La commission permanente de controle linguistique (CPCL)

AutorM. P. Herremans
CargoVice-président du Conseil d'administration du Centre de Recherche et d'Information Socio-politiques
Páginas163-192

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Chapitre I: Origine et Création de la Commision permanente de Contrôle linguistique

Sous* le titre1 «contrôle», le chapitre VIII de la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative établit l'existence d'une Com-Page 164mission permanente de Contrôle linguistique qui a pour mission de surveiller l'application de la dite loi.2

En fait, il ne s'agissait pas d'une innovation absolue comme certains observateurs ont eu tendance à se l'imaginer. Effectivement, la loi du 28 juin 1932 sur l'emploi des langues en matière administrative, qui remplaçait elle-même la loi du 31 juillet 1921, et que la loi du 2 août 1963 a remplacée à son tour, prévoyait déjà la création d'une commission permanente chargée de surveiller l'application de la loi.3

A cette époque déjà, on estimait que la manière défectueuse et incomplète dont la loi du 31 juillet 1921 avait été appliquée devait inciter le législateur à ne plus se fier désormais à la seule bonne volonté du Gouvernement.

Le législateur de 1963 devait se montrer aussi sévère à l'égard de l'application défectueuse de la loi du 28 juin 1932, que le législateur de 1932 l'avait été à l'égard de l'application de la loi du 31 juillet 1921 et c'est ainsi que le projet de loi qui devait donner naissance à la loi du 2 août 1963 prévoyait des dispositions novelles tendant à assurer l'application intégrale de la nouvelle législation par la mise en oeuvre de sanctions adéquates et d'un contrôle efficient.

L'exposé des motifs du projet de loi du Ministre Gilson4 s'exprime de la manière suivante à cet égard, établissant très clairement le renforcement du contrôle linguistique, revendiqué principalement sinon exclusivement par les milieux flamands:

Les transgressions nombreuses, dont la loi du 28 juin 1932 a été l'objet, sont en ordre principal imputables au fait que le législateur s'est imaginé de bonne foi qu'il suffisait de faire usage des sanctions existantes. L'expérience a prouvé toutefois qu'une loi linguistique sans sanctions est trop facilment méconnue.

II est arrivé sans doute, qu'un agent ait encouru une peine disciplinaire pour avoir traité une affaire dans une autre langue que celle prescrite par la loi. Mais les violations plus graves mettant en cause l'essence même de la loi ont presque toujours bénéficié de l'impunité la plus complète. Ce sont cesPage 165violations qu'il convient avant tout de réprimer soit par des mesures disciplinaires, soit par la sanction de nullité, eu égard au fait qu'une loi linguistique est une loi d'ordre public.

La loi de 1932 avait confié le contrôle à une commission de six membres nommés par le Roi sur présentation des Académies royales de Langues et de Littératures.

Il est résulté de l'expérience qu'en raison tant de sa composition que de ses attributions et méthodes de travail, cette commission n'a pas répondu à l'attente du législateur.

C'est pourquoi il est proposé d'apporter à ce collège des modifications profondes.

Les conseils culturels seront intéressés à sa constitution.

Provisoirement, les candidatures seront présentées par la Chambre des Représentants.

Les membres no pourront dépasser une certaine limite d'âge, ce qui favorisera le dynamisme de la commission.

Le président bilingue sera désigné par la Chambre des Représentants. Le statut de ce président sera fixé par le Roi en s'inspirant de celui des agents de l'Etat.

Une large indépendance d'action devra lui être garantie dans l'exercice de sa mission.

Le Roi arrêtera également le statut de la commission elle-même et de ses organismes.

Les méthodes de travail de la commission deviennent plus efficaces: elle agit en pleine indépendance mais des mesures sont prises pour éviter que l'examen des demandes d'avis ou de plaintes ne dure des années, comme c'était trop souvent le cas dans le passé.

En ce qui concerne ses attributions, la mission de la commission est effectivement élargie.

Enfin sa scission en deux sections favorisera l'instruction rapide des affaires.

La commission comptera parmi ses membres un représentant de la région de langue allemande.

La loi du 2 août 1963 impliquait la mise en place de nombreux arrêtés d'exécution. Tous ne sont pas encore pris à l'heure actuelle et nous avons consacré, il y a quelques mois, une étude aux arrêtés d'exécution du 30 octobre 1966.5

En ce qui concerne plus spécialment la mise en place de la Commission permanente de Contrôle linguistique, l'arsenal des mesures réglementaires indispensables s'étala sur un bon nombre de mois et les modifications successi-Page 166ves son évidemment le reflet de discussions de coulisses entre tendances opposées.

La presse flamande dans de nombreux et virulents commentaires consacrés à ces lenteurs d'exécution n'hésita pas à user du terme de sabotage6

Quoi qu'il en soit, voici la série d'arrêtés royaux ayant permis le démarrage de la Commission permanente de Contrôle linguistique:

— Arrêté royal du 12 mars 1964 portant nomination du président de la CPCL: M. Raphaël Renard, docteur en droit et chef de cabinet-adjoint du Ministre de l'Intérieur.

— Arrêté royal du 2 mars 1964 définissant le statut de la CPCL (modifié par l'arrêté royal du 18 mars 19864).

— Arrêté royal du 23 mars 1964 portant la nomination des membres de la CPCL (modifié par l'arrêté royal du 1er juin 1964).

— Arrêtés royaux des 11 juin 1964, 2 juillet 1964 et 16 juillet 1964, portant nomination de fonctionnaires du cadre administratif de la CPCL.

L'installation officielle de la commission eut lieu le 4 juin 1964 dans les locaux du Ministère de l'Intérieur, les locaux dévolus à la Commission permanente de Contrôle linguistique situés au 70, rue de la Loi n'étant pas encore en état à cette époque.

Le première réunion plénière se tint le 25 juin 1964.

L'inauguration officielle des nouveaux locaux eut lieu quelques mois plus tard et une conférence de presse fut organisée à cette occasion le 22 janvier 1965, quelques jours après l'occupation effective de ceux-ci.

Assez paradoxalement après avoir insisté sur le fait que la fonction présidentielle était permanente et indépendante du pouvoir exécutif, le Ministre de l'Intérieur, M. Gilson, termina son exposé introductif dans les termes suivants:

A une institution qui naît, on souhaite nécessairement longue vie. Assez paradoxalement, je souhaiterais, quant à moi, qu'un organe créé pour garantir l'exécution loyale de dispositions juridiques voulues par le Parlement, accomplisse sa tâche avec une force de conviction si grande et donne à son action un caractère si éminemment éducatif, que dans un domaine qui conditionne la vie en commun des Belges l'évolution des moeurs finisse par rendre inutile le prescrit légal et les mesures qui en garantissent l'exécution. En tous cas, je souhaite, dans l'intérêt de la Belgique, que votre oeuvre soit pleinement féconde et aboutisse à rendre plus cordiale et plus étroite l'entente entre les Belges, C'est ainsi que vous aurez mérité la reconnaissance du pays.

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Dans sa réponse, le Président de la Commission permanente de Contrôle linguistique, M. Raphaël Renard, devait notamment s'exprimer de la manière suivante:

La Commission permanente de Contrôle linguistique offre par sa composition même les garanties que l'on doit attendre d'un organisme appelé à jouer un rôle fort important dans la vie publique de la Nation.

Les différentes tendances politiques, philosophiques et linguistiques qui sont à la base de sa composition, seront pour elle une richesse plutôt qu'une faiblesse pour autant, bien sûr, qu'elles se complètent dans la recherche objective et sereine d'une réalité nationale. Cette sérénité sera d'autant plus facile à réaliser que le travail se fera dans le cadre tracé par. le législateur et par conséquent en dehors des affrontements politiques et linguistiques.

La commission n'a pas comme tâche de concilier des point de vue opposés en des matières étrangères à la loi linguistique. La commission est liée par la loi et n'est, par conséquent, pas appelée à faire à la demande de l'un ou de l'autre la critique de la législation. Par contre, elle est appelée à expliquer la loi d'après sa propre conception et de veiller à ce que la loi, le droit positif, reçoive son application.

