Dix ans de «décret de septembre»

AutorSerge Govaert
CargoAdministrateur du Centre de Recherche et d'Information Socio-politiques
Páginas111-162

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Introduction

Il y a un peu plus de dix* ans était publié au Moniteur Belge le «décret réglant l'emploi des langues en matière de relations sociales entre employeurs et travailleurs, ainsi qu'en matière d'actes et de documents d'entreprise prescrits par la loi et les règlements», qui porte la date du 19 juillet 1973 mais que la presse francophone, ne le découvrant qu'à la date de sa parution auPage 112Moniteur (le 6 septembre suivant), baptisa «décret de septembre». L'appellation est restée.

A l'ocassion de ce dixièxe anniversaire —qui a d'ailleurs été céleébré à Anvers par une journée d'étude organisée par la maison d'édition De Nederlanden sous les auspices du VEV, à laquelle il sera fait largement allusion—1 ce Courrier Hebdomadaire fait le point sur l'application concrète du décret et les difficultés qu'elle a entraînées, mais aussi rappelle —en dehors de toute analyse juridique— les arguments principaux de la polémique déclenchée en 1973.

I Le decret de setembre
1. Les antécédents du décret

Les implications économiques des conflits communautaires (et viceversa, pourrait-on dire) sont aujourd'hui présentes à tous les moments de l'actualité belge. Pourtant, le mouvement flamand n'a exploré cette dimension socio-économique qu'assez tardivement: les idées de Lodewijk De Raet n'ont trouvé écho auprès des milieux intéressés que peu avant la première guerre mondiale, aves la création du Vlaams Handelsverbond —ancêtre de l'actuel VEV.2

Lieven Gevaert, premier président du Vlaams Handelsverbond et fondateur de la firme qui porte encore aujourd'hui son nom, est aussi l'auteur du premier texte normatif —à usage interne— quant à l'emploi des langues dans les documents d'entreprise. Ecrites et signées de sa main le 7 juin 1907, ces directives furent efectivement affichées dans les locaux de la firme et devaient entrer en vigueur le 1er janvier 1908; elles imposaient l'usage du néerlandais dans la comptabilité, la correspondance et les lettres de fret adressées à des fournisseurs flamands ou hollandais, pour les affiches publicitaires apposées en Flandre ou aux Pays-Bas; le bilinguisme était de riguer pour les imprimés destinés à être diffusés en Belgique. «Le néerlandais», précise L. Gevaert, «est la langue officielle de notre firme.»

Une enquête menée en 1959 par le futur sénateur CVP Herman Deleeck —alors directeur du service d'études de l'ACW— auprès de 200 entreprises de la Flandre orientale montra combien l'usage du français était de règle parmi les cadres et même les employés des entreprises interrogées, ainsi que pour une bonne part des documents comptables et de la correspondance.3 Ainsi,Page 11360 à 70 % des rapports entre cadres et membres de la direction s'effectuaient en français; ce pourcentage allait décroissant au fur et à mesure que l'on descendait dans la hiérarchie, mais près de 10 % des rapports aves les contremaîtres avaient encore lieu en français. Cette langue était celle des délibérations des conseils d'administration et des assemblées d'actionnaires dans 80 % des cas, la correspondance avec les pouvoirs publics, les banques et les associations professionnelles était rédigée en français à plus de 70 % de même que les documents comptables; les documents destinés au personnel eu-mêmes étaient rédigés pour près de moitié en français ou dans les deux langues.

Précisons que le VEV, dès sa création en 1926, avait critiqué les pratiques linguistiques existant dans les charbonnages campinois. Le chanoine Karel Pinxten s'était également penché sur le problème sans pourtant que des initiatives concrètes aient été prises pour y remédier.

Au lendemain de la guerre, le professeur R. Vandeputte, futur ministre des Finances (CVP) dans le gouvernement Eyskens (1981), traita également de la «flamandisation des entreprises» lors d'une conférence faite au Congrès général du Davidsfonds en 1949. Il proposait, quant à lui, une série de mesures détaillées, notamment de nature législative, pour promouvoir l'usage du néerlandais dans les entreprises flamandes. S'inspirant de ses conclusions, des propositions de loi furent déposées en 1949 par plusieurs sénateurs CVP4 puis redéposées sans modification en 1955 des sénateurs du même parti,5 sans toutefois aboutir.

Ces différents textes se limitaient toutefois à imposer l'usage du néerlandais pour la comptabilité des entreprises, les publications officielles (au Moniteur Belge) et les rapports avec les pouvoirs publics. En ce qui concerne les relations sociales proprement dites, le syndicat chrétien, notamment, semblait alors tabler essentiellement sur la conclusion de conventions collectives et le rôle «persuasif» du conseil d'entreprise et de la délégation syndicale. Telles étaient du moins les conclusions auxquelles aboutissait Herman Deleeck dans l'enquête précitée. Du reste, l'article 23 de la Constitution, qui n'avait pas encore été complété par l'article 59 bis, introduit, lors de la révision de 1970, ne permettait pas à la loi de régler l'emploi des langues pour autre chose que les actes de l'autorité publique et les affaires judiciaires.

Comme on le sait, la législation linguistique a connu une nouvelle accélération à partir de 1960. Les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, dans l'enseignement, la mise en place de la «frontière linguistique» sont autant de dispositions légales introduites dans les années 1962-1964.

Or, la loi surt l'emploi des langues en matière administrative du 2 août 1963 contient déjà quelques paragraphes consacrés à la langue des actes et documents officiels des entreprises ainsi qu'à l'emploi des langues pour les do-Page 114cuments destinés au personnel (art. 52, 58 et 59 des lois coordonnées par l'A.R. du 13 juillet 1966).6 Ces articles, dont le texte est reproduit en annexe, ont été ajoutés au projet de loi déposé en juillet 1965 par le gouvernement par voie d'amendement: en l'ocurrence le Parlement adopta plusieurs amendements proposés par le député Jan Verroken (CPV).

Au sein du mouvement flamand et plus particulièrement parmi ceux qui militaient pour une néerlandisation des entreprises en Flandre ces articles furent cependant loin de faire l'unanimité. Si le CVP les considéra globalement comme «un pas fait dans la bone direction», certains de ses membres —liés à son aile syndicale— ainsi que des composantes plus radicales du mouvement flamand les jugèrent insuffisantes pour les raisons suivantes:

— de nombreuses institutions, telles les hôpitaux, les mutuelles, les homes, les dispensaires, ne sont pas des «entreprises industrielles, commerciales du financières» au sens de l'article 52 et ne tombent donc pas sous l'application de la loi;

— les actes et documents visés par la loi de 1963 ne représentent en tout et pour que 10 % environ de l'ensemble de l'activité administrative des entreprises flamandes: l'emploi des langues pour ces entreprises dans leurs rapports aves les services publics, notamment, reste libre;

— la nullité des actes et documents établis en infraction à la loi n'est pas rétroactive, ce qui veut dire que cette nullité n'est pas opposable ou, en d'autres termes, qu'il suffit à l'entreprise d'établir un nouveau document dans la langue appropriée pour que ce document sorte ses effets à la date

— du document incriminé;7

— les sanctions instauréees par les lois coordonnées de 1966 étaient donc quasiment sans effet.

2. La genèse du décret

La révision constitutionnelle de 1970 permit de revoir la question dans un sens plus satisfaisant pour la communauté flamande: celle-ci se voyait en effet octroyer, par le nouvel article 59 bis S 3, la compétence de régler «l'emploi des langues pour (...) les relations sociales entre employeurs et leur personnel, ainsi que poru les actes et documents des entreprises imposés par la.loi et les règlements».

Certes, cette compétence était strictement limitée à la régions unilingue flamande et ne concernait donc ni la région bilingue de Bruxelles-Capitale, niPage 115les communes à statut linguistique spécial, ni les services dont l'activité s'étend au-delà de la région linguistique dans laquelle ils sont établis, ni encore «les institutions nationales et internationales désignées par la loi dont l'activité est commune à plus d'une communauté culturelle (art. 59 bis § 4); il n'en reste pas moins que les parlementaires flamands, et eux seuls, pouvaient désormais, sans devoir chercher des compromis avec leurs collègues francophones, régler l'essentiel de l'emploi des langues dans les entreprises flamandes.

Une première proposition en ce sens fut déposée le 16 mars 19728 par plusieurs membres du groupe Volksunie du Cultuurraad. Il s'agissait de MM. R. Vandezande sénateur coopté et ancien inspecteur général au ministère de la Santé publique (qui fut notamment président du Verbond van het Vlaams Overheidspersoneel, association des fonctionnaires flamands), M. Vanhaegen-doren, F. Baert, E. De Facq, G. Slegers et H. Goemans.9

Une proposition plus détaillée fut ensuite déposée le 7 décembre 1972 par des parlementaires CVP membres de l'aile démocrate-chrétienne (ACW) de leur parti: MM. Dries Claeys, Tijl De Clercq et Constant De Clercq. Sans doute, le CVP voulait-il empêcher que la Volksunie ne soit la seule bénéficiaire de l'opération; toutefois, ce deuxième texte résultait de travaux menés depuis bien avant 1972 par le syndicat chrétien des employés flamands (LBC) en collaboration avec le professeur R. Blanpain de la KUL.

Les deux propositions furent prises en considération (respectivement le 11 avril .1972 et le 6 mars 1973) sans observation et envoyées en commission de législation linguistique et de protection de la langue, où il fut décidé de les examiner conjointement. La commission consacra cinq réunions à l'examen des deux textes (le 20 mars, le 3 avril, le 29 mai, le 5 et le 12 juin 1973). Le texte adopté par la commission fut alors envoyé en séance publique où il fut adopté le 19 juin 1973 à l'unanimité des 125 membres du Cultuurraad présents. Publié au Moniteur Belge le 6 septembre 1973, le décret devait entrer en vigueur le 16 septembre de la même année.

Les propositions déposées par R. Vandezande et par D. Claeys, si elles avaient le même objet, n'en contenaient pas moins quelques différences. Pour mieux mesurer celles-ci, nous avons confronté les deux textes (voir annexe 2). On remarquera:

— que le champ d'application de la proposition Claeys est plus large, puisqu'il n'envisage pas le domicile de l'employeur. De manière presque paradoxale, le sénateur R, Vandezande, membre de la Volksunie, restreint le champ d'application de son texte aux employeurs qui occupent du personnel et sont domiciliés en région de langue néeerlandaise, ce qui revient par exemple à en soustraire un employeur domicilié ou établi à Bruxelles qui occuperait du personnel en Flandre;10

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— que la proposition Claeys donne une définition exemplative («notamment») et plus souple des relations sociales —dont elle précise par ailleurs qu'elles peuvent être écrites ou verbales, collectives ou individuelles— que la proposition Vandezande;

— que l'énumération des «actes et documents» est laissée, dans la proposition Claeys, à la loi. Toutefois, cette proposition prévoit l'obligation pour l'employeur, dans certaines conditions, d'établir des traductions en d'autres langues que le néerlandais;

— que la proposition Vandezande ne semble s'adresser, si on lit à la lettre son article 5, qu'aux employeurs;

— que cette proposition est peu explicite en ce qui concerne les modalités de contrôle;

— que les sanctions prévues par la proposition Claeys sont plus draconiennes que celles qu'envisage R. Vandezande: la nullité est constatée, d'office par le juge, il est précisé que la levée de la nullité n'a pas d'effet rétroactif. Cependant, le texte de D. Claeys ne conçoit de sanctions qu'à l'égard des employeurs, sauf le cas où le personnel empêcherait le contrôle des inspecteurs.

De son côte, le ministre de l'Intérieur de l'époque —Renaat Van Eslande (CVP)— avait envoyé la proposition Vandezande pour avis à la Commission permanente de contrôle linguistique (CPCL) qui formula le 5 décembre 1972 plusieurs propositions. Une de celles-ci fut retenue par R. Vandezande qui déposa le 23 mars 1973 un amendement élargissant le champ d'application de sa proposition dans le sens déjà indiqué par la proposition Claeys: aux termes de cet amendement, le décret devenait applicable aux employeurs «qui ont un siège d'exploitation en régions néerlandaise».11

M.L. Lindemans (CVP) avait —avant même que la proposition Claeys ne soit déposée— proposé de modifier le chapitre «Sanctions» de la proposition Vandezande afin d'y inscrire notamment la nullité d'office.12 Cet amendement s'inspire de l'article 40 de la loi du 15 janvier 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

A en croire le sénateur R. Vandezande13 la discussion en commission fut loin d'être une formalité: «...Les auteurs ont dû se battre pour le texte, on leur a même reproché de favoriser la création d'un état policier parce que certains articles prévoyaient la possibilité de perquisitions domiciliaires dans certaines conditions. (...) Nous avons dû mener une lutte héroïque pour que le texte soit accepté et même la comparaison avec les flamands en Wallonie fut repoussée par certains, alors que le décret contient des garanties pour ceux qui parlent une autre langue que le néerlandais.»

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Le rapport de l'examen conjoint des deux propositions, présenté pat MM. Anciaux et Cooreman, nous apprend d'autre part:

— que le ministre de l'Intérieur confirma la thèse de la Commission permanente de contrôle linguistique quant au champ d'application du décret;

— que tous les articles et l'ensemble de la proposition résultant du travail de refonte des deux textes furent adoptés à l'unanimité des membres de la commission, exception faite de l'article 6 (indication des fonctionnaires chargés du contrôle de l'application du décret) pour lequel fut enregistrée une abstention, un membre craignant «que les fonctionnaires compétents n'aient pas été désignés de manière suffisament précise»14

Selon J. Cocquereaux,15 les points qui ont divisé les commissaires flamands étaient essentiellement: le problème des employeurs étrangers, les traductions destinées aux membres du personnel et les modalités de la preuve en cas d'infraction lors de relations sociales verbales.

