism. The Legacy of Ronald L. Watts, [à paraître], où les auteurs font du droit à l’autodétermination externe un des 6 piliers de
leur index de culture sociétale (societal culture index).
5 Frédéric BérarD et Stéphane Beaulac, Droit à l’indépendance. Québec, Monténégro, Kosovo, Écosse, Catalogne, Montréal,
XYZ, 2015; François rocher et Elisenda casañas aDams, « L’encadrement juridique du droit de décider: la politique du connement
judiciaire en Catalogne et au Québec », dans Patrick taillon, Eugénie Brouillet et Amélie Binette (dir.), Un regard québécois
sur le droit constitutionnel. Mélanges en l’honneur d’Henri Brun et de Guy Tremblay, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p.
877; Anthony Beauséjour, « Les référendums sur la souveraineté de l’Écosse et de la Catalogne. Le Renvoi relatif à la sécession du
Québec en comparaison », mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2015.
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Catalogne, s’ils s’inspirent inévitablement de cette expérience, contribuent également à alimenter les débats,
non seulement en ce qui concerne la souveraineté du Québec, mais aussi plus largement en ce qui a trait au
droit à l’autodétermination des nations minoritaires au sein de sociétés multinationales démocratiques.
Il est clair que les enseignements québécois, écossais et catalans – mais aussi éventuellement ceux des cas
amands et sud-tyroliens par exemple – partagent d’importantes similitudes et contribuent à rendre plus
représentatif l’échantillonnage d’expériences de processus d’autodétermination externe pour les nations
minoritaires évoluant en contexte multinational. Ils participent certainement à une forme de dynamique
dialogique où l’expérience pratique d’un de ces cas précis peut se révéler avoir une inuence concrète sur les
débats au sein d’autres mouvements indépendantistes.
Partant de ce constat, le processus québécois d’accession à l’indépendance représente à la fois
chronologiquement et substantiellement un référent essentiel sur deux aspects fondamentaux distincts,
mais complémentaires. En effet, à la lumière des expériences écossaise et catalane, nous croyons qu’il
s’avère porteur de scinder les enseignements du cas du Québec selon qu’ils se rattachent à (1) la capacité
constitutionnelle des institutions québécoises d’organiser une consultation populaire, ou encore à (2) la
capacité du Québec de déclarer son indépendance du reste du Canada. Ces deux dimensions seront l’objet
de la présente étude.
1 La capacité constitutionnelle des institutions québécoises d’organiser une consultation
populaire – Un enjeu sans trop de débat ou d’opposition
Comme ont servi à le mettre en exergue les processus indépendantistes écossais et catalan, la capacité
constitutionnelle d’une nation minoritaire d’organiser une consultation populaire sur son territoire ne doit
pas être prise pour acquis. Alors qu’en Écosse, la tenue d’un référendum a d’abord dû être approuvée par le
gouvernement britannique à travers l’Accord d’Édimbourg6, en Catalogne, tant le gouvernement espagnol que
le Tribunal constitutionnel s’acharnent à refuser cette prérogative à la communauté autonome7. En ce sens,
traiter de la capacité constitutionnelle des institutions québécoises d’organiser une consultation populaire
nous apparaît essentiel. Pour ce faire, nous aborderons (1.1) les aspects historiques et (1.2) juridiques
autorisant les référendums d’autodétermination au Canada.
1.1 Les aspects historiques menant aux consultations populaires sur la souveraineté du Québec
Pour comprendre le contexte dans lequel s’inscrivent les référendums sur l’indépendance du Québec, de
même que leur fondement juridique, il faut d’emblée examiner (1.1.1) l’historique des pratiques référendaires
au pays avant les débats sur la sécession, pour ensuite se concentrer sur (1.1.2) les référendums de 1980 et
de 1995 sur la souveraineté du Québec.
1.1.1 Les pratiques référendaires au Québec et au Canada avant les débats sur la sécession
Les premiers piliers de la compétence du Québec d’organiser une consultation populaire sur son territoire
prennent racine dans les pratiques ayant eu cours depuis 1867 dans la province, ainsi que dans le reste du
Canada, en matière de référendums et de consultations populaires. En effet, « [p]our des raisons historiques
et contextuelles, le référendum, en général, et le droit des Québécois de choisir leur statut politique, en
particulier, se sont exercés de facto en s’affranchissant, à bien des égards, du dispositif institutionnel inscrit
dans la Constitution formelle8 ». On remarque ainsi que bien avant qu’il ne soit question d’organiser un
référendum ayant pour objectif de consulter la population québécoise relativement à l’indépendance de la
province, des pratiques de démocraties directes avaient lieu au Canada. Celles-ci ont eu pour effet de mettre
6 Agreement between the United Kingdom Government and the Scottish Government on a referendum on independence for Scotland,
15 octobre 2012. [Consultation: Avril 2017].
7 Voir par exemple : S.T.C. 31/2015, BOE no 64, p. 190 et S.T.C. 32/2015, BOE no 64, p. 213.
8 Patrick taillon, « Le référendum comme instrument de réforme paraconstitutionnelle au Québec et au Canada », dans Michel
seymour (dir.), Repenser l’autodétermination interne, Montréal, Thémis, 2016, pp. 269-270.
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en place, tant juridiquement que politiquement, les fondements de la capacité du Québec d’organiser une
consultation populaire.
Il convient, d’entrée de jeu, de noter la relative rareté des plébiscites au pays, et ce, tant à l’échelle canadienne
qu’à celle provinciale. À ce titre, reprenant les termes des juristes Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie
Brouillet : « Les régimes constitutionnels inspirés du modèle britannique sont généralement peu familiers
avec les techniques de fonctionnement dérivées de la démocratie directe9 ». Les pratiques référendaires ayant
été peu utilisées dans le régime politique canadien, celles-ci sont donc peu institutionnalisées et encadrées,
contrairement en ce qui se passe à titre d’exemple en Suisse.
Historiquement, des référendums ont été organisés au Canada en 1898 – relativement à la prohibition10
– et en 1942 – en ce qui a trait à la conscription11. Un troisième référendum pancanadien eut également
lieu en 1992 an de consulter la population relativement à l’Accord constitutionnel de Charlottetown12. Se
faisant, un total de trois consultations populaires ont eu lieu au Canada au cours des 150 premières années
de son existence. Encore aujourd’hui, l’État canadien n’a d’ailleurs qu’« une loi d’une portée limitée13 » en
matière de plébiscite, soit la Loi concernant les référendums sur la Constitution du Canada14. Cela témoigne
de la faible institutionnalisation de ses pratiques de consultation populaire. En conséquence, une certaine
ambigüité transcende le processus référendaire au Canada, tant dans ses fondements juridiques, dans son
organisation, que dans l’interprétation de ses résultats15.
Un phénomène similaire peut être observé au niveau provincial, même si les pratiques référendaires y
sont un peu plus fréquentes16. On remarque par exemple que « [l]a Saskatchewan, le Manitoba et l’Alberta
ont adopté des lois référendaires dès le début du 20e siècle17 » pour encadrer les pratiques de démocratie
directe, de même que certaines provinces soumettent dorénavant leur approbation d’une modication de
la Constitution à la tenue préalable d’un référendum sur leur territoire18. De plus, la grande majorité des
provinces ont aujourd’hui « une disposition législative prévoyant la tenue d’un plébiscite19 ».
En ce qui concerne le Québec, quatre référendums provinciaux s’y sont jusqu’à maintenant tenus20. Le
premier, qui remonte à 1919 et qui portait sur la prohibition, avait pu se tenir « en vertu d’une loi spéciale21 ».
Il constitue ainsi un précédent important, même si le Québec n’avait pas à ce temps de cadre législatif xe
régissant ses propres pratiques de démocratie directe. Ce n’est que 50 ans plus tard qu’un projet de loi de
l’Union nationale, formant alors le parti ministériel à l’Assemblée nationale du Québec, propose d’instaurer
9 Henri Brun, Guy tremBlay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 98.
10 Directeur Général Des élections Du QuéBec, La consultation populaire au Canada et au Québec, 3e éd., p. 14. [Consultation:
Avril 2017].