Certains avis de la Commission permanente provoqueront incontestablement des protestations ou du dépit chez ceux qui avaient espéré une autre application de la loi. Mais de telles réactions ne sont-elles pas inhérentes à la solution de tout litige? Ces inconvénients ne doivent-ils pas être admis dès le départ l'instance même qui donne son avis?

Même là où elle agit comme organe de contrôle, la commission n'a pas le pouvoir de décider souverainement en vue de modifier une situation déterminée. Le pouvoir décisif appartient toujours à l'autorité administrative, aux Cours et Tribunaux, au Conseil d'Etat.

La commission ne peut qu'espérer de rendre par ses avis, la tâche plus légère à ces différents organes.

C'est en remerciant la Chambre des Représentants pour la confiance qu'elle a bien voulu nous témoigner que j'ose affirmer, Monsieur le Ministre, que la commission remplira sa mission "sine ira et estudio", et dans la ferme conviction du rôle important qu'elle a à remplir pour le bien supérieur du pays.

Comme nous aurons l'occasion de le dire plus loin et notamment dans le chapitre V consacré aux commentaires à propos de la CPCL, les espoirs émis par le Ministre de l'Intérieur et par le président de la CPCL ne se sont pas encore concrétisés à ce jour.

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Chapitre II: Compétence de la Commission permanente de Contrôle linguistique

Cette compétence est très large et se trouve principalement définie dans l'article 61 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative.

— Tous les ministres, et non pas seulement le Ministre de l'Intérieur, sont tenus de consulter la CPCL sur toutes les affaires d'ordre général qui concernent l'application des lois coordonnées.7

— La CPCL, après enquête, fait connaître son avis, aux autorités responsables. Il s'agit bien d'un avis et non d'une décision comme on a parfois cru le comprendre. En réalité, le ministre n'est pas tenu de manière formelle à suivre l'avis de la CPCL mais il doit lui faire connaître la suite réservée à ses observations,8 s'exposant s'il ne suit pas l'avis de la CPCL à la sanction politique traditionnelle c'est-à-dire les questions parlementaires, orales ou écrites et les interpellations et s'exposant également aux commentaires de presse.

— La CPCL est habilitée à exercer un contrôle sur les examens linguistiques organisés dans le cadre des présentes lois coordonnées, à l'intervention ou sans intervention du Secrétaire permanent au Recrutement et à y déléguer des observateurs.9 Or, ces examens sont de plus en plus nombreux et les dispositions de l'arrêté IX du 30 novembre 1966 fixant les conditions de délivrance des certificats de connaissances linguistiques sont éclairantes à ce propos.

— La CPCL demande aux autorités ou juridictions compétentes de constater la nullité10 de tous les actes, réglements et documents administratifs, ainsi que de toutes les nominations, promotions et désignations contraires aux lois coordonnées et aux arrêtés royaux qui s'y rapportent.

— La CPLC émet, dans un délai de six mois, un avis sur les plaintes des particuliers qui lui parviennent.11

Bien que la compétence de la CPCL soit déjà très large ainsi que nous venons de le constater, il existe certain es personnes qui ont tendance à l'élargir indûment. Chaque fois que la CPCL a été appelée à se pencher sur une plainte relative à une loi autre que la loi du 2 août sur l'emploi des langues en matière administrative, elle a dû faire état de sa non compétence en la matière. C'est notamment le cas pour toutes les questions relatives à la loi du 30 juillet 1963 concernant le régime linguistique dans l'enseignement ou pour les questions relatives à l'emploi des langues à l'armée.

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Dautre part, il existe une certaine polémique au sujet de la nature même de la CPCL. Dans le cadre de cette étude, il ne nous est malheureusement pas possible de nous étendre à ce sujet.

Qu'il nous suffise à ce propos de constater que la CPCL est une institution sui generis à la fois auxiliaire du Parlement (voir notamment à ce propos le statut du président de la Commission) et étroitement dépendante de l'exécutif (voir notamment le statut du personnel administratif et le budget dépendant l'un et l'autre du Ministre de l'Intérieur).

Cette situation hybride donnera lieu à des commentaires en sens divers de la part des spécialistes.

Chapitre III: Composition — Constitution de la Comission permanente de contrôle linguistique

La Commission permanente de Contrôle linguistique est composée de trois entités qu'il convient de distinguer:

— un président,

— onze membres effectifs et onze membres suppléants,

— une trentaine de fonctionnaires.

  1. Le Président, M. Raphaël Renard, a été nommé par la Chambre des Représentants, le 12 mars 1964, et sa fonction est permanente et exercée à temps plein.

    Docteur en droit, flamand et bilingue comme le requiert expressément la loi, M. Renard est doté d'un statut qui apparente sa fonction à la haute magistrature, comme devait le rappeler le Ministre Gilson dans le discours d'installation auquel nous avons déjà fait allusion dans le premier chapitre de cette étude.

  2. La Commission proprement dite est composée de 11 membres effectifs nommés pour une période de 4 ans et se répartissant de la manière suivante:

    — 5 membres flamands;

    — 5 membres wallons et francophones;

    — 1 membre de langue allemande qui n'est toutefois convoqué que pour les affaires intéressant les communes de langue allemande ou les communes malmédiennes (qui comptent une minorité de langue allemande).

    Politiquement, les membres effectifs se répartissent de la manière suivante:

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    — 5 PSC (2 flamands, 2 wallons, le membre de langue allemande);

    — 4 PSB (2 flamands, 1 walon, 1 bruxellois francophone;12

    — 2 PLP (1 flamand, 1 wallon).

    La même composition se retrouve en ce qui concerne les membres suppléants.

    Le président qui appartient également à l'opinion sociale-chrétienne ne prend cependant pas part aux votes.

    La candidature des commissaires actuellement en fonctions a été présentée par la Chambre des Représentants au cours de sa séance du 12 mars 1964, en même temps qu'elle procédait à la nomination du président.

    Les votes furent exprimés sur deux listes triples de candidats d'expression française et d'expression néerlandaise auxquelles une liste de trois candidats d'expression allemande était jointe.

    Les votes furent concentrés sur les candidats présentés par les trois partis traditionnels. Quelques candidats isolés, ne disposant pas de l'appui officiai des partis politiques traditionnels obtinrent un petit nombre de voix variant de 1 à 5.13

    Quelques jours plus tard, par son arrêté du 23 mars 1964,14 le Ministre de l'Intérieur procédait aux nominations des membres effectifs et des membres suppléants de la CPCL.

    En ce qui concerne les membres effectifs et suppléants de la section néerlandaise et d'expression allemande, le Ministre suivit fidèlement les indications résultant des votes émis par les membres de la Chambre des Représentants.

    Par contre, en ce qui concerne les membres d'expression française, plusieurs modifications plus ou moins importantes apparaissent.

    M. Raymond Costard, fonctionnaire au Ministère de l'Intérieur, qui avait été désigné comme premier candidat par la Chambre des Représentants (en remportant d'ailleurs le plus grand nombre de suffrages exprimés)15 n'était désigné qu'en qualité de suppléant alors que M. Adolphe Debleumortier, qui avait été proposé comme second candidat, était nommé en qualit de membre effectif. Quelques jours plus tard, M. Raymond Costard offrait sa démission et était remplacé en qualité de suppléant par M. André Chavagne, fonctionnaire au Ministère des Affaires Economiques.

    M. Lucien De Coninck, qui avait été proposé comme premier candidat, nePage 171figure plus dans l'arrêté royal ni comme membre effectif, ni comme membre suppléant. Par contre, M. Victor Michel, qui avait été proposé comme second candidat, est nommé en qualité de membre effectif tandis que MM. De Vosse et Magerotte, qui avaient été proposés en qualité de troisièmes candidats, figuraient l'un et l'autre dans la liste des suppléants.