3. La portée du décret
a) Champ d'application (art 1, 3, 4 et 5)

— les personnes: le décret est applicable aux personnes physiques et morales, c'est-à-dire à tuos les employeurs y compris les particuliers. Il ne faut pas nécessairement qu'il y ait contrat d'emploi ou de travail; il ne faut pas non plus que le travail s'effectue au sein d'une entreprise.

Les employeurs concernés doivent avoir un siège d'exploitation ou employer du personnel en région de langue néerlandaise. Ces deux conditions ne sont pas cumulatives, ce qui veut dire qu'un employeur wallon doit respecter le décret vis-à-vis du personnel qu'il emploie, le cas échéant, en Flandre. Si le siège d'exploitation (le lieu où sont prestes les services ou fabriqués les produits) ne coïncide pas toujours avec le siège social, ce dernier peut cependant constituer en soi une unité d'exploitation.

C'est en effet ce dernier critère qui est décisif. Conformément aux avis successifs de la Commission permanente du contrôle linguistique en cette matière, le siège d'exploitation doit être défini en référence à la notion d'«unité technique d'exploitation» figurant dans la loi de 1948 sur les conseils d'entreprise. La brochure éditée en 1.973 par la FEB pour répondre aux interrogationsPage 118de certains de ses membres à propos du décret16 précise que «te siège d'exploitation se caractérise par le fait qu'il dispose d'une certaine autonomie tant économique que sociale, c'est-à-dire d'une relative indépendance de décision et de gestion vis-à-vis de la direction du siège social. Cette notion devra être appréciée cas par cas». Ainsi, des chantiers à caractère relativement permanent preuvent être considérés comme siège d'exploitation.17

— les relations sociales: elles incluent les contacts écrits et verbaux, individuels et collectifs, d'une manière générale, tout ce qui concerne directement l'emploi; en particulier, les contacts qui se nouent au sein des conseils d'entreprise et des comités de sécurité et d'hygiène, mais aussi les notes de service, les ordres, la procédure disciplinaire, etc...

Le concept de «relations sociales» est absent des lois coordonnées de 1966; il est emprunté au texte de l'article 59 bis de la Constitution. Il doit être interprété de manière très large, ce que soulignent notamment les travaux préparatoires18 en ajoutant que cette matière «prourra toujours être adaptée aux nécessités de l'évolution des relations sociales».

La brochure précitée de la FEB énumère une série de relations qui ne sont pas visées par le décret (relations entre entreprises, contacts entre membres du personnel de même niveau, etc.).

— les documents: le décret n'énumère pas de façon détaillée les «actes et documents des entreprises imposés par la loi et les règlements». Aussi des controverses existent-elles sur ce point. On en trouve des échos chez J. Cocquereaux dans la brochure de la FEB ainsi que dans une brochure explicative éditée par les secrétariat du Cultuurraad en octobre 1973.19

Citons notamment:

• l'acte de création et les statuts des entreprises déjà publiés en français avant l'entrée en vigueur du décret. Faut-il procéder à leur traduction? Selon le ministre de la Justice (répondant à une question écrite du député Van Lidth de Jeule du 21 septembre 1973), la chose n'est pas obligatoire;

• les documents de bord. D'après la Commission permanente de contrôle linguistique,20 le siège d'explotation d'un bateau est son port d'atta-Page 119che. Cependant, diverses instances ont souligné que le personnel de bord relevait souvent de plusieurs nationalités: d' autre part, la loi sur les contrats de navigation autorise l'usage d'autres langues que le néerlandais;

• les documents comptables. Pour la FEB, la Constitution restreint la compétence des conseils culturels aux documents (y compris les documents comptables) imposés par la loi et les règlements, ce qui limiterait assez strictement cette notion. L'organisation patronale cite cependant longuement les développements de la proposition Ciaeys qui, s'appuyant sur l'évolution des méthodes de comptabilité, englobent parmi les documents comptables prescrits par la loi et les règlements certains procédés modernes qui ne sont pas repris au Code de commerce, comme par exemple l'inventaire, le bilan, le livre-journal;21

• les factures. Ce sont des actes privés, note la FEB qui invoque le rapport De Stexhe sur la loi d'août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative. Seules des mentions essentielles —celles reprises à l'arrêté royal du 23 juillet 1969 relatif aux mesures tendant à assurer le paiement de la TVA— doivent être établies, le cas échéant, en néerlandais.22 FEB constate par ailleurs que, dans les développements de sa proposition, D. Claeys exclut du champ d'application de celle-ci les factures dont le destinataire est domicilié dans une autre région unilingue (la régions de langue française par exemple) ou à l'étranger; cette interprétation n'a pas été reprise dans le texte du décret, et le secrétariat du Cultuurraad ne la retient pas.

Le décret prévoit l'obligation pour l'employeur d'adjoindre des traductions aux documents destinés au personnel. Cependant, cette obligation est limitée à des cas précis (la composition du personnel doit la justifier, la demande doit émaner de délégués syndicaux). Aussi le problème des travailleurs immigrés a-t-il souvent été évoqué à cette occasion. Une proposition a été déposée par le député communiste bruxellois (flamand) L. Van Geyt pour modificar le décret sur ce point.

Si la Commission permanente de contrôle linguistique (section néerlandaise) exclut toute possibilité de traduction en dehors des cas précis définis par le décret,23 la FEB est moins catégorique en vertu notamment «du principe général de droit selon lequel tout ce qui n'est past défendu est permis.»24

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b) Contrôle (art 6, 7, 8 et 9)

L'exécution du décret est contrôlée par les officiers de la police judiciaire, mais aussi par les fonctionnaires de la Commission permanente de contrôle lingustique et par les fonctionnaires des ministères compètents qui ont des missions d'inspection et de contrôle. Selon le rapport Anciaux-Cooreman, il s'agit des ministères de l'Emploit et du Travail, de la Prévoyance sociales, des Affaires économiques, de la Santé publique et de la Famille, et de la Justice. Les articles 7, 8 et 9 fixent les droits de ces fonctionnaires, sans excéder d'ailleurs ce qui est prévu par d'autres dispositions légales 'de même nature, en matière notamment de protection du travail.

c) Sanctions (art 10 à 16)

La sanction civile est la nullité (art. 10); une amende peut être infligée à titre de sanction administrative (en cas d'avertissement de la part des inspecteurs avant que l'affaire ne soit portée en justice) (art. 11). Des sanctions pénales sont également prévues (art. 12 à 15), l'article 16 réglant la prescription.

4. Les arguments des adversaires

Dans son ensemble, la presse francophone ne réagit que tardivement au décret «de septembre». Certes, dès juillet 1973, les journaux francophones qui paraissaient encore en Flandre à cette époque (La Métropole, Le Matin et La Flandre libérale), ainsi que La Libre Belgique et Le Soir, avaient évoqué l'adoption du texte en séance publique; les articles hostiles au décret25 ne commencèrent cependant à se succéder à un rythme soutenu qu'à partir du 31 août 1973, ce qui confirmerait la thèse de J. Cocquereaux26 selon laquelle l'ignorance ou la méconnaissance n'est pas seule en cause, mais aussi l'opportunité de déclencher une campagne de presse à implications politiques pendant les vacances d'été.

L'article du Pourquoi Pas?27 qui lança pour ainsi dire la controverse n'est pas exempt d'erreurs: il affirme ainsi notamment que le décret est d'application dans les communes à facilités, et que les modalités de contrôle sont d'une sévérité exceptionnelle.

Les arguments des adversaires du décret sont plutôt de nature à renforcer l'hypothèse d'une méconnaissance singulière de la part, en tous cas, des éditorialistes de la plupart des jornaux francophones, de l'évolution du mouvement flamand, voire même de certaines réalités institutionnelles belges. Ils s'ap-Page 121puient pour l'essentiel sur un article de Jean Eeckhout —un juriste gantois, porte-parole privilégié des francophones de cette ville, qui fut le premier, le 18 juillet 1973, à signaler dans La Métropole, La Flandre libérale et Le Matin, l'adoption du décret par le Culruurraad— paru le 8 septembre 1973 dans le journal des Tribunaux. S'il se félicite la clause de suppression de la rétroactivité des documents non conformes, seule erreur commise, selon lui, par le législateur de 1966, J. Eeckhout considère que le décret viole plusieurs articles de la Constitution et qu'en en outre, sa coexistence avec les lois de 1966 risque d'entraîner d'innombrables conflits. Il précisa ses critiques dans un article intitulé «Feu la liberté», publié le 20 septembre 1973 dans Le Soir.

a) Inconstitutionnalité du décret

Pour J. Seckhout et pour dautres à sa suite, le décret enfreint les articles suivants de la Constitution: l'article 6 (égalité des citoyens devant la loi) et l'article 6 bis (garantie des droits des minorités idéologiques et philosophiques); l'article 10 (inviolabilité du domicile); l'article 23 (liberté d'emploi des langues, sauf pour les actes de l'autorité publique); l'article 9 (seule la loi peut établir des peines).

Or, l'égalité des citoyens devant la loi veut rien dire d'autre qu'ils ont des droits égaux à circonstances égales; sans cela, la loi ne pourrait imposer d'obligation à aucune catégorie particulière de personnes. Les francophones de Flandre ne sont pas une minorité idéologique ni philosophique. L'inviolabilité du domicile est respectée par le décret, puisqu'une autorisation du juge du tribunal dé police est requise pour y pénétrer (art. 7, l.° du décret). L'article 23 de la Constitution paraît par contre faire problème, mais tout au plus peut-on constater qu'il est contredit (ou complété) sur certains points par l'article 59 bis de la même Constitution, qui autorise les communautés culturelles à régler l'emploi des langues pour les relations sociales entre employeurs et travailleurs. Enfin, le décret étant mis sur le même pied que la loid, un décret peut établir des peines.

J. Eeckhout a aussi affirmé28 que la loi prescrivait la consultation préalable du Conseil d'Etat et que le Cultuurraad aurait négligé cette obligation. Rappelons cepedant que la consultation du Conseil d'Etat n'est imposée que pour les avant-projets de décret, c'est-à-dire les textes d'initiative gouvernementale.

b) Incompatibilité avec divers traités internationaux

J. Eeckhout considère encore que le décret enfreint différents articles de la Convention de souvegarde des droits de l'homme (articles 7, 8, 10 et 15) ainsi que le Traité de Rome en «vinculant la libre circulation des personnes et leur droit d'établissement».

J. Cocquereaux29 s'étend assez longuement sur la question. Elle rétorque que le décret n'introduit aucune discrimination fondée sur la langue et qu'ilPage 122n'intervient pas dans la vie privée des employeurs ni de leur personnel. Les dispositions de la Convention des droits de l'home garantissent en effet le droit à la diffusion d'opile décret n'y fait pas obstacle. Tous les membres de la communauté flamande, quelle que soit leur langue {et, a fortiori, leur race, leur sexe, leur religion, etc..) sont soumis aux mêmes règles décrétâtes.

Quant au Traité de Rome, Jf. Cocquereaux considère qu'il n'impose nullement aux entreprises l'obligation de faire usage des différentes langues que parle leur personnel si celui-ci provient d'autres états de la Communauté européenne. Les discriminations que le Traité abolit sont celles qui sont fondées sur la nationalité; d'autre part, le Traité impose aux travailleurs immigrés le respect des règles applicables aux autochtones. Les recommandations du Conseil de l'Europe en ce qui concerne l'intégration des migrants, prises d'ailleurs après l'adoption du décret de septembre, n'empêchent nullement l'application de celui-ci et s'inscrivent d'ailleurs dans la même logique, puisqu'elles cherchent à aider le migrant à apprendre la langue de son pays d'accueil.

c) Etendue du champ d'application

Si nous quittons le terrain juridique, qui ne fait en somme que confirmer combien le décret s'inscrit dans une évolution historique, les arguments des opposants au décret gagnent en pertinence. Ici aussi cependant, il faut faire la part des choses.

Certes, le décret étend au maximum les notions d'employeurs et de relations sociales, mais il s'appuie pour ce faire sur les possibilités que lui offre à cet égard la Constitution elle-même.

Par contre, on peut effectivement s'interroger sur l'application du décret aux employeurs non domiciliés en région de langue néerlandaise mais qui emploient du personnel: les employeurs, en effet, doivent également respecter les articles 52 et 59 des lois coordonnées de 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative. Des situations de conflit sont possibles (la brochure de la FEB le signale notamment) mais, surtout, le Cultûurraad semble s'écarter sur ce point, au moins partiellement, de la définition strictement territoriale de l'appartenance à la communauté flamande qui caractérise généralement la législation linguistique et, singulièrement, l'interprétation qu'on en donne dans les milieux flamands. Il n'est pas étonnant que les francophones en aient tiré par la suite argument pour, à leur tour, justifier l'application de décrets de la communauté française à des personnes qui ont avec celle-ci d'autres liens que géographiques.

Il semble cependant que ce n'est pas ce point précis qui ait retenu l'attention des journalistes et des hommes politiques francophones. Par contre, ultérieurement, certains ont suggéré du côté flamand une modification de l'article 1er du décret afin de rendre les deux conditions —le domicile et l'occupation de personnel— cumulatives, comme le prévoyait du reste la proposition Van-dezande dans sa version originelle.