11 Id., p. 15.
12 Nous reviendrons sur ce référendum aux sections 1.1.2 et 1.2.2 pour explorer plus précisément son apport concernant la capacité
constitutionnelle du Québec en matière de consultation populaire.
13 Pierre Marquis, « Les référendums au Canada : les conséquences d’un processus décisionnel populiste pour la démocratie
représentative », 1993. [Consultation: Avril 2017].
14 Loi concernant les référendums sur la Constitution du Canada, L.C. 1992, c. 30. Comme son nom l’indique, cette loi ne peut
servir qu’à encadrer l’organisation d’un référendum portant sur la Constitution et n’a donc pas vocation à encadrer l’ensemble des
pratiques de démocratie directe au pays.
15 Dave Guénette, « Le référendum constitutionnel dans les sociétés fragmentées – L’expérience canadienne, son ambigüité
et ses conséquences », dans Patrick taillon et Amélie Binette (dir.), La démocratie référendaire dans les États plurinationaux,
Québec, Presses de l’Université Laval, [à paraître].
16 P. marQuis, préc., note 13.
17 H. Brun, G. tremBlay et e. Brouillet, préc., note 9, p. 98.
18 Constitutional Amendment Approval Act, R.S.B.C. 1996, c. 67; Constitutional Referendum Act, R.S.A. c. 25.
19 P. marQuis, préc., note 13.
20 Directeur Général Des élections Du QuéBec, « Référendums ». [Consultation: Avril 2017].
21 H. Brun, G. tremBlay et e. Brouillet, préc., note 9, p. 98.
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une loi-cadre en matière de consultation populaire22. Abandonné par le gouvernement libéral qui lui succède,
il faut attendre en 1978, sous le gouvernement indépendantiste du Parti québécois, pour qu’une telle loi soit
adoptée23. C’est dans ce cadre juridique que se tiendront trois référendums successifs au Québec, dont ceux
de 1980 et de 1995 sur la souveraineté de la province24.
Ce qu’on retient des pratiques référendaires au Québec et au Canada avant même les débats sur la sécession,
c’est que malgré la relative rareté de celles-ci, et bien qu’il y ait eu absence de cadre juridique et constitutionnel
formel pour les encadrer, le recours à cet outil démocratique demeure possible, à la fois pour les acteurs
politiques des provinces et ceux du gouvernement central. Nous pouvons maintenant tourner notre attention
vers l’étude des référendums québécois sur l’indépendance.
1.1.2 Les référendums de 1980 et de 1995 sur la souveraineté du Québec
Au tournant des années 1970, les Québécoises et Québécois n’avaient été appelés à se prononcer par voie
de référendum qu’à trois reprises dans toute leur histoire, soit en 1898, 1919 et 1942. Néanmoins, de 1966 à
1977, l’idée « de recourir à un référendum pour régler l’éternel débat constitutionnel a refait ponctuellement
surface25 ». Ce projet politique en vue de donner forme à l’autodétermination externe, inspiré par l’arrivée
au pouvoir du gouvernement de René Lévesque en 1976, a pris corps avec l’adoption de la Loi sur la
consultation populaire le 23 juin 197826, laquelle devait mener, le 20 mai 1980, à la tenue d’un premier
référendum sur la souveraineté du Québec.
C’est ainsi que le Québec vote sur le projet de « souveraineté-association » que lui propose son gouvernement.
Le résultat, s’il n’est pas ce qui était souhaité par les forces indépendantistes, a le mérite d’avoir permis
aux Québécois de s’exprimer quant à leur avenir constitutionnel et politique. Au bout d’une campagne
référendaire de 35 jours, 59,56% des Québécois se prononcent contre l’indépendance et 40,44% endossent
le projet indépendantiste, lors d’un scrutin au taux de participation de 85,61%27.
Mais au-delà de ces résultats, c’est plus spéciquement le processus référendaire qui doit retenir l’attention
puisque le gouvernement du Québec a pu agir seul et de manière autonome, sans consultation ni autorisation
d’Ottawa. En effet, formellement, le processus se déroule à l’intérieur du Québec et au sein même de ses
institutions. Il débute par un débat de plus de 36 heures à l’Assemblée nationale, se déployant sur 17 jours,
et au cours duquel tous les députés de toutes les orientations politiques ont l’occasion de s’exprimer28. Par
la suite, lors de la campagne référendaire, le chef du camp du « Oui » est René Lévesque, premier ministre
du Québec, et le chef du camp du « Non » est Claude Ryan, chef de l’opposition ofcielle de la province29.
Comme conséquence de la tenue formelle de ce débat uniquement entre acteurs politiques québécois, le
gouvernement central, s’il ne conteste pas la capacité du Québec d’organiser ce référendum, fait néanmoins
à sa tête et refuse « de se soumettre au système de comités nationaux établi par la Loi sur la consultation
populaire30 ». La Cour supérieure du Québec31 et le Conseil du référendum32 lui donneront éventuellement
22 Id., p. 98.
23 Id., p. 99.
24 Le troisième référendum québécois à s’être tenu depuis 1980 est celui sur l’Accord constitutionnel de Charlottetown. En effet,
malgré qu’il s’agisse d’une consultation pancanadienne, le gouvernement québécois avait alors insisté (et obtenu) pour que celle-ci
se tienne en vertu du cadre juridique de la Loi sur la consultation populaire, RLRQ c. C-64.1. Formellement, deux référendums
eurent donc lieu ce même jour.
25 Directeur Général Des élections Du QuéBec, préc., note 10, p. 26.
26 Id., p. 27.
27 H. Brun, G. tremBlay et e. Brouillet, préc., note 9, p. 113.
28
Directeur Général Des élections Du QuéBec, préc., note 10, pp. 37-38.
29 Id., p. 39.
30 H. Brun, G. tremBlay et e. Brouillet, préc., note 9, p. 112.
31 Boucher c. Mediacom, [1980] C.S. 481.
32 Boucher c. Mediacom, Conseil du référendum, 16 mai 1980.
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raison, permettant ainsi aux acteurs en provenance d’Ottawa d’intervenir au cours de la campagne référendaire,
et cela sans se plier aux normes législatives adoptées par l’Assemblée nationale.
Un précédent signicatif est alors établi. En effet, suivant ce précédent, le gouvernement québécois peut,
de manière autonome, organiser un référendum relativement à la souveraineté de la province, au sein même
de ses institutions et sans accord préalable avec Ottawa. En contrepartie, dans sa stratégie référendaire, le
gouvernement central peut agir comme il l’entend et sans se préoccuper du cadre juridique québécois.
De manière cohérente avec ce précédent, le référendum sur la souveraineté de 1995 a, d’un point de vue
procédural, beaucoup en commun avec celui de 1980. En effet, celui-ci se déroule formellement entre acteurs
politiques québécois – ce qui inclut un débat de 35 heures à l’Assemblée nationale et la formation de camps
du « Oui » et du « Non » dirigés par le premier ministre (Jacques Parizeau) et le chef de l’opposition ofcielle
(Daniel Johnson) du Québec33. Encore une fois, le gouvernement central refuse de se plier aux normes
juridiques québécoises, sans pour autant tenter de bloquer la tenue du référendum.
C’est toutefois du côté des résultats que le référendum de 1995 s’avère fort différent de celui de 1980. En
1995, l’option du « Non » l’emporte de justesse avec 50,58 % des suffrages, contre 49,42% pour le « Oui »,
et ce, avec une participation en forte hausse s’établissant à la participation de 93,52% des électeurs inscrits34.
Ce résultat aura pour effet d’inciter les autorités fédérales à changer de stratégie en réponse à la marche
québécoise vers l’indépendance35.