    M. Léon Remacle ayant été élu membre de la Chambre des Représentants aux élections de 1965 a démissionné en raison de l'incompatibilité décrété par la loi («la qualité de membre de la Commission étant incompatible avec l'exercice de tout mandat politique»). M. Magerotte, qui était son suppléant, lui a succédé en qualité de membre effectif.

    Les membres l6 de la Commission permanente de Contrôle linguistique perçoivent un jeton de présence dont le montant est fixé à 1.000 francs par séance. Il peut y avoir deux, voire même trois séances par jour. La Commission se réunit en principe tous les jeudis sauf pendant les mois de juillet et d'août.

    En comparant les qualifications professionnelles des membres flamands et des membres wallons et francophones, on constate chez les premiers une nette prédominance de juristes (avocats ou conseillers juridiques), soit 4 sur 5, et chez les seconds, on ne retrouve qu'un juriste (M. Debleumortier, avocat à Namur) sur les 5 membres; les autres étant soit syndicalistes (M, Victor Michel est secrétaire général du Mouvement Ouvrier Chrétien MOC et M. Louis Stevens est un ancien leader syndicaliste de la FGTB de Bruxelles) ou fonctionnaire communal (M. André Bertouille est secrétaire communal de Comines).

  3. Le personnel administratif de la CPCL comporte une trentaine d'agents de l'Etat mis à la disposition de la Commission per le Gouvernement. En fait, il s'agit essentiellement de fonctionnaires émanant du Ministère de l'Intérieur.

    Selon les dispositions des arrêtés royaux des 17 mars et 29 juillet 1964, ce personnel se répartit de la manière suivante:

    2 inspecteurs généraux;

    2 inspecteurs en chef;

    2 conseillers;

    2 inspecteurs;

    1 traducteur-réviseur;

    1 interprète-traducteur;

    1 traducteur;

    1 secrétaire administratif;

    1 sous-chef de bureau;

    2 rédacteurs;

    2 commis-sténo-dactylographes principaux;

    2 commis sténo-dactylographes;

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    1 commis principal;

    1 commis;

    2 commis dactylographes;

    1 classeur;

    3 messagers-huissiers;

    1 téléphoniste;

    2 conducteurs d'auto.

    Le cadre supérieur du service administratif est réparti, de façon égale, entre les rôles français et néerlandais.

    Les deux rapports annuels de la Commission publiés à ce jour, sous la forme de documents parlementaires font état l'un et lautre du manque de personnel, le cadre n'étant pas rempli et, d'autre part, l'exécution de nombreuses tâches qui incombent à la CPCL nécessitant un élargissement du dit cadre.17

    Enfin, il convient de remarquer que le personnel administratif de la CPCL ne doit pas être confondu avec le Service des Affaires linguistiques du Ministère de l'Intérieur qui, avec un effectif beaucoup plus réduit (4 unités), est chargé de l'exécution proprement dite de la loi, cette mission n'incombant pas à la CPCL qui est chargée du contrôle, le Ministre de l'Intérieur restant, comme les autres ministres d'ailleurs, responsable de l'application de la loi linguistique dans son département et dans les institutions sur lesquelles il exerce la tutelle et notamment les provinces et les communes.

Chapitre IV: L'activité de la Commission permanente de controle linguistique

Sur le plan purement statistique, l'activité de la Commission permanente de Contrôle linguistique apparaît dans les chiffres suivants, empruntés aux premiers rapports d'activité.

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[VOIR LE TABLEAU EN PDF CI-JOINT]

Les deux rapports publiés à ce jour se présentent sous la forme de volumineux documents parlementaires, le premier comportant 168 pages, le second 327. Tout laisse prévoir que le troisième rapport, qui sera le premier à couvrir une année civile entière, 1966, sera au meins aussi développé que le précédent.

Ces rapports comportent notamment la publication in extenso de tous avis rendus par la CPCL tant en séance plénière qu'en sections néerlandaise ou française. Le premier rapport usait du terme «décisions», ce qui n'était certainement pas conforme au prescrit de la loi qui n'envisage que des avis ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de le mentionner plus haut, le rôle de la Commission étant consultatif.

Le second rapport apporte une innovation heureuse pour la consultation du document et le tableau des objets auxquels se rapportent les avis émis pendant la période envisagée est très éclairant quant à l'extension des domaines abordés. C'est ainsi par exemple que lors du second exercice ont notamment fait l'objet des préoccupations de la CPCL les points suivants:

— Actes établis par des services publics.

— Adjudications.

— Application de l'article 41 de la loi du 2 août 1963 {qui pose le problème de la flamandisation de la vie économique en Flandre et qui est une des innovations les plus importantes de la loi du 2 août 1963).

— Avis et communications destinés au public.

— Centres touristiques (un des avis les plus contestés avait été la non reconnaissance de la ville de Bruges en qualité de ville touristique. IlPage 174y a quelques mois, dans un nouvel avis, la CPCL a reconnu le caractère touristique à la ville de Bruges).

— Certificats et déclarations établis par des services publics.

— Collaborateurs privés.

— Communes visées à l'article 7, S 1er de la loi du 2 août 1963.

— Connaissance linguistique du personnel.

— Correspondance et enveloppes.

— Elections.

— Formulaires destinés au public.

— Incompétence de la CPCL (dont la compétence est strictement limitée à la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative).

— Interprétation de diverses notions.

— Langue des arrêtes royaux et ministériels.

— Personnel des services publics.

— Services établis à l'étranger.

— Traitement en service intérieur.

Les rapports de la CPCL font également état de suggestions, par exemple:

— La dépendance trop étroite de la Commission vis-à-vis du pouvoir exécutif, c'est-à-dire vis-à-vis du Ministre de l'Intérieur, quant à son personnel administratif et sur le plan budgétaire, ce qui entrave le fonctionnement normal de la CPCL.

— Le Gouvernement devrait prendre une initiative dans le sens du renforcement des liens entre les communautés nationales, initiative basée sur les deux principes de courtoisie et de réciprocité. La loi du 2 août 1963 en effet est muette en ce qui concerne les rapports entre les services locaux ou régionaux établis dans des régions ùnilingues différentes.

C'est dans la revue juridique flamande «Rechtskundig Weekblad» publiée à Anvers sous la direction du chevalier René Victor, ancien professeur à la Faculté de Droit —régime néerlandais— de I'ULB et homme politique libéral anversois, que l'on trouve le plus de commentaires concernant la CPCL. La plupart des membres flamands de la CPCL y collaborent plus ou moins activement. Nous avons vu plus haut que quatre sur cinq des membres effectifs flamands étaient des juristes. Sans vouloir trancher ici le délicat point de déontologie18 qui pourrait être évoqué, il convient de reconnaître que la lecture de Rechtskundig Weekblad est un point de passage obligé pour tous ceux qui désirent approfondir leurs connaissances concernant le fonctionnement de la Commission permanente de Contrôle linguistique. Nous ne voyons aucun équivalent dans les publications de langue française.

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Chapitre V: Les commentaires à propos de la Commission permanente de contrôle linguistique et de son activité

D'une manière générale, les commentateurs de la Commission permanente de Contrôle linguistique font preuve d'un manichéisme outrancier. Ou bien ils sont résolument partisans de la commission et ne lui trouvent que des qualités, se plaignant parfois que son action est trop souvent entravée par des chicanes administratives de toute espèce. Ces commentateurs bienveillants voient généralement dans la CPCL la garantie absolue de l'application loyale de la loi du 2 août 1963 pour l'emploi des langues en matière administrative. C'est généralement, sinon exclusivement, dans les milieux flamands et dans la presse flamande que se recrutent les représentants de cette première opinion.

Par contre, dans les milieux wallons et bruxellois et dans la presse d'expression française, les critiques à l'égard de la CPCL sont à la fois fréquentes et très souvent virulentes. Aux yeux des représentants de cette tendance, la Commission représente vraiment la Mecque du flamingantisme militant le plus violemment antifrançais et également le plus insidieux, puisque sous le pavillon d'un paritarisme fictif, des représentants wallons et francophones sont amenés jour après jour à cautionner les actes délibérément voulus par les représentants flamands, monolithiquement réunis. Les adversaires les plus acharnés de la CPCL n'hésitent pas à établir une corrélation entre la hauteur des jetons de présence et la «docilité» qu'ils reprochent à certains commissaires francophones à l'égard dec exigences flamandes.