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d) Sévérité du contrôle et des sanctions

Plusieurs commentateurs francophones ont relevé les aspects tâtillons du contrôle de l'application du décret et les ont qualifiés, par exemple, de «Méthodes dignes de la Gestapo et... de la Guépéou», comme titra notamment La Dernière Heure le 21 septembre 1973.30

Le décret, à la différence des lois linguistiques votées jusque-là, concerne les entreprises et particulièrement les relations de travail. Toutes les lois sur la protection du travail prévoient un système d'inspection absolument analogue au chapitre incriminé du décret de septembre. C'est le cas, entre autres, de la loi sur le travail du (16 mars 1971), de la loi relative à la protection de la rémunération des travailleurs (du 12 avril 1965)... Il en va de même, comme le note J. Cocquereaux, de la lélislation sur la protection de l'environnement. Les sanctions, elles aussi, sont largement empruntées à la législation du travail.

e) Autres

II faut mentionner encore des arguments de nature plus génerale, aisin:31

— la crainte que les décret ne soit le signe d'une division irrémédiable du pays;

— le souci de ne pas écarter les investissements étrangers par des réglementations excessivement contraignantes (on en trouve écho, par exemple, dans le Bulletin du 21 septembre 1973). Cette crainte qui s'est avérée au demeurant peu fondée àmoins de rendre le décret de septembre responsable de la morosité économique des dernières années, indique bien que ce décret ne s'adressait pas exclusivement aux employeurs francophones: la direction des firmes transnationales établies en Flandre est majoritairement anglophone. A en croire le secrétaire d'Etat à l'Economie flamande, Luc Dhoore (CPV), ce serait surtout la «cabale» déclenchée par les francophones qui aurait, effectivement, «chassé» quelques investisseurs potentiels.32

5. L''après septembre
a) Au Conseil culturel francophone

Le 20 septembre 1973, le président du Conseil culturel francophone (CCF), M. M. Dejardin (PSB), publiait un communiqué précisant que le décret de septembre ne s'applique qu'à la région de langue néerlandaise et que «pour cePage 124qui concerne la communauté française, aucune réglimentation nouvelle de l'emploi des langues dans les entreprises n'est en vigueur, hormis les stipulations de la loi du 2 août 1963».

Le 24 septembre, le député socialiste Lucien Harmegnies déposait au CCF une proposition de décret imposant, pour les actes et documents des entreprises par la loi et pour les relations sociales entre employeurs et travailleurs, l'usage d'une des langues nationales. Les commentateurs, cependant, s'empressèrent de faire remarquer qu'une telle mesure excluait l'emploi d'autres langues que le français, le néerlandais ou l'allemand; aussi M. Harmegnies amenda-t-il son texte afin de permettre également l'usage des autres langues de la communauté européenne. Cette proposition et les amendements de M. Harmegnies ne furent pas imprimés; les textes en circulèrent cependant dans les rédactions de journaux.33

D'autres, propositions de décret tendant soit à vider de leur sens les peines qui seraient prononcées en exécution du décret de septembre (déposée par les parlementaires libéraux Ph. Ansiaux et B. J. Risopoulos), soit à instituer un fonds de solidarité au profit des victimes de son application (déposée par le sénateur libéral M. Hougardy et consorts) ne parvinrent pas davantage au stade de la prise en considération par le CCF. M. Hougardy accepta de retirer son texte; quant à la proposition Ansiaux-Risopoulos, après avoir été soumise à l'avis du Conseil d'Etat par le Bureau du CCF, elle tomba en caducité le 31 janvier 1974 suite à la dissolution des Chambres.

b) Au gouvernement

Le 25 septembre 1973, le ministre de l'Emploi et du Travail Ernest Glin-ne déclarait à la presse qu'il ne délivrerait provisoirement plus de permis de travail aux travailleurs immigrés souhaitant trouver un emploi en Flandre, ceci afin d'éviter qu'ils ne soient sanctionnés sur base du décret.34 En outre, il proposait la création d'un groupe de travail où siègeraient tous les ministres concernés par l'application du décret ainsi que des représentants des interlocuteurs sociaux,35

Le problème fut abordé au cours du Conseil des ministres du 28 septembre. Celui-ci n'entérina pas la proposition du ministre de l'Emploi et du Tra vail; le communiqué lu à l'issue du Conseil par le vice-premier ministre L. Tin-demans déclarait que le gouvernement avait pris contact avec le président du Cutuurraad, que la commission compétente du Cultuurraad se réunirait inces-sament afin d'examiner l'exécution du décret de septembre et que les permis de travail aux étrangers continueraient à leur être délivrés selon la procédure en vigueur.36

E. Glinne exposa le 29 septembre devant la fédération socialiste de Char-Page 125leroi des propositions d'«interprétation» du décret qu'il comptait soumetre à la réunion du Cultuurraad. En substance, il s'agissait:

— de ne considérer comme (travailleurs» au sense du décret que les seuls travailleurs connaissant le néerlandais;

— de suspendre l'application du décret pendant deux ans pour les travailleurs provenant d'une autre région linguistique;

— de soustraire à l'application du décret les personnes qui n'effectuent en Flande que des prestations occasionnelles ou temporaires.37

Il semble cependant que le ministre de l'Emploi et du Travail se soit finalement contenté, lors de la réunion de la commission du Cultuurraad le 2 octobre 1973, d'interroger les commissaires flamands sur l'incompatibilité éventuelle du décret avec certaines conventions internationales, dont le Traité de Rome.38 La veille, il est vrai, le bureau du CVP avait regretté que des propositions de modification du décret ait été rendues publiques.39 La conclusion de la commission du Cultuurraad fut d'ailleurs exempte de toute ambiguïté: l'exécution du décret relève de la compétence du seul gouvernement.

Celui-ci avait, entretemps, lors de sa réunion du 28 septembre, décidé de constituer un comité ministériel et un groupe de travail d'experts afin d'étudier, précisément, les difficultés susceptibles de naître de l'application du décret. Le comité ministériel se réunit pour la première fois le 8 octobre 1973, le groupe de travail —présidé par M. Orner Coenen, alors chef de cabinet du ministre des Affaires flamandes Jos Chabert (CVP)—40 le 10 octobre.

La commission du Cultuurraad procéda de son côte, le 30 octobre, à une audition de délégués, du Conseil économique régional pour la Flandre (GERV), et aborda une dernière fois la question, sans modifier son point de vue, le 6 novembre 1973.

Le 4 décembre, enfin, le Premier ministre E. Leburton remettait aux présidents des deux Conseils culturels un inventaire des problèmes retenus par le comité ministériel sur lesquels le gouvernement souhaitait voir se pencher les commissions de coopération culturelle des deux Conseils.

Ces problèmes —dont certains ne sont d'ailleurs pas propres au décret de septembre mais résultent également des lois coordonnées de 1966— sont ceux qui ont déjà été évoques ci-dessus, soit: les documents (factures, etc..) destinés à l'étranger; les documents destinés à une autre région linguistique; l'emploi des langues dans la navigation maritime; les dispositions linguistiques de certaines conventions bilatérales signées par la Belgique; les missions temporaires de non-ressortissants (et la période d'intégration nécessaire le cas échéant); les dispositions de certaines conventions collectives contraires à la législation en vigueur; les avis en matière de sécurité et d'hygiène.

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La commission de coopération culturelle du Conseil culturel français se réunit les 4 et 18 décembre 1973, une note technique fut demandée au gouvernement sur ces différents points (elle fut reçue le 15 janvier 1974); la commission de coopération culturelle du Cultuurraad, de son côte, ne semble pas avoir été convoquée. Quoi qu'il en soit, ces deux instances ne tinrent pas de réunion commune comme l'avait souhaité le gouvernement, et la chute de celui-ci le 30 janvier 1974 mit fin à l'initiative.

c) Au Cultuurraad

Nous l'avons vu, la commission de législation linguistique et de défense de la langue du Cultuurraad se refusa à amender ou à interpréter le décret de septembre. Ses réunions, des 20 et 30 octobre et du 6 novembre 1973, aboutirent pourtant à quelques conclusions pratiques: ainsi, d'après J. Cocquereaux,41 la majorité des commissaires accepta l'idée que des traductions libres soient admises en plus des traductions imposées par l'article 5 du décret, interprétation qui ne fit toutefois pas l'objet d'un vote. les pouvoirs publics et pour les relations sociales entre les employeurs et leur

Entretemps cependant, l'unique représentant communiste au Cultuurraaad, le député bruxellois L. Van Geyt, avait déposé, le 2 octobre 1973, une proposition «tendant à compléter le décret du 19 juillet 1973».42 Sans remettre en cause le principe du décret (il s'était expliqué là-dessus dès le 28 septembre dans Le Drapeau Rouge en disant notamment qu'il ne pouvait être question pour lui «de se ranger du côte des milieux patronaux d'expression française, anglaise ou allemande, qui exigent la "liberté" d'imposer au personnel flamand et à la région où ils se sont installés, l'emploi d'une langue autre que celle de cette région»), L. Van Geyt proposait des dispositions de nature à garantir les droits des travailleurs domiciliés en dehors de la régions de langue néerlandaise ou n'y habitant que depuis moins de deux ans. Cette proposition n'aboutit pas, et L. Van Geyt ne la redéposa pas lors de la législature suivante.

En mai 1974, alors que l'agitation qu'avait suscitée la publication du décret s'était pratiquement éteinte, le sénateur R. Vandezande interrogea par voie écrite les différents ministres compétents pour l'application du décret. Il ressort des réponses qui lui furent données qu'aucum ministre n'avait jugé nécessaire de donner des directives particulières à ses services pour contrôler l'application du décret. Certaines enquêtes avaient cependant été ouvertes, généralement à la suite de plaintes, et plusieurs demandes de traduction avaient été introduites sur base de l'article 5 du décret.

Le 17 juin 1975, le sénateur M. Van Haegendoren (Volksunie) interrogea, à la tribune du Cultuurraad, le Premier ministre et le ministre des Affaires flamandes sur ces différentes réponses et sur d'autres données ultérieurement à R. Vandezande. R. De Backer-Van Ocken se borna à souligner que les fonctionnaires n'ont pas besoin de directives pour savoir qu'ils doivent fairePage 127appliquer les lois et les décrets. M. Van Haegendoren demanda également des explications sur l'état des travaux du «groupe de travail Coenen«. Il estimait en effet pour sa partqu'un un tel organe n'a pas de raison d'être puisque le décret n'a pas à être interprété. R. De Backer-Van Ocken répondit qu'un rapport avait été remis par le «groupe Coenen» à un comité interministériel restreint et que le gouvernement en avait débattu le 28 novembre 1973. C'est sur base de ce rapport qu'une liste linguistique avait été établie et remise aux présidents des deux conseils culturels. R. De Backer-Van Ocken ajouta que le «groupe Coenen» s'était réuni deux fois depuis lors, pour donner son avis sur des questions posées par des parlementaires. La réponse ne le satisfaisant pas, M. Van Haegendoren revint à la charge le 18 novembre 1975; R. De Backer-Van Ocken précisa alors la raison d'être du «groupe de travail Coenen»: «(...) la clarté du texte du décret en cause n'enlève rien au fait que l'application des règles du décret rendre nécessaire, dans certains cas et situations concrètes, une concertation interdépartementale afin de garantir une certaine coordination»43

Signalons encore que le Cultuurraad adopta le 18 novembre 1976 une résolution demandant au gouvernement d'engager un programme de recherches «sur des situations linguistiques dans les entreprises et leurs répercussions sur le développement, les aspirations et la mobilité sociale des travailleurs et sur les relations humaines et la productivité dans la vie économique». Résolution qui, à notre connaissance, ne fut jamais suivie d'effets.

D'autres interpellations sur le décret de septembre ont été développés, notamment au Sénat le 25 octobre 1973; d'autres questions parlementaires ont été posées, à la Chambre par E. Glinne (le 11 juillet 1974) et au Cultuurraad par R. Mattheysens (le 6 septembre 1974) notamment. En tout état de cause, les controverses alimentées par le décret ont été principalement circonscrites dans le temps aux mois de septembre à novembre 1973.

6. Le décret de septembre est un aboutissement

En tant que tel, le décret de septembre s'inscrit dans le droit fil de la législation linguistique mise en place depuis les années trente. La loi sur l'emploi des langues en matière administrative du 28 juin 1932, celle du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire se fondent sur le principe de territorialité qui sera repris dans la Constitution en 1970 par l'adjonction de l'article 3 bis («La Belgique comprend quatre régions linguistiques»). Les lois coordonnées de 1966, déjà, avaient confirmé ce principe et notamment la loi du 8 novembre 1962 qui a fixé la frontière linguistique. A la différence des lois cependant le décret émane d'une assemblée exclusivement flamande. La Constitution révisée a en effet donné aux communautes culturelles, en 1970,Page 128pleine compétence pour l'emploi des langues en matière administrative, pour l'enseignement dans des établissements créés, subventionés ou reconnus par personnel ainsi que les actes et les documents des entreprises imposés par la loi et les règlements (art. 59 bis § 3), ceci, bien entendu, dans les limites de leur territoire respectif.

Contrairement aux précédentes lois linguistiques, le décret de septembre n'était le fruit d'aucun compromis, il résultait d'une double initiative parlementaire et le gouvernement n'était pas intervenu dans sa préparation (il n'y avait pas encore à ce moment d'exécutif responsable devant les seules assemblées communautaires). Jusqu'en 1970, la nécessité de composer avec les francophones rendait inévitables de longues négociations au plus haut niveau.

L'article 59 bis § 3 introduit dans la loi fondamental le par la révision de 1970 allait donc permettre au mouvement flamand de faire un double pas en avant: adopter un texte législatif qui ne serait valable qu'en Flandre (et émanerait de la volonté des seuls élus flamands) d'une part, étendre l'homogénéité linguistique à un pan important de la vie économique et sociale de l'autre.