Au terme de ce bref examen historique de la capacité du Québec d’organiser un référendum sur son avenir
constitutionnel et politique, quelques conclusions s’imposent. D’abord, malgré la rareté des pratiques de
démocraties directes au pays, des référendums se sont tenus à quelques reprises et sur diverses questions
au Canada et dans les provinces depuis la signature du pacte constitutionnel de 1867. Ainsi, lorsque le
Québec décide de se doter d’un cadre juridique formel en matière de consultation populaire, et ce dans
l’objectif avoué de déclarer son indépendance, il apparaît difcile sinon impossible de prétendre lui nier
cette prérogative. Par conséquent, des référendums sur la souveraineté ont été tenus en 1980 et en 1995 et
les débats formels ont alors eu lieu strictement au sein des institutions québécoises. Le gouvernement central
intervient toutefois à sa manière dans ces campagnes référendaires, sans se soumettre aux lois provinciales
en la matière.
1.2 Les aspects juridiques permettant les référendums d’autodétermination au Canada
Au moment où s’accélère la marche du Québec vers l’indépendance, non seulement les précédents historiques
semblent-ils lui permettre d’organiser un référendum sur son territoire, mais le cadre juridique dans lequel
il évolue penche également dans cette direction. En effet, le droit constitutionnel canadien et sa nature, à la
fois écrite, coutumière et conventionnelle, mais aussi parfois désuète et silencieuse, auront des conséquences
sur le processus d’autodétermination du Québec. C’est donc dans ce constitutionnalisme propre au Canada
qu’il convient de dénir la marge de manœuvre des autorités politiques en matière de pratiques référendaires.
Ainsi, ce particularisme constitutionnel canadien impose de s’interroger à la fois sur ce que prévoient
formellement les textes, mais également sur ce qu’en disent les sources non écrites de la Constitution. Pour
en faire la démonstration, nous traiterons de (1.2.1) l’absence de restriction constitutionnelle à la tenue d’un
référendum, de même que des (1.2.2) pratiques en matière de consultation populaire.
1.2.1 L’absence de restriction constitutionnelle positive à la tenue d’un référendum
En ce qui a trait à la Constitution écrite, aucune mention n’y est faite relativement aux outils de démocratie
directe. En effet, tel que le relate le juriste Patrick Taillon, « [d]e l’origine de la fédération canadienne de
1867 à aujourd’hui, les textes de la Constitution canadienne ont toujours été silencieux quant à la possibilité
de tenir des référendums : tant pour la modication de la Constitution que pour l’adoption de lois fédérales
33 Directeur Général Des élections Du QuéBec, préc., note 10, p. 51.
34 Id., p. 56.
35 Nous y reviendrons à 2.1.
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ou provinciales, ils reposent, en effet, sur une conception strictement représentative de la démocratie36. »
Ce silence des textes, s’il n’est en rien un cas isolé en droit constitutionnel canadien37, n’a cependant pas
pour effet d’interdire ou de rendre plus juridiquement difcile le recours à l’outil référendaire. À ce titre,
pour juger de la légalité des consultations populaires en droit canadien, non seulement doivent être prises en
compte les dispositions constitutionnelles pouvant éclairer cette question, mais également la jurisprudence
produite à ce sujet au l du temps.
D’abord, en ce qui concerne les dispositions constitutionnelles qui, bien que ne portant pas directement
sur la possibilité d’organiser un référendum, peuvent être interprétées de cette manière, trois articles sont
particulièrement pertinents. En effet, suivant le raisonnement de Patrick Taillon, l’article 45 de la Loi
constitutionnelle de 198238 – qui porte sur la capacité de chaque province de modier unilatéralement sa
propre constitution –, l’article 92 (16) de la Loi constitutionnelle de 1867 – relatif au pouvoir législatif des
provinces dans « toutes les matières d’une nature purement locale ou privée » – et l’article 129 de la même
loi – traitant de la continuité des normes législatives en vigueur avant la Confédération de 1867 – sont
tous susceptibles de reconnaître l’existence d’une compétence provinciale au chapitre de l’organisation de
référendums39. Ensemble, ces dispositions constituent un fondement juridique solide établissant la légalité
de consultations populaires par le gouvernement du Québec.
Du côté de la jurisprudence, le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres et la Cour suprême du Canada
– qui a pris le relais en 1949 comme tribunal de dernière instance en droit canadien – ont tous les deux rendu
des arrêts dans lesquels ils ont, dans une certaine mesure, approuvé le recours aux mécanismes référendaires.
Le Comité judiciaire a d’abord rendu en 191940 et en 192241 des décisions importantes desquelles il ressort
qu’il est possible pour les provinces d’« invoquer l’article 45 [de la Loi constitutionnelle de 1982] pour
ajouter au régime parlementaire actuel certaines particularités relatives à la démocratie directe42 ». Plus tard,
la Cour suprême du Canada conrma sans nuance cette interprétation, notamment dans ses arrêts Haig43
et Libman44, puis encore plus explicitement dans son Renvoi relatif à la sécession du Québec de 1998.
Réafrmant la validité de la Loi sur la consultation populaire au Québec, de même que « le pouvoir des
provinces de consulter comme bon leur sembl[e] leurs propres électeurs45 », elle scella alors non seulement le
débat sur la capacité des acteurs politiques d’organiser des référendums, mais réitéra également la légitimité
démocratique de tels processus.
En ce sens, non seulement n’existe-t-il aucune restriction positive à la tenue d’un référendum en droit
canadien, mais force est de constater que l’esprit des textes constitutionnels, de même que la jurisprudence
du Conseil privé de Londres et celle produite par la Cour suprême du Canada conrment plutôt la thèse selon
laquelle la Constitution doit être interprétée de manière à permettre les plébiscites. À cet égard, comme nous
le verrons ci-dessous, les pratiques constitutionnelles sont également de nature à renforcer cet argumentaire.
1.2.2 Les pratiques constitutionnelles en matière de consultation populaire
Parallèlement au texte de la Constitution et à la jurisprudence constitutionnelle, la pratique mène également
à la conclusion qu’il doit être possible, selon le droit canadien, d’organiser des consultations populaires.
36 P. taillon, préc., note 8, aux pages 270 et 271.
37 Dave Guénette, « Le silence des textes constitutionnels canadiens – Expression d’une Constitution encore inachevée », Les
Cahiers de droit, vol. 56, nos 3-4, 2015, p. 411.
38 Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.). Cet article a remplacé l’article 92
(1) de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., c. 3 (R.-U.), mais en constitue néanmoins la continuité juridique.
39 P. taillon, préc., note 8, aux pages 274 et 275.
40 In re Initiative and Referendum Act, [1919] A.C. 935.
41 R. c. Nat Bell Liquors Ltd., [1922] 2 A.C. 128.
42 Benoît Pelletier, La Modication Constitutionnelle au Canada, Scarborough, Carswell, 1996, p. 167.
43 Haig c. Canada (Directeur général des élections), [1993] 2 R.C.S. 995.
44 Libman c. Québec (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 569.
45 Haig c. Canada (Directeur général des élections), préc., note 43, 1006.
Dave Guénette, Alain-G. Gagnon
Du référendum à la sécession. Le processus québécois d’accession à la souveraineté ...
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En effet, « [b]ien qu’il n’ait été ni voulu ni prévu par les rédacteurs de la Constitution, le référendum s’est
développé – en marge de la Constitution – grâce à une évolution des pratiques politiques et s’est consolidé
par une reconnaissance jurisprudentielle de cette pratique46 ». Ces précédents, antérieurs aux débats sur
la sécession du Québec, contribueront également à établir le socle de la légalité des référendums sur la
souveraineté de 1980 et 1995.
Tel que nous l’avons avancé à la section 1.1.1, avant les débats sur la sécession du Québec, des référendums
avaient eu lieu au Canada, au Québec et dans les autres provinces canadiennes, de même que des lois
référendaires avaient été adoptées dans certaines provinces pour encadrer ces consultations populaires.