Nous avons déjà eu l'occasion d'attirer l'attention sur l'importance que revêt la lecture de la revue juridique flamande Rechtskundig Weekblad pour tous ceux qui veulent en connaître davantage sur la CPCL De nombreuses livraisons de cette revue contienent l'un ou l'autre article consacré à lacommis-sion ou à ses activités. Très souvent, ils émanent de l'un ou l'autre membre de la commission et il est assez compréhensible que dans ces circonstances, l'accueil soit le plus souvent favorable.

M. Pêtre, Député PSC décrocrate chrétien hennuyer, ami personnel de M. Victor Michel, fit une interpellation le 21 mars 1967 «sur le fonctionnement de la Commission permanente de Contrôle linguistique ainsi que sur les motifs qui ont déterminé deux des commissaires d'expression française (en réalité les deux commissaires appartenant à la tendance sociale-chrétienne: MM. Victor Michel et Magerotte) à s'abstenir de siéger depuis octobre 1965».

Après avoir souligné le caractère consultatif de la Commission, l'interpella-teur insista sur son caractère paritaire affirmant que c'était précisément parce que ce caractère paritaire n'avait pas été respecté qu'un conflit avait surgi entre la commission et deux de ses membres.

En passant, M. Pêtre attira l'attention de l'assemblée sur le fait que le règlement d'ordre intérieur de la CPCL n'ayant jamais été publié «n'était connu que des seuls membres de la CPCL et que sans doute, une grande partie des difficultés étaient à rechercher et dans ce texte non conforme au prescrit légalPage 176et dans l'interprétation qu'en donnait le président de la commission, qui sans être cité nommément se présentait cependant comme le principal accusé du procès entamé.»

La discussion fut fort confuse.

Si l'interpellateur devait être appuyé par ses amis politiques et particulièrement par M. Parisis, Président du groupe parlementaire wallon, et par M. Cools, le leader socialiste liègeois, d'autres orateurs devaient prendre une position toute différente et plus particulièrement M. Verroken, président du groupe PSC flamand, lequel dans un discours très percutant, accusa M. Victor Michel d'essayer de se servir d'une aile du PSC pour saboter le travail de la commission.

Dans de brèves interventions qui n'abordaient pas le fond du problème, M. Larock, ancien ministre socialiste, affirma ne pas comprendre l'attitude de ces deux membres qui sans démissionner ne siégeaient plus à la commission et M. J. Van Eynde, le vice-président du PSB, évoqua la question des jetons de présence.

Dans sa réponse, le Ministre de l'Intérieur, M. Vanderpoorten, libéral flamand, commença par contester le caractère paritaire de la commission puis il ajouta que le statut et le règlement d'ordre intérieur n'étant pas des textes parfaits, pouvaient faire l'objet de modifications à condition toutefois que les modifications apportées puissent être acceptées par tous.

M. Parisis se déclara déçu par la réponse du Ministre et l'ordre du jour suivant fut déposé par deux déutés PSC francophones: MM. Saintraint et Magnée.

La Chambre ayant entendu la réponse de Monsieur le Ministre de l'Intérieur à l'interpellation de M. Pêtre, regrette que les mesures propres à faire prévaloir dans l'organisation et le fonctionnement de la CPCL la parité effective que le législateur a voulue, n'aient pas été prises, que le règlement d'ordre intérieur de la commission n'ait pas été revu en ce sens.

Les observateurs politiques estimaient que le vote sur cet ordre du jour déposé par deux membres de la majorité à la suite de l'interpellation d'un autre membre de la majorité risquait de déboucher sur une situation difficile pour le Gouvernement; aussi au cours de la séance du 22 mars 1967 (qui coîncidit avec le départ du Parlement en vacances de Pâques) vit-on se succéder à la tribune avant le vote et le Ministre de l'Intérieur et le Premier Ministre, ce qui constitue une procédure assez inusitée en matière parlementaire.

Le Ministre de l'Intérieur s'engageait notamment à «inviter le président et tous les membres de la CPCL à prendre sans délai des mesures de nature à éliminer les lacunes décelées dans ce règlement sans pour autant gêner la CPCL dans l'accomplissement de sa mission» et à «adapter —sous réservePage 177d'une consultation entre totus les membres— l'arrêté royal portant statut de la CPCL aux suggestions qui ont été émises».

Le Premier Ministre, de son côte, demandait aux auteurs de l'ordre du jour qui appartenaient, rappelons-le, comme lui au PSC, à retirer cet ordre du jour, compte tenu des engagements pris par le Ministre de l'Intérieur.

Tout en déplorant la réponse donnée la veille par M. Vanderpoorten, M. Saintraint accepta la proposition du Premier Ministre et l'ordre du jour fut retiré. La plupart des observateurs politiques, attentifs au problème évoqué, se demandaient comment se serait déroulé un éventuel scrutin et quelles en auraient été éventuellement les conséquences politiques. De toute façon, îa majorité gouvernementale se serait disloquée et certains estimaient que l'on aurait assisté à un vote opposant les Flamands d'une part aux Wallons et aux Francophones d'autre part.

Quelques mois plus tard, au cours de la séance de la Chambre des Représentants du 15 juin 1967,19 M. Pêtre, conformément à l'article 73 du règlement de la Chambre, demandait de poser d'urgence une question à M. le Ministre de l'Intérieur qui marquait son accord pour y répondre immédiatement.

Après avoir donné lecture de la déclaration faite par M. Vanderpoorten devant la Chambre le 22 mars écoulé, l'interprellateur demanda au Ministre, «aquelles sont les mesures qui sont intervenues ou qu'il compte prendre, et dans quel délai, pour améliorer, comme il l'a dit, le fonctionnement des sections au sein de la Commission permanente et pour assouplir les possibilités de dialogue et de décision entre les communautés linguistiques, ainsi que l'adaptation du règlement d'ordre intérieur et des statuts aux suggestions émises».

M. Vanderpoorten répondit qu'il avait pris ou fait prendre contact dans le cadre de sa déclaration du 22 mars 1967 avec les personnalités intéressées au problème et quil pensait que chacun était désormais convaincu de la nécessité de trouver une solution constructive. Le Ministre terminait son intervention en espérant pouvoir réunir tous les membres de la CPCL avant les vacances «afin d'aplanir dans un esprit de compréhension les difficultés que nous connaissons et que nous regrettons».

Quelques mois plus tôt, à l'occasion de la discussion du budget de la Culture au Sénat, le 15 mars 1967, le sénateur socialiste coopté Henri Rolin, dont les prises de positions modérées en matière linguistique sont bien connues, s'exprimait en termes anormalement sévères vis-à-vis de la Commission Renard:

Ainsi donc notre culture esta son tour menacée par le virus linguistique...

Si l'on continue de la sorte, nous allons être la risée de toute l'Europe. Oserai-je parler de ce document affligeant qui nous a été distribué récemment: le rapport annuel de la Commission permanente de Contrôle linguistique pourPage 178l'année 1965? On peut y découvrir de nombreuses manifestations d'une sorte de folie de la persécution. Une assemblée d'une dizaine de membres porte des jugements solennels sur des plaintes exprimées par des malades, des gens qui ne peuvent pas admettre qu'on signale par exemple des virages dangereux dans les deux langues...

Et il terminait son exposé en souhaitant une revision des lois linguistiques.

Dans le même ordre d'idées, il convient de singuler une série d'échos particulièrement virulents de l'hebdomadaire socialiste Germinal20 généralement assez modéré en matière linguistique. Le dernier rapport de la CPCL y fait l'objet de nombreuses remarques désobligeantes et la série d'attaques se termine par la conclusion «qu'il est grand temps de supprimer cette commission «grotesque et onéreuse».