L'article 59 bis § 3 de la Constitution contredit-il l'article 23? Ce dernier dispose que «l'emploi des langues parlées en Belgique est libre; il ne peut être réglé que par la loi et uniquement pour les actes de l'autorité publique et les affaires judiciaires». Pour J. Cocquereaux, qui traduit en l'occurrence l'opinion flamande en la matière, toute disposition plus récente abroge (implicitement ou explicitement) une disposition plus ancienne.44 M. Taquet et C. Wantiez sont plus explicites: l'article 59 bis exprime, par rapport à l'article 23, une exception.45 Ces auteurs rappellent d'ailleurs qu'à l'origine, il avait été proposé de compléter l'article 23 dans le sens indiqué par l'article 59 bis, proposition qui ne fut pas retenue pour des raisons de nature légistique.46

Tout indiquait donc dès 1970 que les parlementaires flamands, tôt ou tard, mettraient à profit les possibilités que leur offrait le nouvel article 59 bis de la Constitution, Pourquoi, dans ces conditions, la presse et les politiciens francophones réagirent-ils si tard au vote de ce décret? Certains (dont J. Cocquereaux) y ont vu un calcul: il est vrai que les vacances d'été ne sont pas une période propice à l'agitation politique. On peut aussi soupçonner l'ignorance: non pas la méconnaissance du néerlandais ni le manque d'information sur les activités du Cultuurraad, mais une certaine myopie quant à la nature (notamment d'origine sociale) et aux objectifs du mouvement flamand.47

Fondamentalement, il nous semble que le choc provient surtout du fait que, pour la première fois, un texte de loi (de décret, en l'espèce) qui avaitPage 129certaines implications pour la communauté française résultait, d'un bout à l'autre, de la volonté politique de la seule communauté flamande. Pour preuve, l'acharnement mis par certains journaux francophones à trouver des députés ou sénateurs flamands qui n'auraient pas voté le décret.

On retiendra aussi de ce qui précède que les francophones ont hésité à répondre au décret par voie législative. La chose n'était pas aisée; les controverses qu'allait susciter dans certains cas l'application du décret n'étaient pas encore clairement perçues. De plus, en 1974, commence une intense période de négociation communautaire dont l'objet est davantage la réforme des institutions que la résolution de problèmes d'ordre linguistique; ces négociations auront d'ailleurs notamment pour conséquence de permettre l'entrée au gouvernement des partis fédéralistes (le Rassemblement Wallon dès 1974, le FDF et la Volksunie en 1977). L'apaisement (relatif) des passions explique sans doute également pour une part le silence qui marque les premières années d'application du «décret de septembre».

II L'application du décret 1973-1983
1. Données quantitatives

Le nombre de contrôles effectués par les inspecteurs des ministères compétents sur base de l'article 6 du décret n'est pas facile à obtenir. Dans la communication qu'il a présentée à la journée d'étude du 14 décembre 1983 à Anvers, P. Van Geyt, premier inspecteur au Ministère des Affaires économiques, signale en ce qui concerne son département que de 1973 à 1983:

— 20 infractions ont été constatées par l'inspection de l'organisation industrielle (mais, ajoute-t-il, des contrôles de routine ne sont effectués que depuis 1978), dont 12 pour les seules années 1981 et 1982;

— ces infractions ont toutes donné lieu à un avertissement sans qu'une suite-pénale soit nécessaire.48

Répondant pour sa part en janvier 1977 à une question du sénateur R. Vandezande, le ministre de l'Emploi et du Travail déclarait que de 1973 à 1977, l'Inspection des lois sociales avait reçu 33 plaintes dont 11 se sont révélées fondées. Une seule de ces plaintes a conduit à porter l'affaire au tribunal. Dans ce cas-ci, apparemment, l'inspection ne se fait pas d'initiative.49

La Commission permanente de contrôle linguistique, pour sa part, ne pro-

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[VOIR LE TABLEAU EN PDF CI-JOINT]

Page 131céda d'initiative à des contrôles qu'en 1973 et 1974.50 Elle continua cependant à vérifier Implication du décret en cas de plainte; elle put constater de la sorte, de 1973 à 1981, un total de 129 infractions. F. Toiremol, inspecteur de la Commission permanente du Con linguistique, a fourni aux participants à la journée d'étude anversoise du 14 décembre 1983 le tableau suivant:

Il a ajouté qu'en 1982, 18 demandes de traduction avaient été introduites et 27 plaintes soumises à la Commission permanente de contrôle linguistique dont 14 pour le Brabant, 4 en Flandre occidentale, 7 dans la province d'Anvers et 2 en Flandre orientale. Pour 1983 (total arrêté au 30 juin 1983), on dénombrait 6 demandes de traduction et 8 plaintes qui concernaient en majorité des entreprises situées dans la province du Brabant.

Quant aux sanctions prononcées à l'occasion d'infractions au décret de septembre, le ministre de la Justice en a donné la liste par arrondissement judiciaire au député G. Clerfayt en réponse à une question posée le 26 mai 1982.51

[VOIR LE TABLEAU EN PDF CI-JOINT]

Les infractions sont surtout localisées dans le Brabant: dans le seul arrondissement judiciaire de Bruxelles sont prononcées près de la moitié des sanctions (rappelons que le décret n'est cependant pas applicable, ni dans les dix-neuf communes de l'agglomération de Bruxelles, ni dans les six communes à facilités de la périphérie).

PG132>

Quant à la nature des infractions, elle n'est pas suffisamment spécifiée dans les statistiques dont nous disposons (il n'y a pas, par exemple, de distinction entre les «documents sociaux» et les «relations sociales») pour qu'il soit permis de tirer des conclusions.

2. Difficultés d'application
a) Conflits entre loi et décret

Dès 1973, certains juristes (dont M. Taquet et C. Wantiez) ainsi que la FEB dans la brochure qu'elle a consacrée au décret de septembre, avaient pressenti que des difficultés d'application surgiraient dans le cas où un employeur qui a son siège d'exploitation hors de la région de langue néerlandaise se verrait contraint d'observer à la fois les lois coordonnées de 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative et, s'il occupe du personnel en région de langue néerlandaise, le décret de septembre. Le cas est marginal, diront d'aucuns, il se présente pourtant.

Ainsi, les tribunaux du travail ont été appelés à plusieurs reprises à trancher dans des affaires opposant des sociétés établies à Bruxelles ou en Wallonie et employant des représentants, totalement ou partiellement en Flandre. De façon générale, la thèse qui prévalut dans les jugements des tribunaux du travail dont nous avons connaissance est celle de l'application prioritaire du décret.52

En appel cependant, cette thèse a plusieurs fois été battue en brèche pour différentes raisons:

— lorsque l'employeur a son siège d'exploitation en Wallonie, il y a contradiction entre les lois coordonnées de 1966 (art. 52 § 1) et le décret de septembre pour la langue des documents;

— lorsque le siège d'exploitation est établi à Bruxelles cette question ne se pose pas puisque l'article 52 § 1 prévoit, dans ce cas, que la langue du document doit être celle du personnel auquel celui-ci s'adresse; cependant, il subsiste une divergence entre loi et décret en ce qui concerne la nullité du document (art. 59 des lois coordonnées)..

Aussi, à plusieurs reprises, des cours d'appel ont-elles porté ce conflit dit «préjudiciel» à la section des conflits de compétence du Conseil d'Etat, en vertu de l'article 35 des lois coordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d'Etat. Cette section, toutefois, ne fut jamais mise en place; les lois de réformes institutionnelles d'août 1980 lui ont substitué une Cour d'arbitrage dont on attend l'installation.

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Dans deux cas enfin, l'affaire a été portée par l'une des parties devant la Cour de Cassation. Celle-ci s'est prononcée une première fois le 11 juin 1979 dans l'affaire Vandenplas. Il s'agissait d'un représentant de commerce travaillant principalement (et non pas exclusivement) en région de langue néerlandaise pour le compte d'une firme dont le siège d'exploitation était situé en Wallonie. Le Tribunal du travail de Hasselt avait estimé, le 12 décembre 1977, que le décret de septembre était d'application en la matière et que la lettre de licenciement devait donc être établie en néerlandais. Le 19 septembre 1978, la Cour du travail d'Anvers affirmait au contraire que les lois coordonnées de 1966 imposaient en l'occurence l'usage du français. Le 12 juin 1979, la Cour de Cassation considéra qu'il y avait conflit de compétence et soumit celui-ci, en application de l'article 45 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, aux Chambres législatives. C'est le Sénat qui fut saisi. La commission de la Justice examina le problème à plusieurs reprises en 1979, 1980 et 1981 (ses travaux ont été considérablement ralentis du fait de la situation politique). Elle conclut en définitive que le décret n'était pas d'application parce que, explication subtile, le travailleur n'était pas occupé exclusivement en région de langue néerlandaise.53 En sa séance plénière du 1er avril 1981, le Sénat ratifia cette décision à l'unanimité. La dissolution des Chambres en octobre 1981 empêcha que la question préjudicielle en cause soit ensuite examinée par la Chambre des représentants.

La Cour de Cassation fut ensuite saisie de l'affaire Van Hoet, il s'agissait d'un représentant de commerce qui, cette fois, avait été licencié par un employer dont le siège d'exploitation était situé à Bruxelles. La Cour du travail d'Anvers avait estimé le 13 mars 1978 que les lois coordonnées de 1966 étaient d'application, que la lettre de licenciement aurait donc dû être rédigée en néerlandais puisque le membre du personnel auquel elle s'adressait étail néerlan-dophone, mais que cette lettre pouvait être remplacée avec effet rétroactif (art. 59 des lois coordonnées). La Cour de Cassation n'était plus tenue cette fois de déférer l'affaire aux Chambres législatives, la loi ordinaire de réformes institutionnnelles du 9 août 1980 ayant modifié sur ce point les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.54 En attendant la mise en place de la Cour d'arbitrage, en effet, la Cour de Cassation avait désormais le pouvoir de trancher elle-même les conflits entre loi et décret. Le 30 mars 1981, elle décida, à l'opposé du Sénat, que le décret était ici d'application considérant que les règles relatives aux régions unilingues avaient priorité, en cas d'application simultanée,Page 134sur celles de la région bilingue de Bruxelles-capitale. La lettre de licenciement était donc nulle de plein droit.

Comme on le voit, le problème du conflit de compétence est loin d'être résolu par cet arrêt, et par la décision du Sénat. Dans l'état actuel de la jurisprudence, on pourrait tout au plus affirmer qu'un employeur dont le siège d'exploitation est situé à Bruxelles doit respecter le décret à l'égard des membres de son personnel occupé (en totut ou en partie) en région de langue néerlandaise; le cas d'un employeur wallon occupant du personnel en région de langue néerlandaise demeure incertain, sauf si les travailleurs en cause sont occupés exclusivement (et non partiellement ni même principalement) en région de langue néerlandaise, le décret étant alors d'application.

b) Conflit entre décret et décret

C'est pour essayer de trouver une solution à ces cas litigieux que les sénateurs A. Lagasse et J. Lepaffe (FDF) déposèrent le 14 juin 1982, au Conseil de la Communauté française, une proposition de décret «relatif à ta protection de la liberté de l'emploi des langues et de l'usage de la langue française en matière de relations sociales entre les employeurs et leur personnel ainsi que d'actes et de documents des entreprises imposés par la loi t les règlements»55 Les auteurs affirment en effet, dans les développements de cette proposition, que: «(...) la contradiction entre les décretes des deux conseils de communauté devrait permettre la mise en oeuvre de la procédure de solution des conflits (...)».

Cette proposition de décret impose l'usage du français (sans toutefois interdire l'emploi d'autres langues), pour les mêmes matière que le décret de septembre, aux personnes qui ont un siège social ou d'exploitation en région de langue française ou y sont domiciliées, occupent du personnel en région de langue française ou encore occupent des travailleurs d'expression française, ces différentes conditions n'étant pas cumulatives. En d'autres termes, un employeur qui aurait son siège d'exploitation en Flandre devrait, pour respecter ce décret, faire usage du français dans ses relations sociales avec le(s) mem-bre(s) de son personnel qui serai(en)t d'expression française au sens de l'article 1 de la proposition Lagasse-Lepaffe, c'est-à-dire:

— serait porteur d'un diplôme délivré par un établissement d'enseignement de langue française;

— serait inscrit en langue française dans les registres de la population et porteur d'une carte d'identité établie en langue française;

— utiliserait habituellement le français dans ses relations de travail, d'autres critères («notamment») étant envisageables.56

La proposition Lagasse-Lepaffe fut adoptée au pas de charge, sans rapport écrit (ce qui n'est absolument pas fréquent pour des textes de cette importan-Page 135ce), le 29 juin 1982, ce qui empêcha la mise, en oeuvre par le Vlaamse Raad de la procédure dite «de règlement d'un conflit d'intérêts». Ce n'est que le 30 juin 1982 en effet que le Vlaamse Raad put adopter une motion déclarant que la proposition de décret en cause lésait les intérêts de la communauté flamande et demandant, en conséquence, que la procédure conduisant à son adoption soit suspendue.

Le souhait des auteurs de la proposition de voir celle-ci conduire, grâce à la contradiction entre le décret de septembre et ses propres dispositions, à une solution des conflits en cette matière demeure insatisfait à ce jour. Cartes, le président de l'Exécutif flamand, G. Geens (CVP), a introduit le 27 août 1982 une requête au Conseil d'Etat sur le conflit de compétence né, à son estime, du fait que le décret du Conseil de la Communauté française du 30 juin 1982 «enfreint l'article 59 bis § 4, 2° alinéa, de la Constitution». Toutefois, ni la section des conflits de compétence ni la Cour d'arbitrage qui doit lui succéder conformément aux lois de réformes institutionnelles d'août 1980 n'ont encore été mises en place.