Ensemble, ces pratiques et ces mécanismes législatifs ont constitué un bassin de précédents qui, quoiqu’en
marge du dispositif constitutionnel, ont formé les premiers embryons de la démocratie directe au Canada.
Faisant maintenant partie de la culture constitutionnelle canadienne, leur légalité ne fait l’objet d’aucun débat
lorsque le gouvernement du Québec annonce son intention d’organiser un référendum sur la souveraineté.
Ces précédents sont donc d’une importance signicative. En effet, la nature du droit constitutionnel canadien,
composite, hétéroclite et diffuse, a pour conséquence que de simples précédents peuvent avoir une portée
normative réelle et tangible. Pour citer les propos du juriste Allan C. Hutchinson, la Constitution canadienne
est un « bafing mish-mash of texts, customs, conventions, ideals, and cases47 ». En ce sens, vu la nature du
constitutionnalisme canadien, il y a fort à parier que si la compétence du Québec d’organiser une consultation
populaire avait été contestée, les précédents législatifs et les pratiques antérieures en matière de consultation
populaire, tant au plan fédéral que provincial, auraient contribué à la reconnaissance de cette prérogative
pour le Québec.
En résumé, de l’étude de ces dimensions historique et juridique, ressort l’absence d’ambigüité concernant
le pouvoir avéré du Québec d’organiser des référendums d’autodétermination sur son territoire. En effet,
les pratiques historiques en matière de consultation populaire au Canada, leur qualité de précédents
constitutionnels, l’absence de contestation de la part du gouvernement central lors des référendums de 1980
et 1995 et le cadre constitutionnel global militent tous en faveur de cette interprétation. C’est la raison pour
laquelle nous afrmons qu’il s’agit d’un enjeu qui ne suscite pas de débat ou d’opposition au Canada. Il en
est cependant autrement quant à la possibilité que le Québec puisse déclarer son indépendance.
2 La capacité constitutionnelle du Québec de déclarer son indépendance – Une question
moins consensuelle
Puisqu’il n’a jamais vraiment été question de remettre en cause la possibilité que le Québec consulte sa
population par voie de référendum, c’est davantage autour de la capacité de la nation québécoise à déclarer
son indépendance qu’ont eu cours les débats au Canada. Du moins depuis les résultats très serrés du
référendum de 1995, (2.1) les institutions fédérales ont fait preuve d’un certain activisme en réponse à
la marche québécoise vers l’indépendance. Cet activisme a notamment eu pour effet de (2.2) transformer
le débat constitutionnel et de faire surgir de nouvelles questions quant aux exigences à atteindre et aux
procédures à respecter lors d’un processus sécessionniste.
2.1 L’activisme des institutions fédérales
Au lendemain du référendum de 1995, où les indépendantistes québécois sont passés à environ 50.000
voix d’obtenir une majorité absolue des suffrages, le gouvernement canadien réagit, et ce, sur divers fronts.
Pour reprendre la formulation d’Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, « [l]e fait que l’option
souverainiste soit parvenue si près de la victoire a incité les autorités fédérales à réviser leurs positions
stratégiques48 ». S’il est vrai qu’il fait montre d’une certaine ouverture en prônant l’adoption au Parlement
46 P. taillon, préc., note 8, à la page 290.
47 Allan C. hutchinson, « Constitutional Change and Constitutional Amendment. A Canadian Conundrum », dans Xenophon
contiaDes (dir.), Engineering Constitutional Change. A Comparative Perspective on Europe, Canada and the USA, New York,
Routledge, 2013, pp. 51-53.
48 H. Brun, G. tremBlay et e. Brouillet, préc., note 9, p. 116.
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Du référendum à la sécession. Le processus québécois d’accession à la souveraineté ...
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canadien d’une motion en Chambre reconnaissant la « société distincte » du Québec49, de même qu’en
octroyant à la province un véto législatif sur certaines révisions constitutionnelles50, le gouvernement central
durcit le ton quant au projet indépendantiste québécois. Dans cette intervention, (2.1.1) il demande d’abord
à la Cour suprême du Canada de se positionner quant à la légalité d’une déclaration de sécession de la part
du Québec. Recevant une réponse somme toute nuancée de cette dernière, (2.1.2) il se tourne ensuite vers le
Parlement canadien, où il fait adopter la Loi sur la clarté référendaire.
2.1.1 Le Renvoi relatif à la sécession du Québec et la conciliation d’intérêts fort divergents par la
Cour suprême du Canada
Existe en droit canadien une procédure permettant au pouvoir exécutif de consulter le pouvoir judiciaire pour
obtenir son opinion sur des questions juridiques et constitutionnelles. Au fédéral, c’est l’article 53 de la Loi
sur la Cour suprême51 qui permet au gouvernement central de poser ces questions à la plus haute juridiction
constitutionnelle au pays. Les avis de la Cour suprême – ses renvois – bien que formellement consultatifs,
revêtent alors néanmoins une force normative certaine et les autorités politiques agissent conséquemment à
ceux-ci.
C’est donc en vertu de cette procédure que « le gouvernement fédéral se tourna, en septembre 1996, vers la
Cour suprême du Canada52 » an de lui demander si, en vertu du droit constitutionnel canadien et du droit
international, le Québec pouvait procéder unilatéralement à sa sécession du reste du Canada. Le gouvernement
québécois, pour sa part, voulant éviter de donner de la légitimité à un processus où des institutions proprement
fédérales se prononceraient sur le droit du Québec de déclarer son indépendance, décida de ne pas participer
au débat devant la Cour suprême : « The Quebec government refused to participate in what it saw as nine
federally appointed people deciding on the right to self-determination of the Quebec people53 ».
C’est deux ans plus tard, soit le 20 août 1998, que la Cour suprême du Canada fait connaître sa décision
à travers le Renvoi relatif à la sécession du Québec. D’une grande richesse juridique et pédagogique, ce
renvoi de la Cour suprême a fait – et continu de faire – l’objet d’une littérature signicative et d’un écho
international certain54. Pour étudier et résumer les enseignements de ce renvoi, il convient d’aborder en
deux temps la mécanique juridique mise de l’avant par la Cour suprême, soit, en premier lieu, les principes
sous-jacents à la Constitution sur lesquels la Cour fonde son raisonnement, puis, en second lieu, de leur
application à un contexte de sécession.
Puisqu’elle se retrouve face à un silence absolu des textes constitutionnels en ce qui concerne les enjeux
relatifs à la sécession55, la Cour doit construire son argumentaire sur les sources non écrites de la Constitution.
Elle afrme alors : « Derrière l’écrit transparaissent des origines historiques très anciennes qui aident à
comprendre les principes constitutionnels sous-jacents. Ces principes inspirent et nourrissent le texte de la
Constitution : ils en sont les prémisses inexprimées56 ». La Cour poursuit en indiquant que le fédéralisme, la
démocratie, le constitutionnalisme et la primauté du droit, et le respect des droits des minorités sont quatre
principes constitutionnels parmi les plus fondamentaux au Canada, ajoutant que ceux-ci « fonctionnent en
symbiose » et qu’aucun « de ces principes ne peut être déni en faisant abstraction des autres » ou encore
49 canaDa, chamBres Des communes, Débats de la Chambre des communes, 29 novembre 1995, p. 16971.
50 Loi concernant les modications constitutionnelles, L.C. 1996, c. 1.
51 Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, c. S-26.
52 F. rocher et e. casanas aDams, préc., note 5, à la page 899.
53 Nathalie Des rosiers, « From Quebec Veto to Quebec Secession : The Evolution of the Supreme Court of Canada on Quebec-
Canada Disputes », Canadian Journal of Law & Jurisprudence, vol. 13, no 2, 2000, pp. 171-172.
54 Frédéric BérarD, « De la réceptivité des enseignements de la Cour suprême à l’échelle internationale : impacts et répercussions
du Renvoi sur la sécession du Québec », dans P. taillon et A. Binette (dir.), préc., note 15.