Un observateur avisé de la vie politique belge eut pu répliquer à Germinal qu'en fait, la solution dépendait paradoxalment des seuls socialistes. Depuis plusieurs mois, il semble que la survie de la CPCL soit due à la seule action du parti socialiste, actuellement dans l'opposition.

En effet, depuis la nomination de M. Kinsbergen en qualité de Gouverneur de la province d'Anvers et sa démission à la CPCL, celle-ci ne réunit plus que 7 membres sur 10 (dans la plupart des réunions auxquelles le membre de langue allemande n'est pas convoqué), soit:

— 4 PSB (2 flamands, 1 wallon et 1 francophone);

— 2 PSC (2 flamands);

— 1 PLP (1 wallon).

Plusieurs organes de la presse francophone tant quotidienne (Libre Belgique et Soir principalement) qu'hebdomadaire (Pourquoi Pas?, Demain politique) se caractérisent par des attaques répétées contre la CPCL et c'est ainsi que La Libre Belgique, sous le titre «Bêtisier linguistique» avait publié quelques échos après la publication du second rapport de la CPCL mais c'est ce-pndant d'une chronique de la très sérieuse et très sévère Revue Générale21 que sous la plume de Memmon (pseudonyme de M. Daniel Ryelandt, Directeur général de l'Agence Belga (brugeois de anissance), que l'on retrouve sous le titre «Le règne des cuistres», le réquisitoire le plus sévère et le plus circonstancié du rapport incriminé.

Par contre, dans la mesure où la presse d'expression néerlandaise s'intéresse à la CPCL, c'est généralement pour prendre sa défense. C'est plus précisément dans Gazet van Antwerpen et dans le Standaard que l'on retrouve de tels plaidoyers. Egalement dans l'organe hebdomadaire de la Volksunie Wij.

Cette même dichotomie se retrouve d'ailleurs au niveau parlementaire. Les quelques questions parlementaires posées par des parlementaires francophonesPage 179par exemple MM. les Sénateurs Hougardy (PLP)22 et Lagasse (FDF)23 sont orientées vers un sens critique tandis que les questions parlementaires posées par des parlementaires flamands et plus particulièrement par des membres de la Volksunie sont le plus souvent des questions posées dans l'intention d'aider la commission dans son travail ou parfois même dans l'espoir de voir élargir sa compétence ou ses pouvoirs. C'est notamment le cas des questions posées par MM. Jorissen24 et Mattheyssens,25

A la veille de la rentrée parlementaire, comment se présentent les choses?

Il semble que les efforts tentés jusqu'aux vacances par le Ministre de l'Intérieur en vue d'aboutir à un accord entre les diverses parties concernant le fonctionnement interne de la CPCL soient toujours en cours et que les mois de neutralisation politique de juillet et d'août se soient passés sans apporter d'élément nouveau important en la matière.

Le Ministre de l'Intérieur a assisté à la séance de rentrée de la CPCL le jeudi 7 septembre, séance à laquelle MM. Victor Michel et Magerotte assistaient exceptionnellement. Cette réunion a fait l'objet de plusieurs commentaires dans la presse. Nous n'en retiendrons que deux.

Après avoir évoqué les difficultés internes de la commission dite Commission Renard, La Libre Belgique26 et après avoir erronément annoncé la démission de MM. Michel et Magerotte, rapporte que M. Vanderpoorten, Ministre de l'Intérieur, «avait promis de se pencher sur le noeud de vipères de la Commission Renard, afin de le dénouer et d'y apporter la paix». Cette promesse a été tenue lors de la réunion de rentrée du jeudi 7 septembre et après avoir entendu les propositions du Ministre, il a été décidé q'ue les points exposés par le Ministre continueron à être discutés lors d'une prochaine réunion (le jeudi 14 septembre). La conclusion de l'articulet de La Libre Belgique est symptomatique:

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Va-t-on en sortir? On assure que la discussion s'est déroulée dans un bon climat, mais en matière linguistique, el ne faut jamais jurer de rien.

L'article consacré par le quotidien socialiste Le Peuple27 est à la fois plus long et plus précis que celui que nous venons d'évoquer. Il prend assez nettement position contre la thèse défendue par M. Victor Michel (qualifié de «grand homme du mouvement ouvrier chrétien») et fait allusion au rejet par tous les autres membres de la commission d'une proposition de «fédéralisation de la commission.

L'article, dont l'inspiration n'est certainement pas la même que celle qui présida à la publication de l'article de Germinal dont nous avons parlé plus haut, se termine de la manière suivante:

Nous devons bien résumer toutos les démarches qui se sont ensuite dérou-léees en coulisse. Retenons que, finalement, M. Vanderpoorten a demandé à la Commission de présenter elle-même des propositions de modification des statuts, que celle-ci a estimé ces modifications inutiles et que le ministre a été obligé de présenter ses propres propositions de conciliation. Ce sont ces propositions qui seront examinées par la commission.

Le grand public suit assez malaisément le débat qui n'est vraiment apprécié que par quelques rares spécialistes. Sans vouloir prétendre donner un aperçu complet des thèses en présence, ce qui nécessiterait une étude à part, nous pouvons résumer de la manière suivante la position défendue par M. Victor Michel.

Le législateur a voulu marquer le caractère paritaire de la CPCL composée d'une section néerlandaise et d'une section francophone qui siègent en commun chaque fois qu'il convient (la loi parle de «sections réunies» alors que le statut du 2 mars 1964 parle d'une «assemblée plénière»).

Dès lors:

— il convient que la majorité des membres de chaque section soit présente (actuellement l'assemblée plénière siège valablement si par exemple ses 5 membres flamands et 1 membre wallon sont présents ou vice-versa);

— il convient que la majorité des membres présents de chaque section soit d'acord;

— il convient que l'avis de la minorité soit joint à l'avis de la majorité et qu'il soit notifié au requérant en même temps.

En fait, M. Victor Michel défend l'autonomie des sections.

Les adversaires de cette thèse répliquent que la composition de la Commission est évidemment paritaire (5 flamands et 5 wallons et francophones) mais qu'en établissant son règlement d'ordre intérieur comme elle l'afait, laPage 181CPCL a précisément voulu éviter les réunions préalables systématiques qui auraient pu avoir pour effet de créer, à l'assemblée plénière, des blocs dont les positions auraient été acquises d'avance et qui auraient rendu tout dialogue impossible ou inutile.

D'autre part, le rôle de la CPCL étant purement consultatif, il n'est pas souhaitable de se trouver en face de plusieurs avis divargents sur la même question.

Malgré certaines déclarations de principe en sens opposé, il semble qu'au travers de la CPCL, c'est aux dispositions mêmes de la loi linguistique du 2 août 1963 que s'attaquent réellement les adversaires, pour la plupart francophones, de la CPCL.

De même, les partisans de la CPCL fi pour la plupart flamands, défendent à travers elle les principes directeurs de la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matières administrative, même s'ils n'ont pas voté en sa faveur comme c'est le cas pour les parlementaires de la Volksunie.

Cependant, personne ne peut contester que le rôle de la CPCL a pris une extension certaine du fait de la mise en application des arrêtés d'exécution du 30 novembre 1966 qui rendent applicables de larges pans de la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative et il est à prévoir que cette activité redoublée créera de nouveaux remous, en sens divers, au sein d'une opinion publique largement traumatisée par une législation linguistique qui n'a pas encore apporté l'accord entre les parties constituantes que ses promoteurs revendiquaient et espéraient.

Située en fer de lance de l'application de cette législation, largement contestée, il est inévitable que la Commission permanente de Contrôle linguistique soit l'objet de nombreux commentaires, favorables de la part de ceux qui attendent des réalisations concrètes de cette législation, défavorables de la part de ceux que craignent ces mêmes réalisations.

Au cours des mois à venir, on peut s'attendre à voir resurgir la CPCL à l'avant-plan de l'actualité au moins dans deux cas.

Tout d'abord à l'occasion de la publication du troisième rapport d'activité. Celui relatif à l'année 1966. Ensuite et surtout à l'occasion du renouvellement des mandats des membres (effectifs et supplèants) qui devra s'effectuer en mars prochain.