Un des aspects curieux de cette controver.se est que, en tous cas, du point de vue d'une majorité de juristes et de politiciens flamands, il ne peut y avoir conflit de compétence (entre la loi et le décret ou entre le décret du Conseil de la Communauté française et celui du Vlaamse Raad) que dans le cas où il y a, de la part de l'une des assemblées, excès de compétence. C'est ce qu'exprime notamment la requête du président de l'Exécutif flamand lorsqu'elle affirme: «Si le CCF s'était contenté d'adopter un décret identique à celui voté en 1973 par le Cultuurraad, les deux décrets seraient entrés en conflit l'un avec l'autre dans certaines situations d'emploi concrètes mais il n'aurait pas été question d'un conflit au sense de l'article 59 bis § 8 ou de l'article 107 ter de la Constitution, étant donné que dans cette hypothèse il n'y aurait eu dépassement de compétence de la part d'aucun des deux conseils. Dans cette hypothèse, il n'aurait pu être question que d'une application cumulative des deux décrets, de même qu'en droit international, de même relations juridiques sont parfois dominées par deux règles différentes. D'éventuelles conséquences fâcheuses d'une telle application simultanée des deux décrets peuvent, en ce cas, être éliminées par la concertation par-delà la frontière linguistique.»

C'est également l'avis de juristes comme P. Van Orshoven57 ou R. Vekeman58 ainsi que d'un des auteurs du décret de septembre, le sénateur R. Vande-zande, lequel déclarait le 1er avril 1981 en séance publique du Sénat à l'occasion de l'examen de l'affaire Vandenplas qu'il n'y avait pas en l'espèce, contrairement à ce qu'avait affirmé la Cour de Cassation, de confit entre la loi et le décret.

Cette thèse laisse évidemment entendre:

— que les lois coordonnées de 1966 sont implicitement abrogées, sur certains points, par le décret de septembre;

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— que c'est le décret du Conseil de la Communauté française —et non le décret de septembre— qui outrepasse les compétences dévolues aux communautés.59

Les thèses francophone et flamande, en l'espèce, s'opposent diamétralement sans qu'aucune des parties ne puisse convaincre l'autre du bien-fondé de sa position.

III Perspectives
1. Proposition de modification du décret

La thèse flamande n'est pas sans failles; la meilleure preuve en est que, suivant en cela l'avis de certains juristes, des pralementaires membres du Vlaamse Raad ont récemment proposé d'améliorer le texte du décret flamand.

La proposition de décret déposée le 23 septembre 1982 par C. De Clercq et consorts (tous CVP) «modificant le décret du 19 juillet 1973 réglant l'emploi des langues entre les employeurs et les travailleurs, ainsi qu'en matière d'actes et de documents des entreprises prescrits par la loi et les règlements»60 a en effet pour objectif premier de modifier le champ d'application du décret de septembre en rendant cumulatives les deux conditions de son article 1 (voir le texte de cette proposition en annexe 5). De la sorte, expliquent les développements de la proposition, on évite de voir des jugements contradictoires (il s'agit des jugements prononcés dans les affaires Vandenplas et Van Hoet) «saper l'application du décret». En outre, la proposition De Clercq met fin à l'incertitude qui pouvait subsister sur la question des traductions libres (elles sont désormais interdites) et prévoit des dispositions complémentaires permettant aux travailleurs non néerlandophones de s'absenter du travail pour étudier le néerlandais. Enfin, la proposition De Clercq supprime la prescription pour les infractions commises à l'encontre du décret.

Le Président du Vlaamse Raad a demandé, sur cette proposition, l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat. Bien que ce soit, conformément aux lois coordonnées sur le Conseil d'Etat (art. 50), une chambre flamande qui ait rendu cet avis,61 il est intéressant de signaler quelques-unes de ses observations:

— l'utilisation par le décret de septembre de deux critères d'application a entraîné des conflits avec l'article 52 des lois coordonnées de 1966; laPage 137proposition, en limitant le champ d'application du décret, exclut cette possibilité de conflit;

— par contre, des conflits demeurent possibles entre le décret de septembre et le décret du Conseil de la Communauté française du 30 juin 1982. Le problème qui se pose en l'occurrence est celui des vcritères de localisation» permettant de définir les situations liées à la compétence territoriales de chacune des communautés. Pour la 8ème chambre (flamande) de la section de législation du Conseil d'Etat, le critère le plus important sinon le critère unique est, dans de cas-ci, le lieu où est situé le siège d'exploitation de l'entreprise. Il en résulte que le décret du Conseil de la Communauté française mais aussi le décret de septembre «dans sa version actuellement en vigueur» ne satisfont pas à ce critère.62

Tout ceci peut paraître bien juridique: ces différents problèmes éclairent cependant une différence d'approche fondamentale, déjà connue, entre la communauté flamande et la communauté francophone du pays quant à la définition de l'identité communautaire.

2. Place et rôle du décret de septembre dans l'évolution institutionnelle belge
a) Sous l'angle linguistique

Entre la fin 1983 et le début de l'année 1948, la vie politique belge a été marquée par une nouvelle initiative législative flamande tendant à assurer l'ho-hogénéité linguistique de la région de langue néerlandaise: proposition de loi Galle. Cette proposition répondait en fait à un problème précis, celui de la nomination à la fonction de bourgmestre de Fourons du francophone José Happart. Le député socialiste Marc Galle a d'abord cherché à faire accepter par l'Exécutif flamand (dont il fait partie) un projet de décret imposant aux mandataires publics, en région de langue néerlandaise, la connaissance du néeerlandais. Ses collègues, si on en croit la presse,63 ne firent guère preuve d'enthousiasme pour un texte qui, à vrai dire, ne réglait pas les situations litigieuses puisque la communauté flamande n'est pas compétente pour régler l'emploi des langues dans les communes dotées d'un régime linguistique spécial.

M. Galle déposa alors, à la Chambre en tant que député cette fois, une proposition de loi «relative aux connaissances linguistiques requises en vue d'exercer certains mandats politiques des pouvoirs subordonnés dans la région linguistique néerlandaise ou française»64 La même obligation de connaître la lengue de la région était cette fois imposée aux bourgmestres, échevins, con-Page 138seillers communaux et membres des CPAS des communes de la périphérie bruxelloise et des communes de la frontière linguistique dotées d'un régime linguistique spécial, de «facilités».

Nous ne nous étendrons pas ici sur les avatars parlementaires de ce texte, qui est toujours inscrit à l'ordre du jour d'une commission de la Chambre mais pour l'examen duquel l'urgence ne sera pas invoquée, le ministre de l'Intérieur ayant fait des déclarations qui ont apparemment rassuré une partie suffisante de parlementaires de la majorité. L'analyse de l'avis rendu par le Conseil d'Etat sur cette proposition65 sort également du cadre du présent Courrier Hebdomadaire.

Que M. Galle ait en premier lieu songé à faire usage de son pouvoir d'initiative en tant que ministre flamand peut expliquer pourquoi il a d'abord envisagé le dépôt d'un projet de décret; qu'il y ait ensuite renoncé pour choisir, comme terrain de confrontation, le Parlement national, voilà qui donne à réfléchir.

Dans un écho publié en mars 1983 —c'est-à-dire au moment où l'Exécutif flamand discutait de l'avant-projet de décret Galle— Guido Fonteyn enjoignait dans le Standaard66 les membres du Vlaamse Raad de ne pas «multiplier les décrets qui ne trouvent pas d'application dans les communes de la périphérie et de la frontière linguistique, parce qu'à chaque décret ainsi approuvé, ces communes se transforment un peu plus en territoire à part». L'enjeu des conflits communautaires d'est plus en effet, à l'heure actuelle, l'homogénéité linguistique de la région nord du pays. Aujourd'hui, l'opposition entre les communautés se cristallise sur les communes dont le statut linguistique est mixte (Bruxelles et sa périphérie, certaines communes de la frontière linguistique) et s'exprime donc au niveau national (Parlement).

Il est vrai qu'à la proposition de loi Galle des parlementaires francophones ont répliqué par le dépôt d'une proposition de décret aun Conseil de la Communauté française. MM. J. Lepaffe (FDF) et consorts (parmi lesquels des membres des groupes socialiste et FDF du Conseil de la Communauté) ont en effet introduit le 9 février 1984 une proposition de décret «assurant la protection de l'usage de la langue française pour les mandataires publics d'expression française».67 Cette initiative confirme pourtant que le décret de septembre est de couronnement d'une phase déterminée dans l'évolution du mouvement flamand. Car pour prévenir l'application éventuelle de la proposition de loi Galle et les conséquences des arrêts des chambres flamandes du Conseil d'Etat allant eux aussi dans le sens du principe de l'homogénéité lingustique, J. Lepaffe et ses cosignataires désignent comme membres de la communauté française des catégories de personnes qui sont rattachées à communauté par des critères autres que géographiques, tels le diplôme, la carte d'identité ou le simple fait de «s'exprimer habituellement en français». On retrouve ici le raisonnementPage 139qui est la base du contre-décret de septembre adopté en 1982, lequel considère comme «travailleurs d'expression française», notamment, ceux que «utilisent le français dans leurs relations de travail».68 Le Conseil d'Etat, saisi par le Président du Conseil de la Communauté française, a rendu un avis négatif sur cette proposition;69 s'il admet qu'un décret puisse «produire des effets en dehors du territoire pour lequel le Conseil de communauté est compétent» (ce qui, soit dit en passant, est précisément le cas du décret de septembre dans la mesure où des employeurs wallons doivent éventuellment respecter ses dispotions), le Conseil d'Etat rejette les critères d'appartenance retenus par la proposition. «Force est», dit-il notamment à propos de la notion de «mandataire public d'expression française», «de constater qu'il n'existe aucun lien entre l'élément retenu et le territoire pour lequel le Conseil de la Communauté française est compétent».

L'identité¦ communautaire est perçue différemment de part et d'autre de la frontière linguistique. Pour des raisons de nature complexe, largement exposées dans d'autres publications, la communauté flamande fait usage, pour se définir, de critères géographiques alors que les francophones font plutôt référence à un rattachement culturel.70 Pour les uns, la minorité linguistique doit s'intégrer à la culture officielle d'un territoire donné; pour les autres, il faut défendre les intérêts des francophones belges où qu'ils se trouvent. Les décrets pris depuis 1971 en matière d'emploi des langues par les deux conseils culturels, puis par les conseils de communautés s'inscrivent dans cette divergence. A défaut de pouvoir combler le fossé qui sépare les deux interprétations de l'appartenance communautaire, il convient au moins d'en tenir compte dans les situations où les communautés sont appelées à cohabiter: le problème n'est ni neuf, ni simple, mais ne pouvait être absent de nos conclusions.

b) Sous l'angle économique

Le décret de septembre n'est pas seulement, dans l'histoire du mouvement flamand, l'aboutissement d'une phase de consolidation de l'homogénéité linguistique, opéré grâce à la conquête de l'autonomie dite «culturelle» par la révision constitutionnelle de 1970: el est aussi le couronnement de revendications plus anciennes, celles du VEV et des milieux syndicaux flamands (essentiellement le syndicat chrétien). La proposition de décret déposée par M. Claeys ne porte-t-elle pas pour intitulé «proposition de décret tendant à la nêeerlan-disation de la vie des entreprises» (tôt vernederlandsing van het bedrijfsleven) ? Il y a donc au décret de septembre un volet socio-économique à considérer.

Page 140

Le VEV a salué en son temps la publication du décret.71 L'organisation patronale flamande avait auparavant fait paraître de nombreuses brochures et articles sur l'emploi des langues dans les entreprises.72 Pourtant, lors de la journée d'étude du 14 décembre 1983, Bob Wezembeek —lisant un texte de René De Feyter, l'administrateur délégué du VEV— disait textuellement: «Les objectifs du mouvement flamand sont-ils désormais atteints? C'est une autre question. En fait, ils se sont déplacés et la nêerlandisation de la vie des entreprises n'est plus un problème crucial (,..). Les divergences croissantes entre la Flandre et la Wallonie et la position encore incertaine de la région de Bruxelles n'ont plus grand' chose à voir avec un conflit linguistique».

Le VEV —il y a quelque vingt ans un des moteurs en faveur de l'emploi exclusif du néerlandais dans les entreprises flamandes— situe aujourd'hui ailleurs ses priorités.73

A cet égard, il semble significatif:

— que les revendications du mouvement flamand en la matière aient été rencontrées à un moment ou le français avait cesse d'être la langue principale du patronat en Flander (l'étude d'Herman Deleeck, citée plus haut, gagnerait à être actualisée sur ce point), encore que le décret de septembre trouve encore toute sa raison d'être dans une situation où l'économie est dominée par des capitaux multinationaux;

— que les situations de conflit, et même les sanctions prononcées, se circonscrivent géeographiquement à la région bruxelloise ou se rattachent à des situations complexes au plan linguistique (cf. les cas Van Hoet et Van-deplas).

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Annexe 1: Lois coordonnées sur l'emploit des langues en matière administrative
Art 52

§ 1er. Por les actes et documents imposés par la loi et les règlements et pour ceux qui sont destinés à leur personnel, les entreprises industrielles, commerciales ou financières font usage de la langue de la région où est ou sont établis leur siège ou leurs différents sièges d'exploitation. Dans Bruxelles-capitale, ces documents destinés au personnel d'expression française sont rédigés en français et ceux destinés au personnel d'expression néerlandaise, en néerlandais.

§ 2. Sans préjudice des obligations que le § 1er leur impose, ces mêmes entreprises peuvent ajouter aux axis, communications, actes, certificats et formulaires destinés à leur personnel une traduction en une ou plusieurs langues, quand la composition de ce personnel le justifie.