55 Eugénie Brouillet, « Le fédéralisme et la Cour suprême du Canada : quelques réexions sur le principe d’exclusivité des
pouvoirs », Revue québécoise de droit constitutionnel, vol. 3, 2010, pp. 60-61.
56 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 1, par. 49.
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« empêcher ou exclure l’application d’aucun autre57 ». Nous sommes donc en présence de normes d’égale
valeur en ce qu’ils incarnent le principe surdéterminant de l’équiprimordialité établissant qu’aucun des
acteurs ne peut se défaire de l’un ou de l’autre de ces principes en vue d’avantager sa propre position.
Après un examen détaillé de chacun de ces quatre principes58, la Cour en vient à appliquer ceux-ci à la
démarche sécessionniste du Québec. Son raisonnement peut être ainsi résumé : « Le principe du fédéralisme,
joint au principe démocratique, exige que la répudiation claire de l’ordre constitutionnel existant et
l’expression claire par la population d’une province du désir de réaliser la sécession donnent naissance à
une obligation réciproque pour toutes les parties formant la Confédération de négocier des modications
constitutionnelles en vue de répondre au désir exprimé59 ». À savoir ce que constitueraient une question
claire, une réponse claire ou encore une négociation de bonne foi60, la Cour refuse de se prononcer, qualiant
ces questions d’enjeux politiques : « La Cour n’a aucun rôle de surveillance à jouer sur les aspects politiques
des négociations constitutionnelles. De même, l’incitation initiale à la négociation, à savoir une majorité
claire en faveur de la sécession en réponse à une question claire, n’est assujettie qu’à une évaluation d’ordre
politique, et ce à juste titre61 ».
Le politologue François Rocher retient ainsi essentiellement trois enseignements de cet avis de la Cour
suprême : (1) « un projet de sécession – ou de modication de l’ordre constitutionnel canadien – [est] légitime
si celui-ci [est] le fruit de la volonté populaire exprimée dans le cadre d’un référendum exempt d’ambiguïtés
concernant tant la question posée que les résultats obtenus lors d’une consultation référendaire », (2) « la
légitimité démocratique du projet sécessionniste impos[e], en contrepartie, une obligation constitutionnelle
de négocier de la part du Canada » et (3) « la Cour n’entend[…] plus se prononcer sur ces questions et
remet[…] aux acteurs politiques la responsabilité de juger si les ambiguïtés ont été résolues en fonction de
leur appréciation des circonstances62 ». En résumé donc, si un référendum sur la souveraineté du Québec
obtenait l’appui clair de la population, en réponse à une question claire, les autorités politiques du Québec et
du Canada auraient l’obligation constitutionnelle de négocier de bonne foi pour donner suite à l’expression
de ce choix.
Avec cette décision, la Cour suprême a donc véritablement procédé à la conciliation d’intérêts fort divergents.
En effet, nuancé, son argument a été généralement bien reçu, autant au Québec que dans le reste du Canada.
Tout porte également à croire que c’est là le fruit d’un effort conscient de la Cour : « Après le [Renvoi relatif à
la sécession du Québec], plusieurs auteurs avaient souligné le souci de la Cour suprême de rendre acceptable
son argumentaire à l’auditoire des justiciables québécois63 ». Par exemple, pour le juriste Frédéric Bérard:
Le Renvoi sur la sécession du Québec constitue, aux yeux de plusieurs, une réponse porteuse et nuancée
aux enjeux complexes que porte en son sein la dynamique sécessionniste. En conrmant la symbiose entre
démocratie, primauté du droit, constitutionnalisme, protection des minorités et fédéralisme, d’aucuns
pourraient arguer que la Cour suprême du Canada a en effet réussi, à maints égards, à trancher un nœud
gordien jusqu’alors indénouable64.
De leur côté, le politologue François Rocher et la juriste Elisenda Casañas Adam insistent sur la réception
de l’argumentaire de la Cour suprême, tant au Québec que dans le Canada anglais, de même que sur la
préservation de sa neutralité en tant qu’arbitre constitutionnel:
57 Id., par. 49.
58 Id., par. 49-82.
59 Id., par. 88.
60 Patrick taillon et Alexis Deschênes, « Une voie inexplorée de renouvellement du fédéralisme canadien: l’obligation
constitutionnelle de négocier des changements constitutionnels », Les Cahiers de droit, vol. 53, no 3, 2012, p. 461.
61 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 1, par. 100.
62 François rocher, « Les incidences démocratiques de la nébuleuse obligation de clarté du Renvoi relatif à la sécession du
Québec », dans P. taillon et A. Binette (dir.), préc., note 15.
63 Catherine mathieu et Patrick taillon, « Le fédéralisme comme principe matriciel dans l’interprétation de la procédure de
modication constitutionnelle », Revue de droit de McGill, vol. 60, no 4, 2015, p. 786.
64 F. BérarD, préc., note 54.
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Il apparut [le Renvoi] donc comme le fruit d’un raisonnement équilibré, tout en préservant la légitimité du
pouvoir judiciaire. La Cour suprême avait réussi le tour de force de déclarer illégale la sécession unilatérale
du Québec tout en ouvrant la porte à un processus qui pourrait, théoriquement, se traduire par son départ à
la suite de négociations menées de bonne foi. Les deux auditoires visés par le Renvoi pouvaient y puiser des
arguments renforçant leur position. Le statut d’arbitre de la Cour n’était pas remis en question65.
2.1.2 La Loi sur la clarté référendaire et le Parlement fédéral se déclarant à la fois partie et arbitre
du litige constitutionnel
Devant la nuance et l’ouverture laissée par le renvoi de la Cour suprême, le gouvernement du Canada
se tourna alors vers le Parlement fédéral pour donner suite à cette décision. En fait, pour reprendre la
formulation de Patrick Taillon : « N’ayant pas totalement convaincu la Cour suprême de l’à-propos de
leurs prétentions fondées sur la primauté du droit, les autorités fédérales ont réagi à l’avis de la Cour par
l’édiction d’une loi66 ». À travers celle-ci67, le Parlement fédéral se déclare à la fois partie et arbitre du litige
constitutionnel. En effet, estimant que « la Chambre des communes, seule institution politique élue pour
représenter l’ensemble des Canadiens, a un rôle important à jouer pour déterminer en quoi consistent une
question et une majorité sufsamment claires pour que le gouvernement du Canada engage des négociations
sur la sécession d’une province du Canada68 », le Parlement fédéral adopte une loi octroyant à la Chambre le
pouvoir de se prononcer, préalablement au référendum, au sujet de la clarté de la question69 et, à la suite de
celui-ci, sur la clarté de la majorité s’y étant exprimée70.
Deux problèmes majeurs – à tout le moins – se dégagent de cette loi, soit (1) le rôle d’arbitre de la Chambre
des communes, de laquelle la neutralité peut être remise en cause, et (2) le contrôle a posteriori de la clarté
du résultat du référendum. En premier lieu, quant au rôle schizophrénique de la Chambre des communes,
il est hautement problématique d’octroyer entièrement et uniquement à une institution politique fédérale le
droit absolu et discrétionnaire de juger de la clarté de la question et de la réponse référendaire. En effet, tel
que l’afrme le juriste Stephen Tierney, « the Supreme Court of Canada conrmed that the determination
of the question’s clarity was to be left to the “political actors”. The court did not, however, suggest that this
issue should be resolved exclusively by actors at federal level71 ». En ce sens, nous partageons la position
selon laquelle « [s]i la Chambre des communes peut, sans nul doute, exprimer un avis politique, parmi
d’autres, elle n’a certainement pas la compétence constitutionnelle de trancher ou d’arbitrer unilatéralement
cette question72 ».