Comme il est vraisemblable, les conseils culturels ne seront pas encore créés è cette date, c'est à nouveau à la Chambre des Représentants qu'incombera le soint d'établir un classement des candidats. Cette procédure est en principe favorable à la reconduction des membres actuellement en fonction. On peut en effet imaginer que les candidats présentés par les conseils culturels puissent être différents de ceux présentés par la Chambre des Représentants. Cependant, il n'est pas exclu qu'au sein des différents partis politiques, de nouvelles candidatures se fassent jour et qu'à cette occasion, toute la question de la CPCL soit à nouveau évoquée.

Certains bruits de coulisse évoquent la possibilité d'une revendication libérale de modification des proportions. C'est ainsi que pour la partie franco-Page 182phone du pays, le PLP se situe en seconde position et ne dispose que d'un siège à la CPCL alors que le PSC qui vient en troisième position depuis les élections de 1965 dispose de deux sièges.

Du côté socialiste, on remarque que les deux principales provinces wallonnes (Liège et le Hainaut) ne sont pas représentés, les deux représentants socialistes francophones étant respectivement bruxellois et namurois. Certains bruits afirment que les socialistes liègeois par exemple pourraient revendiquer et une représentation et la vice-présidence effective de la CPCL.

Par contre, d'autres informations vont dans le sens d'une reconduction pure et simple de l'équipe actuellement en place.

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Annexe 1

Ministère de l'Intérieur et de la Fonction Publique 23 mars 1964. Arrêté Royal portant nomination des membres et du vice-président de la commission permanente de contrôle linguistique. (Moniteur 1er avril 1964, pp. 3350 et 3351.)

Baudouin, Roi des Belges,

A tous, présents et à venir, Salut.

Vu la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative, notamment l'article 53;

Vu l'arrête royal du 2 mars 1964 fixant le statut du président et des membres de la Commission permanente de Contrôle linguistique et organisant le fonctionnement de celle-ci, modifié par l'arrêté royal du 18 mars 1964;

Vu la liste des candiats présentée par la Chambre des Représentants;

Sur la proposition de Notre Ministre de l'Intérieur et de la Fonction Publique,

Nous avons arrêté et arrêtons:

Article 1er

Sont nommés membres effectifs de la Commission Permanente de Contrôle linguistique:

  1. comme membres de la section néerlandaise:

    De Leeck Herman D Kempeneer Frans Van Cauwelaert Edgard Galle Marcel Kinsbergen Andries

  2. comme membres de la section française:

    De Bleu mortier Adolphe Michel Victor Stevens Louis Remacle Léon Bertouille André

    Page 184

  3. comme membre d'expression allemande: Nyssens Victor.

Article 2

Sont nommés membres suppléants de la Comission Permanente de Contrôle linguistique:

  1. comme membres de la section néerlandaise:

    Denis Joris Declerck Pieter Bové Fernand De Bock Ernest De Croo Herman

  2. comme membres de la section française:

    Costard Raymond De Vosse Jules Leclercq Oscar Magerotte Fernand Van Brussel André

  3. comme membre d'expression allemande: Gennen Johan.

Article 3

Chaque membre effectif a pour suppléant celui qui occupe la même place que la sienne dans l'ordre figurant aux articles précédents.

Article 4

Est nommé vice-président de la Commission permanente de Contrôle linguistique M. Stevens, Louis.

Article 5

Le présent arrêté entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur Belge.

Page 185

Article 6

Notre Ministre de l'Intérieur et de la Fonction Publique est chargé de l'exécution du présent arrêté.

Donné à Bruxelles, le 23 mars 1964.

Baudouin. Par le Roi:

Le Ministre de l'Intérieur et de la Fonction publique, A. Gilson

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Annexe 2 Ministère de l'Intérieur et de la Fonction Publique

2 mars 1964. Arrêté royal fixant le statut du président et des membres de la Commission permanente de contrôle linguistique ET ORGANISANT LE FONCTIONNEMENT DE CELLE-CI.

Baudouin, Roi des Belges, '

A tous, présents et à venir, Salut.

Vu la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative, notamment l'article 53, 5 4;

Vu l'avis du Conseil d'Etat;

Sur la proposition de Notre Ministre de l'Intérieur et de la Fonction publique,

Nous avons arrêté et arrêtons:

Chapitre 1er Le président
Article 1er,

Le président de la Commission prête le serment préveu par l'article 2 du décret 20 juillet 1831 entre les mains du Ministre de l'Intérieur et de la Fonction publique.

Article 2

El est interdit au président de la Commission de révéler les faits dont il aurait eu connaissance en raison de sa fonction.

Article 3

Le statut pécuniaire des Conseillers du Conseil d'Edat est applicable au président de la Commission.

Pour le calcul des augmentations périodiques de traitement, le président de la Commission âgé de plus de trente ans, au moment de sa désignation, est réputé être en fonction à l'âge de trente ans.

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Article 4

Les règles relatives aux congés des agents de l'Etat sont applicables au président de la Commission.

En l'absence du président, la présidence de la Commission est assumée par le plus âgé des membres présents.

Chapitre IL Les membres
Article 5

Les membres effectifs et suppléants de la Commission permanente de contrôle linguistique prêtent le serment préveu par l'article 2 du décret du 20 juillet 1831 entre les mains du président.

Article 6

Chaque membre effectif a un suppléant qui le remplace, en cas d'absence.

Lorsqu'un membre effectif ne peut, pour une raison quelconque, achever son mandat, le membre qui le supplée est nommé membre effectif et un nouveau membre suppléant est nommé pour la durée du mandat qui reste à courir.

Article 7

Il est défendu aux membres de révéler les faits dont ils auraient eu connaissance en raison de leurs fonctions.

Article 8

Les membres effectifs et suppléants de la Commission bénéficient d'un jeton de présence de mille francs pour chaque réunion à laquelle ils sont convoqués.

Pour la fixation des frais de route et de séjour, afférant à l'exercice del leur mandat, les membres de la Commission sont assimilés aux directeurs généraux des ministères. Les membres qui effectuent leurs déplacements en voiture automobile ne peuvent porter en compte, à titre de frais de route, que le coût du Voyage en première classe en chemin de fer.

Les jetons de présence ainsi que les frais de parcours et de séjour sont payables trimestriellement.

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Chapitre III
Article 9

Les sections française et néerlandaise se réunissent en assemblées distinctes sur convocation du président ou à la demande de deux membres au moins de la section intéressée.

La Commission se réunit en assemblée plénière sur convocation du président ou à la demande de quatre membres au moins de la Commission.

Le président dirige les débats. Il n'a pas voix délibérative.

Article 10

Le secrétariat de chaque section est assuré par un' foncti'onnaire du service administratif de la Commission désigné par le président.

Les secrétaires des deux sections assistent aux assemblées plénières de la Commission, ils assurent collectivement le secrétariat de ces assemblées.

Article 11

§ 1er. Les sections ne délibèrent valablement que si la majorité de leurs membres est présente.

Les avis sont motivés et communiqués, pour information, à l'autre section.

§ 2. L'assemblée plénière est tituée de la moitié, au moins, des membres de la commission, chacune des sections devant y être représentée par un de ses membres au moins.

Ses avis sont motivés.

Article 12

Moyennant l'accord du président de la commission, les sections peuvent se réunir en son absence en vue de l'examen préalable des affaires.

Ces réunions sont présidées par le membre présent le plus âge. Elles sont organisées, en accord avec les membres, par le secrétaire attaché à la section.

Article 13

Quand la nature des affaires le requiert, chaque section ou l'assemblée plénière, selon le cas, peut constituer unes sous-commission ayant pour mission de lui faire rapport, de lui présenter des propositions ou de procéder à des investigations sur place.

Page 189

La sous-commission constituée par l'assemblée plénière comprend toujours au moins un représentant de chaque section.

Les sous-commissions sont assistées du secrétaire de la section ou des deux secrétaires, si elles sont constituées par l'assemblée plénière.