Art 58

Sont nuls tous actes et règlements administratifs contraires, quant à la forme ou quant au fond, aux dispositions des présentes lois coordonnées. Sans préjudice de l'application de l'article 61 S 4, alinéa 3, la nullité de ces actes ou règlements est constatée à la requête de toute personne intéressée, soit par l'autorité dont ces actes ou règlements émanent, soit, selon le cas et l'ordre de leurs compétences respectives par l'autorité de tutelle, les cours et tribunaux ou le Conseil d'Etat. Les actes ou règlements dont la nullité est ainsi constatée en raison d'irrégularités quant à la forme sont remplacés en forme régulière par l'autorité dont ils émanent: ce remplacement sortit ses effets à la date de l'acte ou du règlement remplacé. Ceux dont la nullité est constatée en raison d'irrégularités quant au fond interrompent la prescription ainsi que les délais de procédure contentieuse et administrative impartis à peine de déchéance. Le constat de nullité des actes et règlements visés par le présent article, se prescrit après cinq ans.

Art 59

Lorsqu'il est constaté que les actes ou documents ont été rédigés dans une forme contraire aux dispositions de l'article 52, ils sont remplacés, soit d'initiative, soit sur injonction du service de l'autorité ou de la juridiction compétente,Page 142par les entreprises industrielles, commerciales ou financières privées intéressées, par des actes ou documents réguliers quant à la forme.

Si dans le délai d'un mais ,il n'était pas donné suite à cette injonction, une trequête pourra être adressée par l'autorité, le service ou la juridiction dont question ci-dessus ou par toute personne intéressée, au juge de paix, qui ordonnera qu'à ces actes et documents soit jointe une traduction rédigée par un traducteur assermenté désigné par lui, et ce aux frais de l'entreprise intéressée.

Le remplacement des actes et documents sortit ses effets à la date du document remplacé.

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Annexe 2 Les propositions Vandezande et Claeys
Proposition Vandezunde et consorts
Article 1

Le présent** décret est d'application aux personnes physiques et morales qui emploient du personnel et sont établies ou domiciliées dans la région de langue néerlandaise, à l'exception des communes de la périphérie et de la frontière linguistique appartenant à la région de langue néerlandaise, telles que visées aux articles 7 et 8 de l'arrête royal du 18 juillet 1966 portant coordination des lois sur l'emploi des langues en matière administrative.

Article 2

Le présent décret règle les relations sociales entre les employeurs et leur personnel, ainsi que les actes et documents des entreprises prescrits par la loi et les règlements, dans les limites de la compétence territoriale fixée à l'article 1 du présent décret.

Article 3

(...)

§ 2. Par «employeurs» il faut entendre les personnes morales et physiques qui, quelle que soit la nature de leurs occupations, procurent du travail aux travailleurs.

§ 3. Par «personnel» il faut entendre le personnel employé et ouvrier, sous contrat ou non, qui met ses connaissances à la disposition des employeurs.

Article 4

§ 1. Par «entreprises» il faut entendre les entreprises privées industrielles, commerciales ou financières qui ont leur siège d'exploitation ou leurs sièges distincts d'exploitation dans le ressort défini à l'article 2 du présent décret.

Proposition Claeys et consorts
Article 1

Page 144

Le présent décret est d'application aux personnes qui emploient des travailleurs dans la région de langue néerlandaise, telle d'uelle est définie à l'article 59 § 4 de la Constitution, ainsi qu'à ces travailleurs.

Pour l'application du présent décret, sont assimilés:

  1. Aux travailleurs: les personnes qui exécutent un travail sous l'autorité d'une autre personne, autrement qu'à la suite d'un contrat de travail, ou qui exécutent ce travail dans des conditions analogues à celles d'un contrat de travail.

  2. Aux employeurs: les personnes qui emploient les travailleurs nommés au 1.°.

  3. À une entreprise: l'organisation d'employeurs et de personnes assimilées à des employeurs, qui exercent une activité en dehors de la vie des entreprises.

Relations sociales
Article 3

S 1. Par «relations sociales» au sens du présent décret il faut entendre:

  1. toutes les relations organisées au sein d'organes, de conseils, de comités ou de groupes de travail qui ont pour but de permettre le bon déroulement de la concertation dans les relations de service, la rationalisation et le fonctionnement de l'institution, relations définies ou prescrites par une loi, un décret, une ordonnance ou un règlement de l'institution, de même que les documents qui s'y rapportent;

  2. toutes les relations non organisées qui, bien qu'ayant régulièrement lieu, ne sont pas imposées mais visent au bon fonctionnement de l'institution, de même que les documents qui s'y rapportent;

  3. tous les actes concernant le travailleur qui ont pour objectif son développement personnel, envisagé en fonction de la rentabilité de l'institution et de la promotion sociale du tra-Page 145vailleur de même que les documents qui s'y rapportent;

  4. tous les documents concernant le travailleur et qui se rapportent à la sécurité sociale, l'assistance sociale, la médecine du travail, d'autres formes éventuelles de médecine préventive obligatoire, les dossiers personnels des travailleurs y compris les rapports et certificats médicaux ainsi que les règlements destinés aux travailleurs;

  5. tous les documents qui doivent être présentés aux agents des contributions ou dont ceux-ci peuvent demander à avoir connaissance;

  6. tous les documents qui doivent être consultés lors de contestations ou procès par le tribunal ou par des experts du tribunal;

  7. toutes les instructions, notes de service, notes et instructions verbales données dans l'institution et tous les documents sur lesquels se basent, et qui favorisent un traitement rapide des affaires, sauf lorsqu'ils concernent des pays étrangers ou les autres régions linguistiques.

Article 3

Les «relations sociales» entre employeurs et travailleurs incluent entre autres:

§ 1. les relations qui ont lieu au niveau de l'entreprise au sein du conseil d'entreprise, du comité de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ou entre l'employeur et la délégation syndicale, de même que les relations au sein de tout autre organe qui serait créé, en vue d'institutionnaliser ces relations par une loi ou un accord collectif;

S 2. toutes les autres relations entre l'employeur et les travailleurs, qui ont lieu au niveau de l'entreprise sous forme d'ordres, de communications, de publications ou dans le cadre d'assemblées du personnel, du service social, du service de médecine du travail, d'activités de type social, de cycles de prefectionnement, de la procédure disciplinaire, de l'accueil et autres;

§ 3. toutes les relations entre l'employeur d'une part et des institutions de droit public ou privé de l'autre, qui trouvent leur source dans les rapports de travail, telles les relations avec l'Office national de Sécurité sociale, l'Office national de l'Emploi, le Ministère de l'Emploi et du Travail, le Pouvoir judiciaire et d'autres, de même qu'avec les services médicaux communs à plusieurs entreprises, les centres de recrutement, les agences de publicité, les bureaux d'intérimaires et autres;

§ 4. les «relations sociales» incluent les relations individuelles et collectives, tant écrites que verbales, entre l'employeur et les travailleurs.

Actes et documents
Article 4

(...)

§2. Par «actes et documents prescrits par la loi et les règlements» il faut entendre:

1) tous les documents qui doivent être publiés au Moniter Belge;

2) tous les documents qui doivent être rédigés en application d'une loi, d'un décret, d'un arrêté royal ou ministériel d'une ordonnance de provinces, d'agglomérations, de fédérations de communes;

Page 146

3) tous les documents établis en rapport avec certains avantages octroyés par l'Etat, les provincîes, les agglomérations, les fédérations de communes, ou avec des contrats conclus avec ces autorités;

4) tous les documents concernant des contrats pris ou des contrats conclus avec l'Etat, des institutions parastatales, des régies d'état, des régies, des intercommunales, des agglomérations, des fédérations, des communes, des conseils économiques régionaux, des sociétés de développement régional et d'autres services publics.

Obligations
Article 7

§ 1. Les employeurs visés à l'article 3 § 2 du présent décret entretiennent, tant par écrit que verbalement, les relations définies à l'article prescrits 3 § 1 du présent décret, en néerlandais dans le ressort défini par l'article 1 du présent décret

§ 2. Les entreprises définies à l'article 4 § 1 du présent décret établissent des actes et documents visés à l'article 4 § 2 du présent décret en néerlandais dans le ressort défini par l'article 1 du présent décret.

Article 2

La langue à utiliser pour les relations sociales entre l'employeur et les travailleurs, ainsi que pour les actes et documents des entreprises par la loit et les règlements, est le néerlandais

Traductions
Article 5

Les actes et documents des entreprises prescrits par la loi et les règlements, tels que visés à l'article 1, et notamment tous les documents comptables dont les agents des contribu-Page 147tions peuvent demander à avoir connaissance et ceux qui sont destinés à leur personnel, doivent être établis en néerlandais. Néanmoins, à la demande unanime des travailleurs, membres du conseil d'entreprise, ou de la délégation syndicale, ou du délégué d'une organisation syndicale représentative, l'employeur doit joindre aux avis, communications, actes, certificats et formulaires destinés à son personnel, une traduction en une ou plusieurs langues, si la composition du personnel le justifie. Sous peine de nullité, cet accord doit être formulé par écrit et transmis aux fonctionnaires chargés de contrôler l'application du présent décret.

En ce qui concerne les actes et les documents prescrits par la loi et les règlements, cette obligation n'existe pas à l'égard des actes qui sont destinés à une personne établie dans une autre région linguistique unilingue ou à l'étranger.

Contrôle
Article 6

Les fonctionnaires qualifiés de l'Inspection du Travail du Ministère de l'Emploi et du Travail ainsi que les inspecteurs de la Commission permanente de contrôle linguistique contrôlent l'observation du présent décret.

Article 6

Les employeurs doivent se conformer aux dispositions des arrêtés pris en exécution de la loi du 26 janvier 1951 relative à la simplification des documents dont la tenue est imposée par la législation sociale.

Article 7

Sans préjudice des devoirs qui incombent aux officiers de police judiciaire, les fonctionnaires de l'inspections sociales du Ministère de l'Emploi et du Travail et les inspecteurs de la Commission permanente de contrô-Page 148le linguistique contrôlent l'exécution du présent décret.

Article 8

Les fonctionnaires visés à l'article 7 peuvent, dans l'exercice de leur mission:

  1. pénétrer librement, à toute heure du jour et de la nuit, sans avertissement préalable, dans tous les établissements, parties d'établissement, locaux ou autres lieux de travail où sont occupées les personnes soumises aux dispositions du présent décret; toutefois, ils n'ont accès aux locaux habités qu'avec l'autorisation préalable du juge du tribunal de police;

  2. procéder à tous examens, contrôles et enquêtes, recueillir toutes informations qu'ils estiment nécessaires pour s'assurer que les dispositions du décret sont effectivement observées, notamment:

  1. interroger, soit seuls, soit ensemble l'employeur, ses préposés ou mandataires ainsi que les travailleurs et en particulier les membres de la délégation syndicale, des comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, des conseils d'entreprise, sur tous faits dont la connaissance est utile à l'exercice du contrôle;

  2. se faire produire sans déplacement tous livres, registres et documents dont la tenue est prescrite par la présente loi74 et ses arrêtes d'exécution, en établir des copies ou extraits;

  3. prendre connaissance et copie de tous livres, registres et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.

Page 149

Article 9

Les fonctionnaires visés à l'article 7 ont le droit de donner des avertissements, de fixer au contrevenant un délai destiné à lui permettre de se mettre en règle, de dresser des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preveu du contraire.

Une copie du procès-verbal doit être notifiée au contrevenant dans les sept jours de la constatation de l'infraction, sous peine de nullité.

Article 10

Les fonctionnaires visés à l'article 7 peuvent, dans l'exercice de leurs fonctions, requérir l'assistance de la police communale et de la gendarmerie.

Sanctions
Article 7

Les documents et actes qui contreviennent au présent décret sont nuls. Cette nullité est constatée à la demande de l'inspecteur du travail compétent ou de l'inspecteur de la Commis-mission permanente de Contrôle linguistique, ou à la demande de toute personne appartenant à la communauté culturelle de la région linguistique où est établie l'entreprise ou institution, par le tribunal du travail compétent du lieu de l'entreprise ou institution.

La déclaration de nullité comporte automatiquement un avertissement à l'institution ou entreprise qui enfreint le présent décret.

En cas de seconde infranction, une amende de 5.000 francs lui est infligée, qui est doublée à chaque récidive.

La déclaration de nullité ne peut entraîner de préjudice dans le chef du travailleur ni aliéner les droits de tiers. L'institution ou entreprise responsable de la déclaration de nullité en supporte les conséquences financières et peut être civilement poursuivie en justice en cas de dommages subis par des tiers.

Article 8

Lorsque le tribunal du travail compétent a déclaré nul un document ou un acte, le dossier est d'office soumis au Procureur du Roi du ressort où est établie ou située l'entreprise ou l'institution.

Article 9

Toute infraction aux dispositions du présent décret est punie d'une amende 26 à 2.000 francs et d'une peine de prison de 8 jours à trois mois. En cas de récidive, la peine peut être doblée.

Article 11

Les actes et documents qui contreviennent aux dispositions du présent décret sont nuls. La nullité est constatée d'office par le juge. L'annulation peut être demandée devant le tribunal du travail du lieu où est établi l'employeur, par l'inspecteur du travail compétent, l'inspecteur de la Commission permanente de contrôle linguistique ou tout particulier.

Page 150

Le jugement ordonne d'office le remplacement des documents incriminés.

La levée de l'annulation ne sort ses effets qu'à partir du jour du remplacement; pour les documents écrits, à partir du jour du dépôt des documents de remplacement au greffe du tribunal du travail.