En second lieu, en ce qui concerne le contrôle a posteriori de la clarté du résultat référendaire, celui-ci est
problématique en raison de l’ambiguïté qui s’en accompagne73, mais aussi et surtout pour le doute qu’il porte
relativement au respect du principe démocratique. En effet, avec ce mécanisme de contrôle a posteriori, « les
responsables politiques fédéraux arrivent à changer à la fois les règles du jeu démocratique en cours de route,
par une rupture avec la règle conventionnelle du 50 % plus un, et à s’octroyer, du même coup, une capacité
extraordinaire à réécrire ou, à tout le moins à préciser, les règles du jeu une fois que l’épreuve référendaire
a été disputée74 ». Ainsi, par cette loi qui devait donner « effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour
65 F. rocher et E. casanas aDams, préc., note 5, à la page 906.
66 Patrick taillon, « De la clarté à l’arbitraire : Le contrôle de la question et des résultats référendaires par le Parlement canadien »,
Revista d’estudis autonòmics i federals, no 20, 2014, pp.15-16.
67 Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession
du Québec, préc., note 2.
68 Id., préambule.
69 Id., art. 1.
70 Id., art. 2.
71 Stephen tierney, Constitutional Referendums, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 318.
72 P. taillon, préc., note 66, à la page 22.
73 Id., à la page 36.
74 Id., aux pages 37 et 38.
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suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec75 », le Parlement fédéral a plutôt
mis sur pied un dispositif législatif prétendant lui permettre de décréter – unilatéralement et arbitrairement
a priori la clarté de la question référendaire et a posteriori, la clarté de la réponse. En ce sens, la loi sur la
clarté « se démarque par une mauvaise foi manifestement contraire aux enseignements de la Cour76 » et aux
principes constitutionnels sous-jacents.
Pour ces raisons, nous abondons dans le même sens que Patrick Taillon lorsqu’il utilise l’expression de la
clarté à l’arbitraire pour décrire les effets de la loi fédérale sur la clarté. D’ailleurs, en réponse à cette loi
– dont les visées démocratiques nous apparaissent plus que douteuses –, l’Assemblée nationale du Québec
a adopté la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État
du Québec77. Dans celle-ci, et coup sur coup, elle reconnaît l’importance politique du Renvoi relatif à la
sécession du Québec, de même qu’elle dénonce la « politique du gouvernement fédéral visant à remettre
en cause la légitimité, l’intégrité et le bon fonctionnement de ses institutions démocratiques nationales »,
notamment par l’adoption de la Loi sur la clarté référendaire78. Fruit d’un choix politique, les autorités
politiques du Québec ont ainsi préféré répondre à la Loi sur la clarté référendaire par une loi québécoise
plutôt qu’en la contestant devant les tribunaux.
Néanmoins, cette loi québécoise n’est pas exempte de critiques. Adoptée par l’Assemblée nationale du
Québec, elle afrme que « [l]e peuple québécois détermine seul, par l’entremise des institutions politiques
qui lui appartiennent en propre, les modalités de l’exercice de son droit de choisir le régime politique et le
statut juridique du Québec79 », sans faire référence à l’obligation constitutionnelle de négocier. La loi établie
également que lors d’un référendum, « l’option gagnante est celle qui obtient la majorité des votes déclarés
valides, soit 50% de ces votes plus un vote80 », ce pourcentage étant vu comme sufsant pour satisfaire à la
nécessaire clarté des résultats.
Ainsi, s’il est vrai que tant les autorités politiques fédérales que québécoises ont accueilli favorablement le
Renvoi relatif à la sécession du Québec, elles ont également adopté des lois visant à y donner suite dans
lesquelles elles en proposent des interprétations fort différentes, marquant ainsi l’absence de consensus quant
aux exigences suivant lesquelles le Québec pourrait se déclarer souverain. En ce sens, cet activisme des
institutions fédérales qui a suivi le référendum de 1995 a donc fait évoluer le débat constitutionnel et surgir
de nouvelles questions.
2.2 L’évolution contemporaine du débat et les questions en suspens
Le Renvoi relatif à la sécession du Québec a incontestablement marqué un point tournant dans le processus
québécois d’accession à la souveraineté. Il a d’abord résolu quelques questions de première importance,
notamment celle sur la capacité du Québec de faire sécession du reste du Canada à condition de respecter
certaines exigences – question claire, réponse claire et négociations préalables. Mais le renvoi a également
fait émerger de nouvelles questions. Parmi celles-ci, nous discuterons dans la prochaine section (2.2.1) du
seuil de majorité populaire requis pour permettre au Québec de déclarer son indépendance, de même que
(2.2.2) du ou procédural entourant l’obligation de négocier et le processus de révision constitutionnelle
applicable.
2.2.1 Le seuil de majorité populaire requis pour permettre au Québec de déclarer son indépendance
La Cour suprême traite abondamment du concept de majorité claire dans son renvoi, l’expression de cette
majorité devant constituer le point de départ effectif d’un processus sécessionniste : « un vote qui aboutirait
75 Soit le titre ofciel de la Loi sur la clarté référendaire.
76 Frédéric BérarD, « Du caractère léniant de la règle de droit interne en matière d’accession à l’indépendance: les impacts du
renvoi relatif à la sécession du Québec », dans M. seymour (dir.), préc., note 8, p. 245, à la page 262.
77 Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, RLRQ, c. E-20.2.
78 Id., préambule.
79 Id., art. 3.
80 Id., art. 4.
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à une majorité claire au Québec en faveur de la sécession, en réponse à une question claire, conférerait au
projet de sécession une légitimité démocratique que tous les autres participants à la Confédération auraient
l’obligation de reconnaître81 ». Refusant toutefois de se prononcer explicitement sur ce que représenterait une
telle majorité claire82, la Cour laisse du même coup cet élément fondamental en ottement. En conséquence,
les pouvoirs politiques à Ottawa83 et à Québec84 se sont empressés de saisir la balle au bond et d’adopter des
législations – se contredisant l’une l’autre – relativement à la clarté référendaire.
Ainsi, de l’incertitude à savoir si le Québec détenait la capacité de déclarer son indépendance, le débat a
évolué vers qu’est-ce que serait une majorité claire lui permettant de le faire. En effet, la décision de la
Cour suprême rend difcile de savoir si elle privilégie une majorité claire au sens quantitatif – c’est-à-
dire une majorité renforcée –, ou bien si la clarté doit être interprétée eu égard à des critères davantage
qualitatifs. Néanmoins, malgré ce ottement, la Cour fournit un élément de réponse signicatif dans son
renvoi lorsqu’elle précise : « nous parlons de majorité “claire” au sens qualitatif. Pour être considérés comme
l’expression de la volonté démocratique, les résultats d’un référendum doivent être dénués de toute ambiguïté
en ce qui concerne tant la question posée que l’appui reçu85 ».
La Cour énonce ainsi le principe selon lequel pour être claire, la majorité ne doit donc laisser aucun doute
quant à l’expression de la volonté démocratique. Selon certains, pour être exempt d’ambiguïté, « [l]es volets
qualitatif et quantitatif seraient ainsi, en quelque sorte, symbiotiques86 » dans l’analyse de la clarté des
résultats référendaires. S’il s’agit d’un point de vue qui soit défendable, force est de constater que la Cour
suprême ne fait jamais mention de majorité claire au sens quantitatif du terme dans son renvoi.
Les juges font toutefois sciemment le choix d’utiliser le terme claire et non renforcée pour désigner cette
majorité nécessaire87. À ce titre donc, si les termes et la formulation employés par la Cour suprême n’ont pas
pour effet d’écarter expressément la possibilité d’une majorité claire au sens où elle devrait être renforcée,
une interprétation littérale pointe dans une autre direction. La majorité claire serait ainsi celle qui rallie
l’appui de 50 %+1 de la population (ce qui constitue une majorité absolue) et qui a été obtenue dans un
contexte permettant la libre expression de la volonté démocratique du peuple. La clarté des résultats – soit
l’absence d’ambigüité relativement à ceux-ci – serait alors davantage tributaire du contexte social, politique
et juridique dans lequel la majorité s’est manifestée.