Il est toujours loisible au président de participer, avec voix consultative, aux travaux des sous-commissions.

Article 14

Des investigations sur place peuvent être confiées par chaque section ou par l'assemblée plénière aux fonctionnaires du service administratif de la Commission, désignés à cet effet. Il est de même du contrôle à exercer sur les examens.

Article 15

Le président de la Commission signale au Ministre de l'Intérieur toute plainte adressée à la Commission sur base de l'article 54, § 6, de la loi du 2 août 1963.

Dispositions finales
Article 16

Le présent arrêté sort ses effets le jour de la désignation du président de la Commission par la Chambre des Représentants.

Article 17

Notre Ministre de l'Intérieur et de la Fonction publique est chargé de l'exécution du présent arrêté.

Donné à Bruxelles, le 2 mars 1964.

Baudouin.

Par le Roi:

Le Ministre de l'Intérieur et de la Fonction publique, A. Gilson

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Annexe 3 Extrait de la Revue Générale Belge
Le règne des cuistres

On sait que la loi de 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative a créé une commission chargée de veiller à son application. Cette commission est appelée à donner son avis sur des projets d'arrêtés d'application et à décider si des actes signalés à son attention sont ou non contraires à la loi. On croyait jusqu'à présent que c'était la tâche de l'administration et du Conseil d'Etat; mais le législateur de 1963 a considéré qu'il fallait en l'espèce une juridiction spécialisée, qui puisse se consacrer entièrement et uniquement à couper les cheveux en quatre, à jouer la Sainte Inquisition et à veiller à ce que la loi soit toujours appliquée à la lettre, dans son sens le plus étroit, sans reculer devant l'absurdité. C'est ce que la Commission appelle elle-même une «application loyale et concrète» (en loyale, en concrète toepassing), car le législateur n'a pas exigé d'elle que, dans l'intérêt d'une bonne culture, elle s'exprime dans une —ou plutôt dans deux— langues correctes et élégantes.

Il faut inscrire à l'actif de la Commission l'application au travail de ses membres et leur esprit scrupulex. C'est d'ailleurs fort bien dit par eux-mêmes dans l'introduction de leur rapport et c'est probablement la raison pour laquelle le rapport, lourd de 327 pages, paraît avec 14 mois de retard. Le juridisme étroit éclate à chaque page, mais est également énoncé comme un principe sacré dans l'introduction. Celle-ci eût pu énoncer encore le mépris pour le bon sens, l'absence de tout souci d'une bonne administration et l'absence de toute préocupation de ne pas aigrir les esprits.

La matière manipulée est délicat et contient pas mal d'explosifs. Les membres de la Commission le voient bien; ils le disent et y insistent et ils en concluent qu'il faut creuser, fouiller, piocher, retourner, redoubler les manipulations. Peut-être est-ce un système défendable, mais j'avoue que je préférerais que cela se fasse très loin, dans le désert de Los Alamos... De l'aveu même de la Commission, nombre des infranctions à la loi signalées dans le rapport ont disparu depuis belle lurette; mais elle a tenu à nous montrer qu'elles avaient bien existé et à remettre une allumette à l'orifice de la poudrière.

C'est avec le sérieux d'étudiants en Droit parodiant le prononcé d'un jugement que la Commission distille ses considérations sur la langue dans laquelle un document de transport d'une firme privée doit être imprimé et ensuite rempli; elle fignole de même de précieuses distinctions entre la langue employéc pour un signe distinctif fiscal d'auto et celle de l'enveloppe qui a servi à son expédition. Il y a un avis de quatre pages, qui mériterait une plus large diffusion, concernant les adjoints bilingues dans les ministères. L'avis est d'un délicieux byzantinisme, corrigeant par des considérants solennels des fautes de copie dans le projet d'arrêté soumis à examen et énonçant quelquesPage 191principes d'une sagesse réconfortante. «Considérons, disent ces messieurs, que ce n'est pas l'adjoint dont il faut prouver les connaissances linguistiques, mais bien le fonctionnaire qui est candidat à cet emploi.» Et encore: «Le candidat adjoint bilingue doit appartenir à un autre cadre linguistique que celui du chef.» Eh, eh! il fallait y penser!

Il arrive à la Commision de se déclarer incompétente. Et elle s'en explique alors longuement, se prononçant d'ailleurs sur le fond avant de décliner la compétence. Ainsi pour la nomination d'un bourgmestre soupçonné, semble-t-il (ce n'est pas formulé nettement), de no pas savoir la langue régionale. La Commission constate tristement que «la loi ne prévoit aucun critère en matière de connaissance linguistique pour la position de bourgmestre» (le texte original dit plus correctement: «voor het ambt van burgemeester»); mais elle tient à énumérer les inconvénients que présenterait la nomination d'un bourgmestre ignorant la langue de ses administrés et elle le fait dans la forme la plus solennelle.

La gare de Comines donne bien des soucis à la Commission. On y annonce le train pour Courtrai en employant la forme Kortrijk et certaines correspondances sont également annoncées en néerlandais seulement; or totut cela doit être proclamé dans les deux langues, Comines étant «une commune à facilités de la frontière linguistique». Mais il y a pis: une enquête faite sur place à l'occasion des délits stigmatisés ci-dessus a révélé l'existence dans cette gare d'un panneau portant ces mots: «Vers —naar Kortrijk». Or il existe une traduction légale de Kortrijk. «En conséquence le panneau litigieux doit être remplacé et porter la mention: «Vers Courtrai — Naar ortrijk.» Ouf! nous l'avons échappé belle!

Les formulaires des cartes d'identité sont unilingues en Belgique, sauf dans l'agglomération bruxelloise, dans les communes officiellement bilingues de la frontière linguistique et dans les cantons de l'Est, où les formulaires étaient bilingues, mais remplis dans la langue de l'intéressé. La Commission a froncé le sourcil et le gouvernament vient de lui emboîter le pas. Dorénavant, les cartes d'identité seront unilingues dans les communes bilingues, texte imprimé et mentions manuscrites, et l'employé choisira le formulaire établi «dans la langue souhaitée ou désignée par l'intéressé» et le remplira dans la même langue.

En somme, on établit à Bruxelles et dans les communes bilingues un recensement linguistique permanent qui prend la forme d'un referendum, puisque c'est le voeu de l'intéressé qui seul comptera. Nous ne savons si cela fera plaisir à tout le monde.

D'un très long avis sur les documents de bord des navires de commerce, retenons qu'un acte de naissance ou de décès doit être établi dans la langue du port d'attache du navire. Ici d'abus de la logique et une interprétation trop étroite des textes aboutissent à une mesquinerie vexatoire.

Dans quelques affaires, la Commission a poussé cette logique de primaires jusqu'à l'absurde, faisant dire au législateur ce que, de toute évidencia, il n'a pas voulu. Nous voulons croire que les pouvoirs publics ne se considèrent pas comme liés par des avis aussi ridicules. En voici deux exemples.

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La loi permet aux communes touristiques de rédiger des avis aux touristes dans une autre langue que celle de la région, à condition toutefois d'en employer trois au moins. Tel est le cas des communes du littoral et notamment de celles situées à l'oust d'Ostende. Ces darnières communes ont formé une intercommunale chargée de développer le tourisme et cette intercommunale a décidé de faire ses tracts de propagande en quatre langues.

Halte! dit la Commission; c'est illégal. La loi ne permet cette dérogation qu'aux communes, pas à une intercommunale. Le législateur n'a pas préveu le cas et toute dérogation est de stricte interprétation. «Summum jus, summa injuria», dit un vieux brocard de Droit. Mais l'Etat est-il lié par de pareilles billevesées?