L'annulation ne peut pas porter préjudice aux travailleurs ni aliéner les droits de tiers. L'employeur est responsable du dommage causé par ces documents ou actes nuls au détriment du documents ou actes nuls au détriment du travailleur ou de tiers.

Les sanctions contenues à l'article 11 s'appliquent également aux actes et documents des entreprises par des lois et des règlements et à ceux qui sont destinés au personnel qui seraient déjà, conformément à l'article 52 § 1 de l'arrêté royal du 18 juillet 1966 portant coordination des lois sur lem-ploi des langues en matière administrative, établis en néerlandais.

Article 12

A l'article 1 de la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales, est ajouté ce qui suit:

29° l'employeur coupable d'infraction au décret du... visant à la néerlandisation de la vie des entreprises.

Article 13

Sans préjudice de l'application des articles 269 à 274 du Code pénal, sont punis d'une peine de prison de 8 jours à un mois et d'une amende de 26 à 500 francs, ou d'une de ces peines seulement:

  1. l'employeur, ses préposés ou mandataires qui ont enfreint les dispositions du présent décret;

  2. l'employeur, ses préposés ou mandataires ainsi que les travailleurs qui empêchent le contrôle organisé conformément au présent décret.

Page 151

Article 14

En cas de récidive endéans l'année qui suit une précédente, condamnation, la peine peut se monter au double du maximum.

Article 15

L'employeur est civilement responsable du paiement des amendes infli gées à ses préposés ou mandataires.

Article 16

Toutes les dispositions du Livre I du Code pénal, à l'exception du Chapitre V mais y compris le Chapitre VII et l'article 85, sont applicables aux délits définis par le présent décret.

Article 17

L'action publique résultant d'une infraction aux dispositions du présent décret se prescrit après une année révolue à compter du fait qui a été à l'origine de l'action.

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Annexe 3: 19 juillet 1973 — Décret réglant l'emploi des langues en matrère de relations sociales entre employeurs et travailleurs, ainsi qu'en matière d'actes et de documents d'entreprise prescrits par la loi et les règlements

Baudouin, Roi des Belges. A tous, présents et à venir, Salut.

Le Conseil cultural de la Communauté culturelle néerlandaise adopté et Nous sanctionnons ce qui suit:

I Champ d'application
Article 1er

Le présent75

Pour l'application du présent décret, sont assimilés:

  1. aux travailleurs: les personnes qui, autrement qu'en vertu l'un contrat de travail, fournissent des prestations de travail sous l'autorité d'une autre personne, ou qui fournissent des prestations de travail à des conditions de même nature que celles contrat de travail;

  2. aux employeurs: les personnes qui occupent les travailleurs visés au 1°, quelle que soit la nature de leur activité;

  3. à une entreprise: l'organisme d'employeurs et de personnes assimilées aux employeurs qui exercent une activité étrangère à la vie économique.

Page 153

Article 2

La langue à utiliser pour les relations sociales entre employeurs et travailleurs, ainsi que pour les actes et documents des entreprises prescrits par la loi, est le néerlandais.

II Relations sociales entre employeur et travailleur
Article 3

Les «relations sociales» comprennent les contacts individuels et collectifs, tant verbaux qu'écrits entre employeurs et travailleurs, qui ont avec l'emploi un rapport direct ou indirect.

Article 4

Les «relations sociales» entre employeurs et travailleurs comportent aussi entre autres:

§ 1er. toutes les relations entre employeurs et travailleurs qui se déroulent au niveau de l'entreprise sous forme d'ordres, de communications, de publications, de réunions de service ou de reunions du personnel, de service social, de service de la médecine du travail, d'œuvres sociales, de cycles de perfectionnement, de procédure disciplinaire, d'accueil, etc.;

§ 2. les relations qui se déroulent au niveau de l'entreprise au sein du conseil d'entreprise, du comité de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ou entre l'employeur et la délégation syndicale, ainsi que les relations avec ou au sein de tout autre organe qui serait créé par voie légale ou par voie de concertation collective en vue d'institutionnaliser ces relationa;

S 3. toutes les relations entre l'employeur et les institutions de droit privé ou public qui trouvent leur origine dans les rapports de travail.

III Actes et documents
Article 5

Sont établis par l'employeur en langue néerlandaise tous les actes et documents des employeurs, prescrits par la loi, tous les documents comptables, tous les documents destinés à leur personnel.

Toutefois, si la composition du personnel le justifie et à la demande unani-Page 154me des délégués-travailleurs du conseil d'entreprise ou, à défaut de conseil d'entreprise, à la demande unanime de la délegation syndicale ou, à défaut des deux, à la requête d'un délégué d'une organisation syndicale représentative, l'employeur doit joindre aux avis, communications, actes, certificats et formulaires destinés au personnel, une traduction en une ou plusieurs langues.

Les règles visées à l'alinéa précédent sont valables un an et doivent, à peine de nullité, être établies par écrit. Elles sont communiquées dans le mois par les employeurs aux fonctionnaires chargés de surveiller l'exécution du présent décret.

IV Surveillance
Article 6

Sans préjudice des devoirs incombant aux officiers de police judiciaire, les fonctionnaires chargés de la surveillance et de l'inspection des Ministères compétents et les fonctionnaires de la Commission permanente de Contrôle Iin-gustique surveiUen l'exécution du présent décret.

Article 7

Les fonctionnaires visés à l'article 6 peuvent, dans l'exercice de leur mission:

  1. pénétrer librement, à tout moment du jour et de la nuit, sans avertissement préalable, dans tous les établissements, parties d'établissements, locaux et lieux de travail, où sont occupées des personnes soumises aux dispositions du présent décret; toutefois, ils n'ont accès aux locaux habités qu'avec l'autorisation préalable du juge tribunal de police;

2,º procéder à tous examens, contrôles et enquêtes, et recueillir toutes informations qu'ils estiment nécessaires pour s'assurer que les dispositions du présent décret sont effectivement observées, et notamment:

  1. interroger, soit seuls, soit ensemble, l'employeur, ses préposés ou mandataires, ainsi que les travailleurs, et notamment les membres de la délégation syndicale, des comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail et des conseils d'entreprise, sur tous faits dont la connaissance est utile à l'exercice de la surveillance;

  2. se faire produire sans déplacement tous livres, registres et documents dont la tenue est prescrite par la loi et les arrêtés d'exécution, et en établir des copies ou extraits;

  3. prendre connaissance et copie de tous livres, registres et documents qu'ils jugent nécessaires à l'accomplissement de leur mission.

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Article 8

Les fonctionnaires visés à l'article 6 ont le droit de donner des avertissements, de fixer au contrevenant un délai pour se mettre en règle et de dresser des procès verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

Sous peine de nullité, une copie du procès-verbal doit être portée à la connaissance du contrevenant dans les sept jours de la concrétion de l'infraction.

Article 9

Les fonctionnaires visés à l'article 6 peuvent, dans l'exercice de leurs fonctions, requérir l'assistance de la police communale et de la gendarmerie.

V Sanctions
Article 10

Les documents ou les actes qui sont contraires aux dispositions du présent décret sont nuls. La nullité en est constatée d'office par le juge.

L'auditeur du travail compétent, le fonctionnaire de la Commission permanente de Contrôle linguistique et toute personne de l'association pouvant justifier d'un intérêt direct ou indirect peuvent demander le constat de nullité devant le tribunal du travail du lieu où l'employeur est établi.

Le jugement ordonne le remplacement d'office des documents en cause.

La levée de la nullité n'a d'effet qu'à partir du jour de la substitution: pour les documents écrits à partir du jour du dépôt des documents substitutifs au greffe du tribunal du travail.

Le constat de nullité ne peut porter préjudice au travailleur et laisse subsister les droits de tiers. L'employeur répond du dommage causé par ses documents ou actes nuls au travailleur ou des tiers.

Les sanctions prévues au présent article valent également pour les actes et documents d'entreprise prescrits par les lois et règlements, et pour ceux destinés au personnel qui devaient déjè être rédigés en néerlandais conformément à l'article 52, § 1er, de l'article royal du 18 juillet 1966 portant coordination des lois, sur l'emploi de langues en matière administrative.

Article 11

Une amende administrative peut être appliquée dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que celles prévues par la loi du 30 juinPage 1561971, relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales, à l'employeur qui se rend coupable d'une infraction au présent décret.

Article 12

Sans préjudice des articles 269 à 274 du Code pénal, sont punis d'un emprisonnement de huit jours à un mois et d'une amende de 26 à 500 francs ou d'une de ces peines seulement:

  1. l'employeur, ses préposés ou mandataires qui ont contrevenu aux dispositions du présent décret;

  2. l'employeur, ses préposés ou mandataires, ainsi que les travailleurs qui ont mis obstacle à la surveillance organisée en vertu du présent décret.

Article 13

En cas de récidive dans l'année qui suit une condamnation, la peine peut être portée au double du maximum.

Article 14

L'employeur est civilement responsable des amendes auxquelles ses préposés ou mandataires ont été condamnés.

Article 15

Toutes les dispositions du livre 1er du Codi pénal, le chapitre V excepté, mais le chapitre VII et l'article 85 y compris, sont applicables aux infranctions prévues par le présent décret.

Article 16

L'action publique résultant des infractions aux dispositions du présent décret se prescrit par un an à compter du fait qui a donné naissance à l'action.

Promulguons le présent décret, ordonnons qu'il soit revêtu du sceau de l'Etat et publié au Moniteur belge.

Donné à Bruxelles, le 19 juillet 1973.

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BAUDOUIN Par le Roi:

Le Ministre de la Justice, H. VANDERPOORTEN

Le Ministre des Affaires économiques, W. CLAES

Le Ministre de la Prévoyance sociale, F. VAN ACKER

Le Ministre de l'Intérieur, E. CLOSE

Le Ministre de Culture néerlandaise et des Affaires flamandes, J. CHABERT

Le Ministre de l'Emploi et du Travail, E. GEINNE

Scellé du sceau de l'Etat Le Ministre de la Justice, H. VANDERPOORTEN

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Annexe 4: Juin 1982 — Décret relatif à la protection de la liberté de l'emploi des langues et de l'usage de la langue française en matière de relations sociales entre les employeurs et leur personnel ainsi que d'actes et documents des entreprises imposés par la loi et les reglements

Le Conseil76 de la Communauté française a adopté et Nous, Exécutif, sanctionnons ce qui suit:

Article 1

Le présent décret est applicable aux personnes physiques ou morales:

— ayant leur siège social ou un siège d'exploitation dans la région de langue française ou qui y sont domiciliées;

— ou employant ou occupant du personnel dans la région de langue française ou des travailleurs d'expression française.

Sont notamment considérés comme travailleurs d'expression française ceux qui:

  1. sont porteurs d'un diplôme délivre par un établissement d'enseignement de langue française;

  2. sont inscrits en langue française dans les registres de la population et sont porteurs d'une carte d'identité en langue française;

  3. utilisent habituellement le français dans leurs relations de travail.

Article 2

La langue à utiliser pour les relations socials entre employeurs et travailleurs ainsi que pour les actes et documents des entreprises prescrits par la loi et les règlements est le français, sans préjudice de l'usage complémentaire de la langue choisie par les parties.

En aucun cas, l'usage de la langue française ne peut encacher la validité des actes et documents.

Toute clause tendant à restreindre l'usage de la langue française est nulle.

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Article 3

Les actes et documents dressés en violation de l'article 2 du présent décret sont nuls. La nullité en est constatée d'office par le Juge.

La levée de la nullité ne sortit ses affets qu'au moment où une version des actes et documents conforme au prescrit de l'article 2 est mise à la disposition des parties.

Promulguons le présent décret, ordonnons qu'il soit publié au Moniteur belge,

Bruxelles, le 30 juin 1982.

Le Ministre-Président, Ph. MOUREAUX

Le Ministre-Membre, Ph. MONFILS

Le Ministre-Membre, R. URBAIN

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Annexe 5: Proposition de décret modifiant le décret du 19 juillet 1973 réglant l'emploi des langues en matière de relations sociales entre les employeurs et les travailleurs, ainsi qu'en matière d'actes et de documents d'entreprise prescrits par la loi et les réglements
Article 1

Le présent*** décret règle un ematière visée à l'article 59 bis de la Constitution,

Article 2

Le premier alinéa de l'article 1 du décret du 19 juillet 1973 réglant l'emploi des langues en matière de relations sociales entre employeurs et travailleurs, ainsi qu'en matière d'actes et de documents d'entreprise prescrits par la loi et les règlements, est modifié comme suit:

Le présent décret est applicable aux personnes physiques et morales ayant un siège d'exploitation dans la région de langue néerlandaise et occupant du personnel dans la région de langue néerlandaise. Il est d'application aux employeurs et aux travailleurs et règle l'emploi des langues en matière de relations sociales entre employeurs et travailleurs ainsi qu'en matière d'actes et documents d'entreprise prescrits par la loi.

Article 3

L'article 2 du décret est modifié comme suit:

Article 2.

§ 1. La langue à utiliser pour les relations sociales entre employer s et travailleurs, ainsi que pour les actes et documents des entreprises prescrits par la loi, est exclusivement le nêeerlandais.

§ 2. Les travailleurs qui n'ont pas le nêeerlandais pour langue véhiculai-re ont le droit de s'absenter du travail, avec maintien du salaire normal, en vue d'étudier le néerlandais. Le ministre compétent pour les affaires sociales dans la région de langue néerlandaise est chargé de l'exécution du présent article. Le conseil d'entreprise, et le cas échéant la délégation syndicale ou lePage 161comité de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, est informé trimestriellement et par écrit du nombre de travailleurs qui suit de tels cours, des établissements où sont suivis ces cours, du nombre d'heures et du contenu du cours.