La majorité claire au sens qualitatif dont traite la Cour suprême pourrait très bien se retrouver, sur un
continuum, entre une majorité simple, une majorité absolue et une majorité renforcée. En effet, alors qu’une
majorité simple exige uniquement l’obtention d’une pluralité des voix, la majorité absolue, pour sa part,
requiert un appui de 50 %+1 des suffrages exprimés. Elle à ainsi l’avantage de donner le même poids politique
à chaque vote lors de la consultation. Enn, une majorité renforcée commande un soutien plus élevé que
celui de 50 %+1 des suffrages exprimés. On peut alors solliciter un appui de 55 ou 60 % par exemple pour
considérer qu’une option l’emporte.
En ce sens, la majorité claire est plus exigeante que la majorité simple ou la majorité absolue puisqu’elle
s’accompagne de critères qualitatifs supplémentaires, mais demeure quantitativement plus facile à atteindre
que la majorité renforcée. Ces exigences supplémentaires permettraient par ailleurs d’assurer ladite clarté
des résultats référendaires, agissant donc comme gardien de la légitimité de l’expression populaire. On peut
alors penser qu’un taux de participation élevé lors d’un référendum exempt d’irrégularités où la population
81 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 1, par. 150.
82 Id., par. 100.
83 Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession
du Québec, préc., note 2, art. 2.
84 Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, préc., note 77, art. 4.
85 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 1, par. 87.
86 F. BérarD, préc., note 76, à la page 255.
87 F. rocher, préc., note 62 : « [l]’avis privilégie l’obtention d’une majorité claire “au sens qualitatif”, sans pour autant qu’il précise
le sens à donner à ce passage. Il n’utilise pas le terme, pourtant répandu, de majorité “qualiée” qui aurait eu pour effet d’imposer un
seuil qui irait au-delà du 50 pour cent des voix exprimées plus une ».
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doit répondre à une question claire et où les gouvernements se sont entendus à l’avance sur les règles
fondamentales du processus, jumelés à une majorité absolue de 50 %+1, auraient pour effet de constituer
une majorité claire. Celle-ci, de par ses éléments constitutifs, serait plus susceptible de respecter à la fois
les principes constitutionnels du fédéralisme, du constitutionnalisme et de la primauté du droit et de la
démocratie.
En ce sens, puisque c’est l’expression de cette majorité claire de Québécois en faveur de l’indépendance
qui entraînerait l’obligation de négocier entre les « deux majorités légitimes88 » présentes au Canada, il
apparaît indispensable que ces dernières s’entendent sur le sens à donner à la clarté référendaire. Autrement
dit, l’unilatéralisme qui a caractérisé jusqu’ici l’action des acteurs politiques provinciaux et fédéraux
relativement au mouvement indépendantiste québécois ne semble plus être une option réaliste. Il appert aussi
que le processus mis de l’avant en Écosse devrait guider le comportement des acteurs en présence lors d’un
nouveau référendum sur la souveraineté : « la récente aventure écossaise révèle, sûrement ironiquement,
à quel point Londres et Édimbourg semblent, du moins de manière implicite, avoir suivi in extenso les
enseignements du plus haut tribunal canadien89 ».
Conséquemment, les éléments constitutifs de la majorité claire requise par la Cour suprême devraient, dans
un scénario idéal, être xés de manière consensuelle entre Québec et Ottawa, de même qu’ils devraient aussi
être déterminés et connus en amont de l’exercice référendaire. Seules ces conditions sont susceptibles de
laisser librement s’exprimer, dans le respect des principes sous-jacents du fédéralisme et de la démocratie,
une majorité claire de Québécois, donnant ainsi naissance à une obligation de négocier.
2.2.2 Le ou procédural entourant l’obligation de négocier et la révision constitutionnelle
À partir du moment où une majorité claire de Québécois s’exprimerait en faveur de l’indépendance,
enclenchant ainsi le processus de sécession, existe un ou procédural à savoir comment opérationnaliser ce
processus. Suivant, encore une fois, le raisonnement de la Cour suprême, on peut à tout le moins distinguer
deux étapes majeures de ce processus, soit la négociation des termes de la sécession entre les acteurs
politiques, puis la ratication d’une entente de sécession par la voie de la modication de la Constitution du
Canada.
En ce qui concerne l’étape de la négociation, la Cour ne laisse aucune ambigüité quant au caractère obligatoire
de celle-ci. Si elle rejette la possibilité que le Québec puisse déclarer unilatéralement son indépendance,
elle prévoit du même coup l’obligation de négocier, de la part du reste du Canada, dans l’éventualité d’un
référendum gagnant. Pour reprendre sa formulation, ce référendum donnerait « naissance à une obligation
réciproque pour toutes les parties formant la Confédération de négocier des modications constitutionnelles
en vue de répondre au désir exprimé90 ».
Ce n’est pas tant le contenu de ces négociations qui importe ici91, mais plutôt les enjeux procéduraux s’y
rattachant, soit les parties étant appelées à y participer et le cadre dans lequel elles se tiendraient. Quant aux
acteurs participant aux négociations, il existe un important débat à savoir s’il devrait s’agir d’un processus
bilatéral ou multilatéral. Autrement dit, les négociations devraient-elles se dérouler uniquement entre les
gouvernements du Québec et du Canada, ou bien devraient-elles également inclure ceux des neuf autres
provinces et des territoires? La Cour ne le précise pas. En effet, la Cour mentionne d’abord qu’un référendum
gagnant au Québec « imposerait aux autres provinces et au gouvernement fédéral l’obligation de prendre en
considération et de respecter cette expression de la volonté démocratique en engageant des négociations92 »,
mais ajoute ensuite que les discussions devraient avoir lieu entre « les représentants de deux majorités
88 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 1, par. 93.
89 F. BérarD, préc., note 76, à la page 263.
90 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 1, par. 88 (nos italiques).
91 C’est-à-dire, par exemple, les enjeux relatifs aux « questions économiques, la dette, les droits des minorités, les peuples
autochtones et les frontières territoriales » : Stéphane Dion, « Le Renvoi relatif à la sécession du Québec : des suites positives pour
tous », Revue québécoise de droit constitutionnel, vol. 6, 2016, p. 3, à la page 8.
92 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 1, par. 88 (nos italiques).
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légitimes, à savoir une claire majorité de la population du Québec et une claire majorité de l’ensemble
du Canada quelle qu’elle soit93 ». Impossible donc de déterminer avec certitude si la Cour opte pour le
bilatéralisme ou le multilatéralisme dans le cadre de ces négociations devant mener à une entente sur les
termes de la sécession. Le juriste Frédéric Bérard soulève cependant un point intéressant en afrmant que les
autres provinces pourraient déléguer leur rôle de négociation au gouvernement fédéral, de manière à faciliter
cette étape du processus94.
Quant au déroulement des négociations, il demeure difcile de prévoir ou d’encadrer celui-ci. En effet,
malgré leur récurrence historique, « les conférences constitutionnelles sont une forme d’objet juridique non
identiée en droit canadien. Leur initiative, leur déroulement, leurs participants et leur caractère contraignant
demeurent l’objet de questions nébuleuses95 ». Néanmoins, sans trop élaborer sur ce sujet, la Cour suprême
établit que les acteurs politiques devraient « mener les négociations sans jamais perdre de vue les principes
constitutionnels », ceux-ci devant « guider le comportement de tous les participants à ces négociations96 ».
Si ces acteurs politiques en venaient à une entente concernant les termes de la sécession du Québec97, celle-
ci devrait encore, pour être juridiquement effective et ainsi respecter le droit interne, être ratiée à la faveur
d’une modication formelle de la Constitution98. La question qui se pose alors est simple : quelle procédure
de révision constitutionnelle permettrait d’ofcialiser la sécession du Québec? Le processus constituant
canadien étant fort diversié, plusieurs thèses se font concurrence et méritent notre attention.