Autre exemple, qui nous vient de Namur. Un farceur —à moins que ce ne soit un échappé de Dave— a signalé à la Commission une série de vieux poteaux et inscriptions où des mots flamands figuraient encore. La Commission, comme bien l'on pense, a consacré un avis longuement motivé à chaque poteau et à chaque boîte aux lettres, montrant que tous constituaient des infractions à la loi. Mais, dans la liste, figurait une infraction plus vivante et plus actuelle, plus subtile également. Des agents de police de Namur, qui avaient bravement appris le néerlandais, avaient été dotés d'un beau bressard «de couleur jaune» (sic) portant le mot «Nederlands». Et la Commission fait donner les grandes orgues: «Considérant que ladite mention est destinée à informer le public de ce que l'agent en question connaît la langue néerlandaise; qu'elle constitue donc un avis ou une communication au public au sens de la loi du 2 août 1963.» Bon, direz-vous. Et puis? Eh bien «Namur est une commune sans facilités de la région de langue française»; donc les avis au public ne peuvent y être faits qu'en français. Et l'agent de police? II peut, sans s'exposer à des sanctions, apprendre le néerlandais et même le parler à des touristes, mais sur son brassard, il fallait écrire «Néerlandais» et pas «Nederlands». Est-ce clair? S'il parle russe, on ne peut l'annoncer en caractère cyrilliques. Ce serait trop facile pour le touriste russe et «Namur est une commune sans facilités»! D'ailleurs, si elle était ville touristique (ce qui est par exemple le cas de Dinant), la mention «Russe» devrait être faite en trois langues au moins! Imaginons une manifestation courante, par exemple un congrès international de pompiers ou de philatélistes à Namur. La ville voudrait accueillir les congressistes par des banderolles de bienvenue et des avis pratiques en quatre ou cinq langues. Eh! bien cela lui est interdit...

On dit que plusieurs membres de la Commission ont discrètement démissionné de celle-ci. Comme on les comprend! Il y a des besognes qu'on ne doit pas aimer faire si on a le moindre sens politique et le goût de la paix publique, ou simplement si on craint le ridicule. Le rapport dit que la CPCL «exerce ses activités dans une ambiance, empreinte de la meilleure entente». À la place des membres encore sains d'esprit, je me méfierais de ce milieu que l'on nous dépeint en termes empruntés au music-hall et à la psychanalyse.

Qu'ils aillent voir la Chute d'Icare et essaient de s'y situer. Après avoir lu leur rapport, c'est ce que nous sommes tous d'ailleurs tentés de faire.

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* Aquest article fou publicat al «Courrier Hebdomadaire», ndrn. 374, del dia 15 de setembre de 1967. Agraïm al «Centre de Recherche et d'Information Socio-politique» l'autoritzacio per a la seva reproduccid.

[1] Les sigles fréquemment employés sont en français C.P.C.L. et en néerlandais V.C.T.T. (ou parfois V.C.T.) correspondant à «Vaste Commissie voor Taaltoezicht». Mais cette commission est plus souvent appelée, principalement dans la presse d'expression française, «Commission Renard», du nom de son Président, M. Raphaël Renard, ancien Chef de Cabinet adjoint de M. Gilson, Ministre de l'Intérieur et l'un des principaux artisans du projet de loi qui devait devenir la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative.

[2] Les différentes lois relatives à l'emploi des langues en matière administrative ayant été coordonnées par l'arrêté royal du 18 juillet 1966 pris en fonction de l'article 57, 1.º de la loi du 2 août 1963 qui prévoyait cette coordination, ce sont lest références des lois coordonnées qui sont actuellement employéeés soit en ce qui concerne la Commission permanente de Contrôle linguistique, le chapitre VIII et les articles 60, 61 et 62. Il est encore question de la CPCL dans d'autres dispositions des lois coordonnées: article 11, S 3, al. 2; article 15, §2, al. 4; article 43, S 3, al. 5 et 6; article 51; article 67, S 1er.

[3] Article 13 de la loi du 28 juin 1932 sur l'emploi des langues en matière administrative.

[4] Document parlementaire 331 (1961-1962) n.° 1, p. 9 et 10.

[5] Voir «Les arrêtes d'exécution des lois linguistiques», Courrier Hebdomadaire du CRISP, n.° 347-348, 13 janvier 1967.

[6] Notamment dans un court article intitulé «Sabotage van de Vaste Commissie voor Taaltoezicht» de I. De Weerdt publié dans Tijd du 22 juin 1964, l'organe du Vlaams Economisch Vetbond, il est clairement reproché à certains milieux bruxellois de tout mettre en oeuvre que la CPCL ne démarre pas avant les élections communales qui devaient se dérouler le second dimanche d'octobre 1964.

[7] Article 61, § 2 des lois l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966.

[8] Article 61, § 3, al. 2, idem.

[9] Article 61, § 4, al. 2, idem.

[10] Article 61, § 4, al. 3, idem.

[11] Article 61, § 6, idem.

[12] Il s'agit de M. Louis Stevens, socialiste bruxellollis, ex-syndicaliste. Il a été désigné en qualité de vice-président de la CPCL. Mais contrairement au président, son mandat n'est ni permanent, ni á temps plein.

[13] Annales parlementaires —Chambre des Représentants— Séance du jeudi 12 mars 1964, p. 33.

[14] Voir annexe n.° 1.

[15] Annales parlementaires —Chambre des Représentants— Séance du jeudi 12 mars 1964, pp. 37-38.

[16] Voir annexe n.º 2.

[17] Rapport annuel du CPCL pour la période du 4 juin 1964 au 28 février 1965 -18 SE 1965 - n.° 1 - Chambre des Représentants, Session extraordinaire 1965 - 6 octobre 1965. Rapport annuel de la CPCL, pour la période du 1er. mars 1965 au 31 décembre 1965 -Sénat de Belgique, Session 1965-1966 - 3 octobre 1966 - n.º 307. Il convient également de signaler les rapports du Ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur au président de la Commission permanente de Contrôle linguistique en vue de l'application de l'article 47, S 5, al. 2 et 3, des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 {l'ancien article 36, S 5, al. 2 et 3 de la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative). Les deux premiers rapports ont été publiés au Moniteur belge des 22 janvier 1966 (pp. 764 à 770) et du 31 janvier 1967 (pp. 903 â 911). Nous aurons l'ocasion d'examiner ces documents plus en détail dans unep rochaine livraison du Courrier Hebdomadaire.

[18] Voir notamment l'article 7 du statut reproduit en annexe n.° 2 et qui stipule qu'«il est défendu aux membres de révéler les faits dont ils auraient eu connaissance en raison de leurs fonctions».

[19] Chambre des Représentants —Annales parlementaires— Séance du 15 juin 1967, p. 4.

[20] 17 février 1967, pp. 13 et 14.

[21] Voir annexe n.° 3.

[22] Question n.° 95 du 20 juin 1966 concornant le coût du fonctionnement de la CPCL (Bulletin des Questions et Réponses, Sénat, n.º 36, du 11 juillet 1967, p. 1.025).

[23] Question n.° 13 du décembre 1966 concernant les jetons de présence. (Bulletin des Questions et Réponses, Sénat, n.° 10, du 10 janvier 1967, p. 256.)

[24] Question n.° 147 du 4 octobre 1966 (Bulletin des Questions et Réponses, Sénat, n.° 9, du 3 janvier 1967, p. 235). Question n.° 42 du 1er. février 1967 (Bulletin des Questions et Réponses, Sénat. n.° 17, du 28 février 1967, p. 506).

[25] Question n.º 168 du 14 octobre 1966 (Bulletin des Question et Réponses, Chambre, n.° 40, du 31 octobre 1966, p. 1938). Question n.° 170 du 14 octobre 1966 (Bulletin des Questions et Réponses, Chambre, n.° 40, du 31 octobre 1966, p. 1939). Question n.° 25 du 7 décembre 1966 (Bulletin des Questions et Réponses, Chambre, n.° 5, du 27 décembre 1966, p. 266). Question n.° 42 du 10 janvier 1967 (Bulletin des Questions et Réponses, Chambre, n.° 21, du 18 avril 1967, p. 1.094). Questions n.° 91 du mars 1967 (Bulletin des Questions et Réponses, Chambre, n.° 21, du 18 avril 1967, p. 1.094).

[26] La Libre Belgique, 9-10 septembre 1967.

[27] Le Peuple, 9-10 septembre 1967.

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