S'il n'existe pas dans l'entreprise de conseil d'entreprise, de délégation syndicale ou de comité de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, cette information est communiquée aux fonctionnaires chargés de surveiller l'exécution du présent décret.

Article 4

L'article 5 du décret précité est modifié comme suit:

Article 5.

Sont établis par l'employeur en langue néerlandaise: tous les actes et documents des employeurs prescrits par la loi, tous les documents comptables, tous les documents destinés à leur personnel, y compris les plans techniques ou les instructions, ainsi que les journaux destinés au personnel.

Toutefois, uniquement si la composition du personnel le justifie et à la demande unanime des travailleurs membres du conseil d'entreprise ou, à défaut de conseil d'entreprise, à la demande unanime de la délégation syndicale, l'employeur peut et doit joindre aux avis, communications, actes, certificats et formulaires destinés au personnel, une traduction en une ou plusieurs langues.

Les règles visées à l'alinéa précédent sont valables un an et doivent, à peine de nullité, être établies par écrit. Elles doivent être communiquées dans le mois par les employeurs aux fonctionnaires chargés de surveiller l'exécution du présent décret.

Si la création d'un conseil d'entreprise ou délégation syndicale n'est pas obligatoire dans l'entreprise l'employeur peut, si la composition du personel le justifie, procéder à ces traductions moyennant signification écrite aux fonctionnaires chargés de surveiller l'exécution du présent décret, dans le mois qui suit la traduction.

Une traduction peut être jointe aux actes et documents prescrits par la loi ainsi qu'aux documents comptables destinés à l'étranger, moyennant information écrite préalable au conseil d'entreprise ou, à défaut de conseil d'entreprise, à la délégation syndicale. Si la création d'un conseil d'entreprise ou délégation syndicale n'est pas obligatoire dans l'entreprise, cette information doit être communiquée par écrit et préalablement aux fonctionnaires chargés de surveiller l'exécution du présent décret. Cette information contient la communication des actes et documents comptables auxquels est jointe une traduction.

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Article 5

L'article 6 du décret précité est modifié comme suit:

Article 6.

Sans préjudice des devoirs incombant aux officiers de police judiciaire, les fonctionnaires de la Commission permanente de contrôle linguistique surveillent l'exécution du présent décret.

Article 6

Le premier alinéa de l'article 10 du décret précité est modifié comme suit:

Les documents ou les actes qui sont contraires aux dispositions du présent décret sont nuls et sont refusés d'office par les institutions publiques. La nullité est constatée d'office par le juge. L'auditeur du travail compétent, le fonctionnaire de la Commission permanente de contrôle linguistique et toute persane ou association pouvant justifier d'un intérêt direct ou indirect peuvent demander le constat de nullité devant le Tribunal du travail compétent.

Article 7

II est ajouté, à l'article H du décret précité, un nouvel alinéa qui dispose:

Le ministre compétent pour les affaires sociales dans la région de langue néerlandaise désigne le fonctionnaire visé à l'article 7 de la loi du 30 juin 1971 et fixe les délais ainsi que les autres règles relatives au paiement des amendes administratives imposées par ce fonctionnaire, ainsi que pour l'engagement de l'action en justice auprès du Tribunal du travail.

Article 8

II est ajouté, à l'article 16 du décret précité, un nouvel alinéa qui dispose: «Les infractions définies par le présent décret sont imprescriptibles.»

C. De Clerq, H. Weckx, C. Smitt, R. Van Rompaey, M. Rutten, J. De Serrano.

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* Aquest article fou publicat al «Courrier Hebdomadaire», núm. 1.035-1.036, del dia 20 d'abril de 1984. Agraïm al «Centre de Recherche et d'Information Socio-politique» I'autorització per a la seva reproducci6.

** Traduction de l'auteur.

*** Traduction de l'auteur.

[1] Taalbelang is stoffelijk belang - Tien jaar decret op het taalgebruik in de arbeids-verhoudingen, Textes de la journée d'étude du 14 décembre 1983.

[2] Serge Govaert, «Le VEV dans la Belgique des régions», Courrier Hebdomadaire du CRISP, n.° 1.003-1.004 du 27 août 1983 et J. Herremans, «Le Vlaams Economisch Verbond» (VEV), Courrier Hebdomadaire, n.° 67 du 15 mars 1974.

[3] H. Deleck, De taaltoestanden in het vlaams bedrijfsleven, een onderboek in de grote ondernemingen van Oost-Vlaanderen en een gekeel van voorsteîlen, Arbeiderspets, Bruxelles, 1959.

[4] Doc. Sénat 249 (1948-1949), n.° 1.

[5] Doc. Sénat 343 (1954-1955), n.° 1.

[6] Dans la suite de ce texte, nous utiliserons couramment, pour qualifier l'arrêté royal portant coordination des lois sur l'emploi des langues en matière administrative (Moniteur Belge, 2 août 1966), l'expression «lois coordonnées de 1966».

[7] I. De Weerdt, «De bevoegdheid van de kultuurraden i.v.m. de taalregeling in het bedrijfsleven», echtskundig weekblad, 1972, nr 39, cité dans doc. Giltuurraad 60 (1972-1973), n.° 1.

[8] Doc. Cultuurraad 26 (1971-1973), n.° 1.

[9] Doc. Cultuurraad 60 (1972-1973), n.° 1.

[10] R. Vandezande affirme ultérieurement que ce paradoxe résultait d'une inadvertance, réparée ensuite par voie d'amendement.

[11] Doc. Cultuurrad 26 (1971-1972), n.° 3.

[12] Doc. Cultuurraad 26 (1971-1973), n.° 2.

[13] «Taalbelang is stoffelijk belang», op. cit., p. 25.

[14] Doc. Cultuurraad 26 (1971-1973), n.° 4.

[15] Jacqueline Coquereaux, De vernederlandsing van hel bedrijfsleven, Antwerpen/Amsterdam, Kluwer, 1977, ps. 38-39. Jacqueline COCQUEREAUX est une militante bruxelloise de la Volksunie. Elle consacra son mémoire de licence en sciences politiques à la KULeuven, sous la direction du professeur R. Blanpain, au décret de septembre.

[16] L'emploi des langues dans les entreprises - Le décret du Conseil culturel néerlandais - Commentaire, Editions de la FEB, Bruxelles, 1973.

[17] Commission permanente de contrôle linguistique, session plénière du 18 mars 1965, n.° 80.

[18] Rapport fait par M. De Stexhe au nom de la Commission du Sénat, Doc. Sénat 390 (1970-1971).

[19] De Vernederlandsing van bel bedrijfslevett, een uitgave van het secretariaat van de Cultuurraad van de Nederlandse Cultuurgemeenschap, Bruxelles, 1973.

[20] Commission permanente de contrôle linguistique, section néerlandaise, session du 15 juin 1965, n.º 792.

[21] L'emploi des langues dans les entreprises, op. cit., ps. 20-21.

[22] Ibid., ps. 18-19.

[23] Commission permanente de contrôle linguistique, section néerlandaise, Decret op bel tadgebruik in bet bedrijfslevett en in de arbeidsverhoudingen, Bruxelles 1975.

[24] «L'emploi des langues dans les entreprises», op. cit., p. 22.

[25] Gamme les autres journaux francophones, La Libre Belgique ne cacha pas son hostilité mais par contre, elle se borna à des objections de nature politique. Voir notamment l'éditons] du 13 septembre 1973.

[26] De venederlandsing van het bedrijfsleven, op. cit., p. 92.

[27] Il est signé J. Fr., vraisemblablement Jean Francis, 31 août 1973.

[28] Le Soir, 20 septembre 1973.

[29] De vernederlandsing van bel bedrijfsleven, op. cit., ps. 78 à 84.

[30] J, Cocquereaux a dressé une liste de ces qualificatifs et accusations exprimés de manière plus ou moins violente. Voir «De vernederlandsingvan bet bedrijfsleven», op. cit., p. 99.

[31] J. Cocquereaux (op. cit., ps. 92-93) donne la liste complète des articles consacrés au décret parus dans la presse francophone jusqu'au 29 septembre 1973.

[32] De Standaard, 5 octobre 1973.

[33] Voir Le Peuple, 25 septembre 1973 et La Dernière Heure, 26 septembre 1973.

[34] De Standaard, 28 septembre 1973.

[35] La Libre Belgique, 28 septembre 1973.

[36] De Standaard, 29 septembre 1973.

[37] Le Soir, 30 septembre 1973.

[38] De Standaard, 3 octobre 1973.

[39] De Standaard, 2 octobre 1973.

[40] Actuellement chef de cabinet du Premier ministre W. MARTENS.

[41] De vernederlandsing van het bedrijfsleven, op. cit., p. 110.

[42] Doc. Cultuurraad 117 (1972-1973), n.º 1.

[43] Cultuurraad, Handelingen, 18 novembre 1975, p. 67.

[44] De vernederlandsing van bel bedrijfsleven, op. cit., p. 35.

[45] M. Taquet et C. Wantiez, «Le décret du 19 juillet 1973», in Journal des Tribunaux du travail, 30 novembre 1973, n.° 72, ps. 273 à 283.

[46] V. aussi à ce sujet P. De Stexhe, La révision de la Constitution belge 1968-1971, p. 98.

[47] Cf. X. Mabille, «L'évolution de la Communauté néerlandaise a été mal perçue par les francophones». Le Monde, 5 octobre 1973.

[48] Taalbelang is stoffelijk belang, op. cit., p. 45.

[49] Cultuutraad, Bulletin des Questions et réponses, n.° 3, mars 1977, p. 52.

[50] A partir de 1975, par manque de personnel, il n'y eut plus d'inspection d'initiative et les infractions furent simplement signalées par courrier avec prière d'informer la Commission permanente de contrôle linguistique du suivi.

[51] Chambre, Bulletin des Questions et réponses, n.° 12 du 25 janvier 1983, ps. 97-98.

[52] Notament: Tribunal du travail de Bruxelles, 1er décembre 1975; Tribunal du travail de Termonde, 5 décembre 1977; Tribunal du travail d'Anvers, 13 décembre 1977; Tribunal du travail d'Anvers, 14 juin 1978; Tribunal du travail de Hasselt, 25 fevrier 1980.

[53] Question préjudicielle soumise à décisions des Chambres législatives par la Cour de Cassation - Rapport fait au nom de la Commission de la Justice par M. Vanderpoorten - doc. Sénat 631 (1980-1981), n.º 1.

[54] Encore que les Chambres auraient pu se saisir de l'affaire, celle-ci trouvant son origine avant la loi de 1980; en outre, les Chambres conservaient la possibilité d'annuler l'arrêt de la Cour de Cassation dans un délai de 90 jours (art. 28 de la loi du 9 août 1980), ce que la commission du Sénat, en tous cas, refusa (cf. l'intervention en séance publique du CCF de M, Lagasse, Compterendu analytique de la séance du 29 juin 1982, p. 12).

[55] Doc. CCF 62 (1981-1982), n.° 1.

[56] V. texte du décret tel qu'adopté en annexe 4.

[57] Rechtskundig Weekblad, 1979-1980, p. 1.523.

[58] Rechtskundig Weekblad, 1979-1980, p. 2.403.

[59] Cf. à ce sujet D. Nayaert, Vergelijking en conflict, in Taalbelang is stoffelijk belang, op. cit., ps. 94 à 99.

[60] Doc. Vlaamse Raad 140 (1981-1982), n.° 1; remarquons que C. De Clercq est l'un des coauteurs du décret de septembre.

[61] Doc. Vlaamse Raad 140 (1981-1982), n.° 3.

[62] Le Conseil d'Etat, a posteriori, émet donc ici un jugement négatif sur l'un des articles du décret de septembre.

[63] Het Laatste Nieuws, 24 mars 1983.

[64] Doc. Chambre 712 (1982-1983), n.° 1.

[65] Doc. Chambre 712 (1982-1983), n.° 5.

[66] De Standaard, 24 mars 1984.

[67] Doc. CCF 136 (1983-1984), a.' 1.

[68] Il n'est pas jusqu'aux titres des deux propositions en question qui soient plus ou moins analogues.

[69] Doc. CCF 136 (1983-1984), n.« 2..

[70] C'est ce qui explique sans doute pourquoi les politiciens flamands pensent et agissent en fonction d'une communauté flamande qui serait comme un état souverain, incerit dans des frontières quasi nationales: d'où leur intérêt pour la problemátique des relations extérieures des communautés.

[71] Cf., l'article de René De Feyter, administrateur délégué du VEV, dans VEV Beleid, n." 11, novembre 1973.

[72] Cf., notamment H. Cappuyns, «Waarom oofc wetgevende maatregelen ter vernederlandsing van het bedrijfsleven, Anvers, VEV, 1963 et les articles d'I. De Weeedt dans le Financieel Economiscbe Tijd.

[73] Cf. Serge Govaert, «Le VEV dans la Belgique des régions», CRISP C.H., n.° 1.003-1.004 du 27 août 1983.

[74] N. d. T.: sic. Il faut sans doute lire: «par la présent décret».

[75] Session 1971-1972. Documents. — Proposition de décret 26 (1971-1972), n.° 1. — Amendement 26 (1971-1972), n.° 2. Session 1972-1973. Documents. — Proposition de décret 60 (1972-1973), n.° 1. — Amendement 26 (1971-1972), n.° 3. — Rapport, 26 (1971-1972), n.° 4. — Rapport, 60 (1972-1973), n.º 2. Annales, — Discussion et adoption. Séance du 19 juin 1973.

[76] Session 1931-1982. Documents du Conseil. — N.° 62, nº l. — Projet de décret. Compte rendu intégral. — Rapport oral. — Discussion et adoption. Séance du 29 juin 1962.

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