La Cour ayant déjà rejeté l’unilatéralisme en matière de sécession, les procédures de révision par loi
ordinaire du gouvernement fédéral99 ou des provinces100 doivent alors être exclues. La procédure bilatérale de
révision101, pour sa part, peut sembler intéressante en ce qu’elle trouverait un écho certain dans l’expression
des « représentants de deux majorités légitimes102 » que la Cour emploie dans le Renvoi relatif à la sécession.
Il semble toutefois peu probable que le gouvernement fédéral et ceux des provinces anglophones décident
d’emprunter cette voie. La procédure « normale » dite du 7/50103, exigeant l’accord du fédéral et de sept
provinces réunissant au moins 50% de la population canadienne, pourrait alors être applicable104, celle-ci
représentant la procédure résiduaire de révision constitutionnelle. Il a même été envisagé qu’une procédure
implicite et sui generis de révision puisse exister uniquement et spéciquement pour régler le cas d’une
sécession105.
À la lumière des enseignements récents de la Cour suprême dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat106,
il y a néanmoins de bonnes raisons de croire que la procédure de révision privilégiée serait celle de
93 Id., par. 93 (nos italiques).
94 F. BérarD, préc., note 76, pp 257-258.
95 Dave Guénette, « La modication constitutionnelle au Canada – Quelle procédure de révision pour quelle Constitution? »,
Revue belge de droit constitutionnel, vol. 21, no 4, 2015, pp 417-448.
96 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 1, par. 94.
97 Laquelle entente devrait revêtir une forme similaire à l’Accord constitutionnel du lac Meech ou à l’Entente constitutionnelle de
Charlottetown.
98 Stéphane Dion, « L’originalité canadienne en matière de référendums: l’expérience des référendums nationaux et
d’autodétermination », dans P. taillon et A. Binette (dir.), préc., note 15 : « Selon la Cour, il faudrait une modication de la
Constitution canadienne pour que la sécession puisse se réaliser en conformité avec le droit ».
99 Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 38, art. 44.
100 Id., art. 45.
101 Id., art. 43.
102 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 1, par. 93.
103 Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 38, art. 42.
104 José WoehrlinG, « Les aspects juridiques d’une éventuelle sécession du Québec », Revue du Barreau canadien, vol. 74, no 2,
1995, p. 294.
105 Guy tremBlay, « La procédure implicite de modication de la Constitution du Canada pour le cas de la sécession du Québec »,
Revue du Barreau, vol. 58, 1998, p. 423.
106 Renvoi relatif à la réforme du Sénat, [2014] 1 R.C.S. 704.
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l’unanimité107. En effet, même si la sécession d’une province n’est pas une matière directement visée par
l’article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982, celle-ci aurait des conséquences structurelles importantes
sur des matières qui y sont énumérées. « Il nous semble en effet évident que la sécession de la province
québécoise entraînerait une modication de la composition de la Cour suprême où le Québec doit compter,
minimalement, trois membres. Ensuite, et par dénition, toute sécession d’une province aurait un impact sur
la charge du lieutenant-gouverneur. Idem quant à la modication des formules d’amendement prévues à la
Loi constitutionnelle de 1982108 ». En ce sens, même en l’absence de consensus politique ou de conrmation
de la part de la Cour suprême, force est de constater que la procédure de révision requérant l’unanimité du
gouvernement fédéral et des dix provinces serait probablement la plus susceptible d’être celle applicable au
scénario de la sécession du Québec, selon le droit canadien.
En bref, nous avons vu dans cette seconde partie que le débat sur la capacité du Québec de déclarer son
indépendance est une question qui ne fait pas consensus en droit constitutionnel canadien, alors que la
possibilité pour le Québec de tenir un référendum ne pose pas un véritable problème. C’est nalement la
Cour suprême qui a mis un terme à cette polémique, afrmant que l’expression d’une majorité claire du
peuple québécois, en réponse à une question référendaire également claire, accorderait la légitimité nécessaire
aux acteurs politiques du Québec pour s’engager sur la voie de la sécession. Malgré cette conrmation
de la capacité de la nation québécoise de faire sécession suivant certaines conditions, plusieurs questions
relatives au processus d’accession à l’indépendance demeurent aujourd’hui sans réponse claire. On pense
alors notamment au sens à donner au concept de majorité claire, à comment devrait s’opérationnaliser le
processus de négociation, ou encore à la procédure de modication de la Constitution permettant de rendre
effective la souveraineté du Québec.
Conclusion
Nous avons cherché, avec cette démonstration, à mettre en lumière les différents éléments constitutifs du
processus québécois d’accession à l’indépendance. Pour ce faire, nous avons scindé notre démonstration
en deux parties, soit une première sur la capacité du Québec d’organiser une consultation populaire sur son
territoire, puis une seconde sur sa capacité de déclarer sa souveraineté du reste du Canada. Ce raisonnement
en deux parties nous a d’abord permis d’établir que jamais la compétence du Québec de tenir un référendum
d’autodétermination n’a réellement été remise en cause, alors que la possibilité de voir le peuple québécois
déclarer son indépendance a donné naissance à de nombreux débats, tout comme elle demeure aujourd’hui
l’objet d’importantes questions.
À cet effet, il est aisé de constater que le processus québécois se démarque de ceux ayant actuellement
lieu en Catalogne et en Écosse. En ce qui a trait au cas catalan, le gouvernement central s’appuie sur le
cadre constitutionnel en place, prévoyant « l’unité indissoluble de la Nation espagnole, patrie commune et
indivisible de tous les Espagnols109 », de même que sur la compétence exclusive de l’État central de mettre en
branle un processus référendaire110, pour contrecarrer toute tentative de démarche sécessionniste du peuple
catalan. Dans sa jurisprudence, le tribunal constitutionnel espagnol s’est jusqu’ici rangé aux arguments du
gouvernement central111, rendant ainsi toujours plus ardue la marche catalane vers la souveraineté.
Pendant ce temps, les autorités politiques écossaises ont déjà fait valoir leur intention d’organiser un
deuxième référendum sur l’indépendance, en réponse au Brexit. Devant cette éventualité, le secrétaire d’État
pour l’Écosse, qui est également un membre du gouvernement britannique, a déclaré : « We know what the
process is for a referendum. There would have to be the equivalent of the previous Edinburgh agreement112 »,
conrmant ainsi l’importance politique et juridique du précédent de 2014 à ce sujet.
107 Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 38, art. 41.
108 F. BérarD, préc., note 76, à la page 258.
109 Constitution espagnole de 1978, art. 2 (nos italiques).
110 Id., art. 149 (32).
111 S.T.C. 31/2015, BOE no 64, p. 190 et S.T.C. 32/2015, BOE no 64, p. 213
112 Severin carrell, « Theresa May lays down independence vote challenge to Nicola Sturgeon », The Guardian, 3 mars 2017.
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Le Royaume-Uni donne à nouveau l’exemple, tant dans ses fondements juridiques que dans l’agissement de
ses acteurs politiques, eu égard à la façon d’orchestrer une parfaite conciliation des principes constitutionnels
qu’une démocratie multinationale devrait observer relativement au désir d’autodétermination d’une nation
minoritaire. C’est en de telles circonstances que le peuple des nations minoritaires de celle-ci sera pleinement
apte à effectuer librement ses choix politiques et de déterminer son avenir constitutionnel, dans les limites à
la fois des principes de la démocratie et du constitutionnalisme et de l’État de droit.
À l’inverse, lorsque l’ordre constitutionnel existant et les acteurs politiques qui y participent optent pour
une dynamique et une structure de domination d’une nation minoritaire en quête d’émancipation, la
conciliation entre les principes de la démocratie, du constitutionnalisme et de l’État de droit et du fédéralisme
est impossible. En contexte similaire, l’État multinational perd sa légitimité sur le territoire de la nation
minoritaire et celle-ci devient alors libre de rejeter ce carcan constitutionnel113 lui niant son droit inhérent à
l’autodétermination et à l’égalité politique.
113 James tully, « Liberté et dévoilement dans les sociétés multinationales », Globe. Revue internationale d’études québécoises,
vol. 2, no 2, 1999, p. 1.

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